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Full text of "Le folk-lore de la Beauce et du Perche"

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LES 



LITTÉRAl'URES POPULAIRES 



DE 



TOUTES LES 'K.ATIONS 



TRADITIONS, LÉGENDES 
CONTES, CHANSONS, PROVERBES, DEVINETTES 

SUPERSTITIONS. 



TOME XLV 



PARIS 

J. MAISONNEUVE, ÉDITEUR 

6, KbE DE MÉZièRES, ET RUE MADAME, 26 
1902 

Nouvelle adresse 
8, RUE DU SABOT, PARIS-V? 



LE FOLK-LORE 

DK LA 

BEAUCE ET DU PERCHE 



OUVRAGES DU MÊME AUTEUR 



Au Pays de l'Esclavage (Mœurs et cou- 
tumes de r Afrique centrale), i vol. 

Le Roman d'une Enfant trouvée, i vol. 

Le Folk-lore de la Be^uce et du Perche 

2 vol. 



EN PRÉPARATION : 

Souvenirs de l'Année terrible en Beauce 

(1870-1871.) 



^¥^iA* 



LE FOLK-LORE 

DE LA BEAUCE 

ET 

DU PERCHE 

PAR 

Félix CHAPISEAU 

TOME I 




PARIS 

MAISONNEUVE, ÉDITEUR 



Noi;vEi.t.E Adresse 
, RUE DU SABOT, PARIS-Vl- 



AVANT-PROPOS 



O mon "Pays, sois mes amours, 
Toujours. 

QlATliLTJ BRIAND . 




ORSQ.IJE j'eus ridée — il y a bien 
dos années déjà — d'étudier et de 
rassembler les traditions de la 
'. Beauce et du Perche, mon in- 
tention était de les réunir en un petit volume, 
et je me mis à l'œuvre aussitôt. Mais au 
fur et à mesure des recherches l'horizon 
s'éloigna, le champ 5'élargit. Aux nombreuses 
coutumes, croyances et superstitions qui 
constituent l'ensemble de l'Ethnographie tra- 
ditionnelle, il fallut adjoindre les légendes, 
contes, chansons, dictons, etc., qui com- 
posent la Littérature orale. De sorte que 

I 



II AVANT-PROPOS 



la tâche devint beaucoup plus longue, plus 
laborieuse, plus ardue qu'elle ne m'avait 
paru l'être tout d'abord. 

Le Foîk'Lore, cette science nouvelle, em- 
brasse, en effet, la vaste et mystérieuse éten- 
due du souvenir ; il soulève des problèmes 
d'une complexité inouïe quant à l'origine 
des faits relatés. Pour mener à bonne fin une 
œuvre de cette portée, il faudrait être à la 
fois historien, archéologue, critique et con- 
teur. Or, simple chroniqueur, j'ai une ambi- 
tion plus modeste qui peut se définir ainsi : 
recueillir avec un soin jaloux des choses sur 
le point de disparaître ou disparues déjà ; les 
rapporter fidèlement ainsi que tout ce qui 
s'est dit et se répète encore dans les chau- 
mières ; les exposer avec méthode et clarté ; 
les sauver de l'oubli. 

La plupart de nos anciennes provinces — 
notamment les plus éloignées du berceau de la 
France — ont fourni ample matière aux au- 
teurs amateurs de Littérature populaire, La 
Picardie, la Franche-Comté, la Gascogne, la 
Bretagne.... ont offert une mine inépuisable 
aux chercheurs. On serait tenté de croire 



AVANT-PROPOS III 



que la Beaucc et le Perche, parce que situés 
aux portes de Paris, sont dépourvus de ces 
coutumes étranges, de ces chansons naïves, 
de ces croyances superstitieuses, de ces 
légendes et de ces contes populaires qui font 
la joie des folk-loristes. Ce serait une erreur. 
La source des traditions beauceronnes et per- 
cheronnes est féconde : elle se perd 'dans 
l'antiquité et elle a été largement alimentée, 
jusqu'ici, par les mœurs, les goûts de nos 
aïeux. Mais le cours ininterrompu du temps 
et l'œuvre de la civilisation effacent fatale- 
ment le passé et détruisent ou régénèrent 
sans cesse les usages de chaque époque. Il 
était donc utile et intéressant de remonter le 
cours des siècles pour reconstituer les tradi- 
tions de nos ancêtres. 

Il est, à côté de l'histoire proprement dite, 
une foule de faits qui lui échappent, parce 
que secondaires. Ce sont ces derniers que j'ai 
cherché à glaner afin d'intercaler, entre les 
pages de la grande histoire, quelques feuillets 
d'histoire locale relatifs au sol carnute, et de 
les transmettre aux générations futures. 

Le récit historique repose, il est vrai, sur 



IV AVANT-PROPOS 



des faits avérés^certains ; tandis que le récit lé- 
gendaire, basé sur un fonds de vérité, sur un 
événement local, a été, en traversant les âges, 
altéré, amplifié, nuancé suivant l'imagination 
des narrateurs. Mais notre histoire nationale, 
pour les siècles antérieurs à la renaissance des 
lettres, n'a-t-elle pas été, elle-même, compo- 
sée à l'aide de traditions recueillies et agré- 
mentées par des écrivains naïfs et superstitieux ? 

Certains faits cités dans cet ouvrage paraî- 
tront difficiles à expliquer ; je ne m'en char- 
gerai pas, le rôle que je me suis assigné con- 
sistant à rapporter et non à commenter. 
C'est à cette fin que j'ai rassemblé, avec une 
pieuse sollicitude, tous les souvenirs épars 
qui se rattachent à notre sol et constituent le 
Folk'Lore de la Beauce et du Perche, 

Quelques-uns de ces souvenirs puisent 
vraisemblablement leur origine dans les 
mœurs les plus primitives ; — les plus nom- 
breux peut-être remontent aux Gaulois qui 
avaient pour temple les forêts, pour autel 
des blocs de pierre bruts, pour culte l'ado- 
ration des puissances naturelles : -r certains 
nous reportent aux premiers siècles de notre 



AVANT-PROPOS 



ère où les chrétiens étaient encore à demi 
païens ; — d'autres nous rappellent le moyen- 
âge, époque de naïve ignorance et de foi ar- 
dente, hantée des phénomènes du mystérieux, 
imbue du merveilleux ; — d'autres enfin sont 
nés des guerres civiles, religieuses ou étran- 
gères (cause de misère générale, d'épidémie, 
de destruction), en des temps plus rapprochés 
de nous, où les mœurs étaient déjà moins 
rudes, l'intelligence plus ouverte* 

Mais, quelle que soit leur origine, ces lé- 
gendes merveilleuses et apocr}^phes, ces 
contes prodigieux et terrifiants constituent, 
avec les usages et les coutumes, les chaînons 
de l'immense chaîne de la vie qui nous rat- 
tache au passé ; ils se sont transmis de généra- 
tion en génération à la veillée commune. 

Primitivement les caves étaient les lieux 
choisis pour ces assemblées nocturnes, ap- 
pelées Veillées ou Veillons ; depuis plusieurs 
siècles elles se tiennent dans Tétable. C'est 
là que, pour occuper les longues soirées 
d'hiver, les paysans beaucerons se réunis- 
saient pai; groupes de trois ou quatre mé- 
nages : hommes, femmes, vieillards, enfants. 



Vr AVANT-PROPOS 



Un coîn, proprement entretenu et tapissé de 
paille fraîche, était réservé aux veilleurs. Fi- 
chée dans un énorme chandelier de bois, 
une seule chandelle, apportée alternativement 
par chaque famille, projetait sur l'assemblée 
sa lumière jaunâtre. Les femmes teillaient le 
chanvre, filaient ou tricotaient. Les hommes 
prenaient place, qui sur des bottes de paille, 
qui dans le râtelier des vaches. On devisait 
gaîment au milieu du léger cliquetis des ai- 
guilles qui s'entrecroisaient prestement, gui- 
dées par les mains alertes des tricoteuses. 
Puis on chantait de vieilles romances, des 
complaintes, des cantiques ; enfin on racon- 
tait des légendes naïves et merveilleuses ou 
des contes extraordinaires qui jetaient la 
frayeur dans la réunion. 

Tout le monde écoutait dans un profond 
silence ces histoires terribles de loups-garous 
courant à travers la plaine ; de revenants 
jetant à pleines mains des malédictions ; de 
sorciers semant partout la ruine et la mala- 
die ; de diables, couverts de poils noirs, ap- 
paraissant toujours armés de longues cornes 
et de fourches menaçantes. Les cheveux se 



AVAXT-PROPOSr VII 



dressaient, les yeux étaient hagards, les traits 

altérés, les cœurs palpitants L'heure du 

repos ayant sonné, la sortie s'effectuait, et 
les enfants, terrifiés, se cachaient sous le 
tablier de leur mère en regagnant le logis. 
La nuit, leurs rêves étaient peuplés de 
monstres effroyables. 

Un souvenir vivace m'est resté de ces réu- 
nions où, tout enfant, j'ai pu recueillir sur 
les lèvres de nos aïeuls, parmi le tissu de 
ces histoires fantastiques, leurs préjugés et 
leurs croyances. Un grand nombre de ces 
croyances sont absurdes : elles n'en sont que 
plus tenaces ; elles font comme partie de 
l'air ambiant. C'est faire œuvre doublement 
utile, de les fixer au passage pour en conser- 
ver le souvenir à nos fils, et de les signaler 
pour les détruire chez ceux de nos contem- 
porains qui les pratiquent encore. 

Les veillées d'autrefois ont donc le mérite 
d'avoir perpétué jusqu'à nous les traditions 
populaires. Celles du samedi étaient de beau- 
coup les plus fréquentées et les plus joyeuses : 
les jeunes gens y étaient admis ; elles se ter- 
minaient par des jeux, des devinettes et 



VIII AVANT-PROPOS 



d'autres amusements innocents. Mais l'hiver 
seul, avec ses froides et longues soirées, favo- 
risait ces réunions ; vers Pâques, le paysan, 
reprenant sa vie au grand air, était contraint, 
par ses rudes travaux, à se coucher de bonne 
heure : les veillées cessaient jusqu'à la Tous- 
saint prochaine. 

Aujourd'hui, les veillées ont presque dis- 
paru, et, avec elles, les traditions orales où 
elles avaient pu si librement s'épanouir. Les 
moeurs se sont modifiées : l'industrie a en- 
vahi les gros bourgs ; on est devenu amou- 
reux de son chez soi ; et si, le soir, le paysan 
et sa famille veillent autour de la lampe 
moderne, ce sont les Nouvelles diverses et les 
drames du Roman- Feuilletott^ lus dans le jour- 
nal du jour, qui font les frais de l'entretien : 
contes et légendes d'antan, ces « vieilleries », 
sont mis au rang des vieilles lunes. 

Cette étude d'après nature offre un charme 
puissant, un intérêt passionnant. Mais pour 
saisir exactement les nuances des expressions, 
interpréter le sens des idées, dégager l'es- 
prit de la population d'une contrée, il faut 
être soi-même enfant du pays, y avoir long- 



AVANT-PROPOS IX 



temps vécu, en bien connaître les mœurs et 
les traits distinctifs du caractère des habitants. 

Pour mener à bien un tel travail, il faut 
avoir, comme but, un pieux devoir à rendre 
au pays natal, car la tâche est complexe : 
elle nécessite de patientes et pénibles re- 
cherches dans le trésor poudreux des archi- 
ves et des vieux parchemins, des manuscrits 
et des imprimés. J'ai puisé à pleines mains 
dans les richesses de la Bibliothèque natio- 
nale, grâce à l'obligeance d'un bon et savant 
axi.J'ai fait appel aux liens de vieille amitié 
de compatriotes qui m*ont adressé leurs sou- 
venirs ou des documents. Je suis heureux de 
leur offrir ici le tribut de mon affectueuse 
reconnaissance. 

Puisque j'expose les sources auxquelles j'ai 
puisé, le moment est venu d'indiquer les au- 
teurs que j'ai mis le plus souvent à contribu- 
tion. Dans un travail de cette nature, l'usage 
impose à l'écrivain qu'il produise des notes jus- 
tificatives, sous peine de voir mettre en doute 
la véracité de ses affirmations. Je m'y suis 
conformé pour les faits dont la source était 
unique ; mais je me suis abstenu lorsque les 



AVANT-PROPOS 



renseignements émanaient de deux ou même 
de trois sources -différentes sans pouvoir dis- 
cerner à laquelle revenait la paternité et lors- 
que ces renseignements venaient confirmer 
ma propre enquête ou mes souvenirs per- 
sonnels. 

Je dois dire que j'ai trouvé des documents 
précieux dans les travaux érudits et conscien- 
cieux de MM. de Boisvillette, Coudray-Mau- 
nier, Ad. Lecocq, A. S. Morin, J.-B. Thiers. 
Les lecteurs de xet ouvrage profiteront des 
recherches de ces savants en même temps 
que des miennes, car je leur ai fait de nom- 
breux emprunts. 

On ne peut tout voir, tout savoir, et, pour 
reconstituer fidèlement le passé de nos pères, 
les matériaux écrits ne suffisent pas. Pour 
être complet, il faut aller recueillir sur place 
les traditions locales, parcourir chaque com- 
mune, chaque village, explorer les lieux répu- 
tés, faire entrer en scène les vieux paysans. 

Chaque année, j'ai fait de nombreuses 
excursions à travers la Beauce et le Perche, 
afin de glaner quelques nouveaux renseigne- 
ments et grossir ma récolte. J'ai amené les 



AVANT-PROPOS XI 



vieillards à me raconter ce qu'on pensait, ce 
qu'on croyait, ce qu'on disait au temps de 
leur jeunesse. J'ai interrogé nombre de Beau- 
cerons beauceronnant, de Percherons per- 
cheronnant, n'ayant jamais perdu de vue 
leur clocher. Or, capter leur confiance n';i 
pas toujours été pour moi chose facile. Le 
paysan est peu expansif ; il est méfiant en 
général, et, en matière de croyances et de 
superstitions, la plus grande prudence est 
nécessaire si l'on veut lui arracher quelques 
anecdotes. Il faut savoir en écouter patiem- 
ment cinq ou six, sans aucun sens, pour arri- 
ver à un récit intéressant. J'ai rarement fait 
de démarches vaines. 

En résumé, je n'ai eu d'autre but en écri- 
vant cet ouvrage que celui de conserver 
quelques traces des traditions ancestrales, 
avant que notre esprit sceptique ne les ait 
laissé disparaître. L'heure est arrivée de 
moissonner ces richesses populaires, car les 
vieillards s'en vont, emportant avec eux le 
trésor du passé. 

Après avoir présenté les fontaines sacrées, 
les monuments mégalithiques, les arbres vé- 



Xn AVANT-PROPOS 



nérés avec le cortège des cro}'ances, des cou- 
tumes et des légendes qui s'y rattachent ; 
après avoir constaté la superstition sous toutes 
ses formes, je pénétrerai dans les intimes 
détails de la vie beauceronne et percheronne : 
chansons maternelles qui bercèrent nos pre- 
miers ans, jeux de l'enfance, fêtes, coutumes 
relatives à la jeunesse, au mariage, à la mort. 
La tradition orale et quelques curiosités lo- 
cales seront aussi sauvées de l'oubli. 

Tels sont les éléments dont se composent 
les deux volumes de mon ouvrage. 

J'avais commencé, à l'aide de renvois, par 
rapprocher les traditions de nos contrées, de 
celles des autres provinces ; j'ai dû renoncer 
à ces rapprochements tant ils sont nombreux. 
Un autre volume eût été nécessaire et le tra- 
vail incomplet. Il en résulte toutefois, qu'a- 
vec des variantes, la France a un fonds com- 
mun de coutumes, de traditions et de supers- 
titions. 

Un dernier mot au sujet des signes abré- 
viatifs employés dans cet ouvrage. 

Il est, dans bien des cas, matériellement 
impossible de préciser exactement les pays 



AVANT-PROPOS XIII 



OÙ se pratiquent tels usages. Notre division 
administrative de 1790 n'a eu sur eux aucun 
effet : ils franchissent les limites des cantons, 
des arrondissements, des départements, of- 
frant ici une lacune, pour se retrouver plus 
loin en pleine vigueur ou avec des variantes 
insignifiantes. Il était utile néanmoins d'indi- 
quer la limite approximative de leur pratique ; 
je l'ai fait de la manière suivante : 

B. signifie Beauce; P., Perche; E.-L., Eure 
et-Loir; L., Loiret ; L.-C, Loir-et-Cher 
S.-O., Seine-et-Oise. 

Tout ce qui m'a paru d'une pratique géné- 
rale à la fois dans la Beauce et dans le 
Perche ne porte aucun signe. 

F. C 




PREMIÈRE PARTIE 



PREMIÈRE PARTIE 



PREMIÈRE PARTIE. 



AUTREFOIS. — AUJOURD'HUI 

La Beauce et le Perche. 

Les Beaucerons et les Percherons. 

Types. — Mœurs. — Patois. 




VAXT de rapporter les traditions, 
les coutumes et les croyances de 
la Beauce et du Perche, jetons un 
coup d'œil sur l'aspect qu'offraient 
autrefois ces contrées, et sur les mœurs de 
leurs habitants. 

La Beauce- actuelle ne ressemble plus à la 
Beauce préhistorique ; tout y est différent : 
le pays, le climat, les hommes. Cette im- 
mense plaine, aujourd'hui si nue, habitée par 
des gens paisibles et laborieux, était couverte 
de vastes forets qu'éclaircissaient çà et là des 

2 



l8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

landes hérissées de rochers. Des barbares no- 
mades et sauvages y stationnaient, pour la 
quitter et y revenir ensuite. Ils vivaient dans de 
misérables huttes au toit conique qu'ombra- 
geaient les branches des chênes séculaires, 
ou dans des cavernes. C'est de ces tanières, 
dont l'ouverture était masquée par d'énormes 
pierres, que nous viennent les noms de 
Chartres et de Caruutes (i). Chartres portait 
encore au moyen âge le nom de Ville-des- 
Pierres, 






La Gaule Celtique, suivant César, occupait 
le centre de la Gaule. La grande cité des 
CarnuteSy située dans la partie appelée « Gaule 
chevelue » , à cause de la longue chevelure 
que portaient ses habitants, exerçait une in- 
fluence prépondérante sur la Gaule Celtique. 

Sa capitale, Autricum, possédait, sur Tem- 

(i) Hutes, maisons. — Car us y Cairn, Caiern, 
rochers ou pierres. 



ET DU PERCHE I9 

placement actuel de la cathédrale de Chartres, 
un des sanctuaires les plus vénérés du culte 
druidique : là se tenait l'assemblée générale 
annuelle des Druides, regardés et respectés 
comme des oracles infaillibles. 

Aune certaine époque de Tannée, les Druides 
se transportaient à l'extrême frontière du pays 
{ïn Jinibus Carnutuin)^ et là, au milieu des 
pierres sacrées, s'érigeaient en tribunal pour 
juger les différends des Gaulois. La cité car- 
nute était également le lieu de réunion des 
députés de la Gaule, qui discutaient les ques- 
tions d'un intérêt général. 

Il fallut dix années aux légions romaines 
pour soumettre la Gaule (i); et le pays Car- 
nute, patriote et fanatique, fut considéré par 
César comme un foyer de complots, comme 
le point de départ des soulèvements, et le 
centre de la résistance. Après une lutte inouïe, 
des souffrances atroces, les Carnutes deman- 
dèrent à traiter : leur soumission entraîna 
celle de toutes les cités de TOuest. 
Le territoire dépendant île la cité des Car- 

(i) De 58 à 49 avant J.-Cf 



20 POLK-LORE DE LA BEAUCE 

nutes était très étendu. Il serait représenté 
aujourd'hui par le département d'Eure-et- 
Loir ; les arrondissements d'Etampes, de 
Rambouillet, de Mantes et de Versailles (S.- 
ct-0.) ; les arrondissements d'Orléans et de 
Pithiviers (Loiret) ; l'arrondissement de Ven- 
dôme (Loir-et-Cher); et quelques cantons de la 
Sarthe et de TOrne, limitrophes d'Eure-et-Loir. 

Jusqu'à l'invasion romaine, les Carnutes 
étaient gouvernés par des chefs, ou rois, in- 
vestis d'un pouvoir civil et militaire, et élus 
par une sorte de sénat. C'est pendant l'occu- 
pation romaine que commencèrent les défri- 
I chements de la Beauce, suivis de la culture 

de la vigne et des céréales. Au milieu de 
leurs immenses forêts, les Carnutes vivaient 
bien plus de la chasse que de la culture. 

Au III« siècle, la Beauce fut rattachée à la 
quatrième division Lyonnaise dont Sens était 
la métropole. Au VI<^ siècle, les fils dcClovis 
(^partage de 5 1 1) firent d'Orléans un royaume. 
Il v eut la Beauce chartraine et la Beauce or- 
Icanaise qui, après avoir appartenu à des mai- 
sons différentes, rentrèrent, sous Philippe VI, 
dans le domaine r.oyal. 



t 



ET DU PERCHE 21 



Si Ton joint à ces vicissitudes les querelles 
des princes mérovingiens et carolingiens, les 
guerres que les seigneurs se faisaient entre 
eux ou soutenaient contre le pouvoir royal, 
l'invasion normande, la guerre de Cent ans, 
les dîmes excessives imposées aux paysans et 
en particulier celle qui portait le nom de 
Champart de Beauce (une gerbe sur six), on 
comprendra l'état de trouble et de misère au- 
quel fut amené ce pays qui doit à sa fertilité 
le nom de Grenier d'abondance de la France, 
Les Beaucerons curent tant à souffrir sous 
l'ancien régime qu'ils acceptèrent avec en- 
thousiasme les idées nouvelles, en 1789, et 
demandèrent des premiers, dans leurs rcmâT" 
quahlcs Cahiers de doléances, Vunitî;^ de l'im- 
pôt et l'abolition des droits féodaux. 



* * 



Chez nos ancêtres, les Gaulois, les puis- 
sants seigneurs n'existaient pas : ils vivaient 
sous le régime de l'égalité. Aux premiers 



22 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

• 

temps du christianisme, le clergé était pauvre. 
Etant en général plébéiens, les prêtres proté- 
gèrent le peuple contre les barbares envahis- 
seurs. Cependant, parmi les envahisseurs, 
peu à peu une caste particulière se forma, 
émergea au-dessus du peuple ; cette caste 
devint assez puissante pour s'arroger des 
droits particuliers qui devinrent les droits 
du seigneur. A la faveur des croisades, le 
clergé acquit certains de ces droits, et voici 
comment : ayant besoin d'argent pour partir 
en Terre-Sainte, les seigneurs, pour s'en pro- 
curer, engagèrent leurs châteaux et leurs 
I biens aux monastères. Parmi les croisés, les 

I uns moururent, les autres ruinés ne purent 

rembourser les sommes empruntées ; les mo- 
nastères restèrent propriétaires des biens et 
les moines devinrent ainsi seigneurs terriens. 
De ce jour, peuple et clergé perdirent con- 
tact, celui-ci opprima celui-là. Ce fut l'âge 
d'or, l'époque idéale pour deux classes pri- 
vilégiées, la noblesse et le clergé, dont les terres 
étaient exemptes d'impôt. Ce fut le temps de 
l'esclavage pour le peuple qui voyait ses 
charges augmenter sans cesse, en môme 



ET DU PERCHE 23 



temps que se multipliaient les abus et les 
vexations de toute sorte. 

De ces abus qui se perpétuèrent jusqu'au 
XVI II<^ siècle, les Cahiers de doléances, plaintes 
et remontrances de 178^, nous exposent un ta- 
bleau émouvant. Ces cahiers furent rédigés, 
en vertu des lettres-patentes de Louis XVI 
du 24 janvier 1789, à l'occasion de la con- 
vocation des Etats-Généraux. C'est avec un 
respect mêlé d'émotion que l'on parcourt ces 
pages écrites sans art, mais inspirées par le 
sentiment de l'amour du bien public. 

Toutes les paroisses beauceronnes et per- 
cheronnes dévoilent là leurs misères, énu- 
mèrent leurs doléances si légitimes : mau- 
vaises récoltes, cherté des grains, impôt sur 
le sel ou gabelle, terres seigneuriales impro- 
ductives parce que plantées en bois , 
couvertes de landes, ou en friches, taille 
arbitraire et écrasante, corvées exorbitantes, 
champart, dégâts faits par le gibier, les pi- 
geons, etc. 

Ces revendications furent d'ailleurs ainsi 
résumées aux Etats-Généraux par un député 
du bailliage qui demandait la suppression 



I 



24 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

des pigeons, des lapins et des moines : « Les 
premiers nous mangent en grain, les seconds 
en herbe, et les troisièmes en gerbe. » 






En ce temps-là, les paysans beaucerons 
n'avaient pas même la liberté de se ser\ir des 
instruments connus, ils remuaient la terre 
avec la bêche ou la fourche. Les grandes cul- 
turcs seules faisaient usage de la charrue at- 
telée de vaches, de bœufs ou de chétifs che- 
vaux. Bien que la faux existât déjà, la mois- 
son des céréales devait s'opérer à l'aide de la 
faucille. Un arrêt du Parlement de Paris du 
2 juillet 1786 rappelait qu'il était expressé- 
ment défendu de couper les blés avec la faux 
sous peine de deux cents livres d'amende, et 
le double en cas de récidive. C'est seulement 
depuis 1800 que les cultivateurs delà Beauce 
s'enhardirent à faire usas:e de cet instrument 
pour couper les blés. 

Aussi une révolution devait-elle fatalement 



ET DU PERCHE 25 



arriver ; elle fut brutale, féroce, sanglante : 
naturelles représailles d'un peuple trop long- 
temps opprimé et méprisé. Lorsque Ton con- 
sidère l'état de détresse de nos ancêtres, on 
se sent ému de compassion et Ton bénit cette 
Révolution qui, si elle a laissé de lugubres 
souvenirs, a aboli tant d'abus. 



* 
* * 



La Beauce du XVIIL" siècle était une sub- 
division territoriale présentant 30 lieues de 
longueur, entre Etampes et Blois, et une 
largeur de 22 lieues entre Dreux et Orléans ; 
elle avait pour bornes : au nord, le Thime- 
rais, le Drouais et le comté de Montfort ; à 
l'est, le Gâtinais ; au sud, l'Orléanais et le 
Vendômois ; à l'ouest, le Perche-Gouct et le 
Grand-Perche. La Révolution, pour consti- 
tuer le département d'Eure-et-Loir, prit, dans 
la province de l'Orléanais, les pays Chartrain 
et Dunois ; dans celle de rilc-de-Erancc, le 
Drouais et le Thimerais; dans celle de Nor- 



26 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

mandie, le Crand-Perche et le Perche-Gouët. 

Le département d'Eure-et-Loir n'est donc 
que le noyau central de l'ancien pays carnute, 
c'est pourquoi les documents recueillis dans 
cet ouvrage embrassent et la Beauce tout 
entière et le Perche dont les coutumes et les 
traditions ont, par là mcme, une commune 
origine. 

La nouvelle division territoriale de 1^ France 
en départements tendait principalement à 
réaliser l'unification de l'esprit français. Ce 
but fut atteint : les rivalités d'antan ont cessé. 
Les populations de la Beauce et du Perche, 
de môme que celles de chacune des anciennes 
provinces, présentaient des types nettement 
caractérisés. A l'aurore du vingtième siècle 
les caractères physiques de ces types d'autre- 
fois ont eux-mêmes disparu. 

Actuellement, Beaucerons et Percherons 
sont encore de tempérament bien différent ; 
mais, s'ils offrent toujours quelque dissem- 
blance dans la physionomie, le temps ne 
tardera pas à mélanger et à unifier complè- 
tement les races. Les caractères physiques 
propres à chacune d'elles nous sont conservés 



ET DU PERCHE 27 



par la peinture, la gravure, les médailles; 
n'est-il pas utile de fixer aussi les traits de leur 
mentalité pour les transmettre aux générations 
futures ? 



* 
* * 



Combien d'écrivains, nés Parisiens ou Gas- 
cons, ont écrit sur la Beauce ! Ils ont donné 
leurs impressions sur cette contrée pour 
l'avoir traversée à la remorque d'une loco- 
motive ou pour l'avoir habitée pendant 
quelques jours. Zola, dans La Terre, a déna- 
turé les moeurs, défiguré le caractère du Beau- 
ceron. 11 croyait encore l'analyser qu'il le 
déformait. Pendant son court séjour (3 jours) 
sur les confins du Vendômois et du pays 
Dunois, il a pu voir plusieurs types rares, 
surprendre des scènes libres, entendre des 
propos rabelaisiens ; il en a aussitôt conclu du 
particulier au général : son exagération habi- 
tuelle et son naturalisme outré ont fait le reste. 

D'ailleurs, (et il l'a dit lui-même) en écri- 
vant La Terre, Zola n'a pas voulu dépeindre 



I 



28 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

spécialement le paysan beauceron, mais le 
Paysan ; et son paysan n'est pas s/eulement 
français, il est humain. Le romancier est forcé 
de pousser à l'extrême, d'aller jusqu'à l'excep- 
tionnel. 11 a pris partout, comme des traits de 
caractère, les éléments d'une intrigue ; il a 
fait une synthèse du tout et l'a située sur 
un point quelconque du sol français : le cadre 
seul de La Terre est beauceron. 

D'après lui, d'après d'autres psychologues 
superficiels ou de parti-pris, le Beauceron 
est égoïste, avare et froid. Oui, ces défauts 
existent en Beauce, mais limités à ce que l'on 
appelle la a vieille culture », cette nouvelle 
aristocratie, qui selon le dicton populaire 
« tondrait sur un œuf et vous marcherait sur 
le corps sans crier : gare ! » Mais ils ont jugé 
faussement le « petit paysan » et transformé 
en graves défauts ses meilleures qualités : son 
calme, son économie, sa réserve. En creu- 
sant, chaque jour, le dur sillon, le Beauceron 
a appris l'opiniâtreté ; il s'est trempé un carac- 
tère particulier : il est devenu pondéré, dur 
à la souffrance, réfractaire à la fatiijue. Sa vie 
active et résignée est faite de privations et le 



ET DU PERCHE 29 

temps des moissons, sous les feux ardents du 
soleil, est la rude école du labeur. 

La crise économique que traverse la France 
sévit en Beauce dans toute son intensité, et, 
si ce pays est toujours l'ancien « grenier de la 
France », ses coffres-forts sont vides ; sa pros- 
périté légendaire n'est, malheureusement pour 
les habitants, qu'une simple légende. Malgré 
tout, l'objectif du Beauceron est d'acquérir 
un « lopin de terre » afin de le léguer à ses 
enfants. On peut dire de lui qu'il est « l'amant 
laborieux de la terre », et, cet amour du sol 
l'ayant rendu chicanier, il s'ingénie en toutes 
circonstances à gagner sur son voisin quelques 
pouces de terre. 



* 
* * 



La Beauce est un vaste plateau calcaire, 
sans bois, presque sans cours d'eau ; son sol 
uni est d'une fertilité remarquable. A part 
cette fertilité, avec ses plaines immenses et 
uniformes, ses interminables rubans blancs 
et poussiéreux que sont ses routes, ses clo- 



i 30 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

i:l ■ ^ 

. ;ij chers et ses tours presque semblables, ses 

! villages aux toits de tuiles, ses hameaux aux 

j toits de chaume, son soleil brûlant, elle offre, 

.j par sa désespérante monotonie, l'aspect d'un 

j vaste steppe désolé. En raison même de sa 

fertilité, le sol beauceron est divisé à l'infini 

i quoique la grande culture y' domine encore. 

Le goût de la propriété chez le paysan est 

•^--, aussi une des causes du morcellement. 

Chaque pays a sa beauté particulière, son 

charme spécial. La Bcauce n'est pas totalement 

dépourvue de poésie. Son aspect est riant sous 

la verdure du printemps et on sent passer en 

lii soi un frisson indéfinissable en écoutant le 

JH* refrain annuel de ses frémissantes moissons. 



* * 



Il y a une analogie étroite entre les qualités 
et l'aspect du sol, et ceux de ses habitants : 
le sol de Beauce est uni, calme, régulier ; le 
climat est doux, sain, tempéré : le Beauce- 
ron possède ces qualités auxquelles vient s'ad- 



ET DU PERCHE 3I 



joindre un esprit exact, régulier, un peu mé- 
ticuleux. Ses mœurs sont douces et son com- 
merce facile. Il est né pour son sol et le sol 
est comme fait pour lui. La vente des récoltes 
Ta rendu commerçant ; dans les transactions 
il est honnête et loyal. Il est envers son pro- 
chain quelque peu railleur et médisant, mais 
charitable. Il possède des facultés adminis- 
tratives bien connues et des qualités hospita- 
lières niées à tort par ses détracteurs. Le pas- 
sager miséreux a toujours reçu à la ferme un 
franc accueil, une bonne soupe et son gîte 
dans rétable. 

Le Beauceron est rabelaisien ; son langage 
est cru, ainsi que l'attestent nombre de dic- 
tons recueillis dans cet ouvrage. Il a l'esprit 
vif, et cette finesse s'accentue en se rappro- 
chant d'Orléans. On dit d'ailleurs d'un Du- 
nois : Il est de Châteaudun, il entend à demi mot» 

Au physique, le Beauceron est robuste, de 
taille moyenne ; les proportions sont harmo- 
nieuses, la carnation saine, au teint le plus 
souvent hâlé par le chaud soleil ; les traits 
sont réguliers, peut-être un peu durs; les yeux 
ont un regard direct qui dénote la fran- 



32 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

chise, presque la rudesse ; la voix est forte ; le 
geste est large et hardi. Il a la démarche lente 
du paysan qui suit la charrue. Il est sobre ; 
l'eau est sa boisson habituelle : il la relève, 
en été, d'une pointe de vinaigre. Pendant la 
moisson seulement, l'usage du vin est général. 

Le Beauceron a cette piété routinière qui 
tient surtout aux habitudes traditionnelles, 
et il a conservé, comme on le verra plus loin, 
un certain nombre des pratiques supersti- 
tieuses de ses ancêtres. Chaque jour voit ce- 
pendant disparaître et ses préjugés et ses 
croyances chimériques au loup-garou, aux 
feux-follets, aux revenants et aux sorciers. 

Les assemblées réunissent les familles ; si 
elles durent moins longtemps qu'autrefois, 
par contre, elles ne se terminent plus par ces 
rixes qui éclataient entre jeunes gens de vil- 
lages voisins. Le Beauceron aime moins la 
danse que le Percheron. Exception faite pour 
Chateaudun et ses environs, on se livre rare- 
ment à cet exercice en dehors des assemblées 
DU des foires importantes. Il est médiocre 
chanteur et jusqu'ici peu musicien. 

La lonce des domestiques de fermes se fait 



ET DU PERCHE 33 



à la Saint-Jean et à la Toussaint. Ils sont très 
bien nourris si l'on compare leur nourriture 
à celle d'il y a un siècle qui était comptée 
trois sous par jour. Ils n'ont plus ce pain 
noir, ce morceau de galette de sarrasin ni 
cette soupe appelée caudé, (ce caudé n'était 
autre que le lait écrémé, conservé d'une sai- 
son à l'autre dans un énorme tonneau posé 
debout dans le cellier). 

Le costume d'alors était à Tunisson de la 
nourriture : été comme hiver, il se compo- 
sait d'une veste et d'une culotte de grosse 
toile. Les pieds étaient nus dans les sabots 
garnis de paille. Les souliers et le droguei ou 
telofj (étoffe moitié laine et moitié fil) étaient 
des objets de luxe que les paysans voyaient 
aux gens riches. 

Le Beauceron a conservé jusqu'au milieu 
du siècle dernier la simplicité patriarcale de 
ses aïeux : langage, mœurs, traditions. Depuis 
lors, les modes surannées ne sont plus en 
usage, même parmi les vieillards. On ne ren- 
contre plus le lourd habit bleu à grandes 
basques sous lequel trois ou quatre vestes 
étaient boutonnées les unes sur les autres ; 

3 



I 



34 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

ni la culotte courte, ni la blouse recouvrant 
rhabit à grand col de 1830; ni, chez les 
femmes, le quadruple rempart de jupons qui 
leur rendait la taille énorme. La jeune géné- 
ration féminine a presque complètement 
abandonné le léger bonnet beauceron, fait 
de fine dentelle et de riche broderie, pour 
suivre — fût-ce de loin — les modes de la 
ville. La blouse de toile bleue, chez l'homme, 
est d'un usaofe «général . 

Les vieillards sont rasés complètement ou 
portent leur barbe en collier, laissant à nu 
lèvres et menton. Le Beauceron est poli et 
salue l'étranger qu'il rencontre. S'il n'a pas 
la proverbiale réputation de « largesse » du 
Percheron qui offre volontiers un verre de 
cidre au voyageur, c'est qu'il est lui-même 
privé de cette délicieuse boisson. Sa cave 
sert à mettre au frais les quelques pots de lait 
et les fromages que lui donne la vache ; 
elle renferme rarement du vin. Les ménagères 
sont soigneuses ; les meubles et la batterie de 
cuisine reluisent ; le carrelage est souvent 
lavé à grande eau ; et si le mobilier est mo- 
deste, la propreté tient lieu de luxe. 



ET DU PERCHE 3 5 



* 



D'après la plupart de nos historiens, le nom 
de Perche viendrait des forets dont le pays est 
couvert. Les Romains lui auraient donné ce 
nom {Perlica, bois droit et long) en voyant 
ses arbres à la cime majestueuse et clanc\^e. 
La nature a, en effet, favorisé le Perche de 
tout ce qu'elle semble avoir refusé à la Beauce. 
L'œil ne se lasse pas d'admirer ses sites char- 
mants, ses délicieux paysages, ses coquette* 
habitations, ses gracieux cours d'ean. Les 
monticules sablonneux dominent des vallons 
profonds et étroits, les collines sont- cou- 
vertes de bois ; les vallées sont coupées de 
haies vives, et dans les prés verts dorment 
ou paissent les grands boeufs qui font la for- 
lune du cultivateur Percheron. La population 
beauceronne est agglomérée ; les maisons du 
Perche sont isolées, les villages très espacés 
et populeux. 

Depuis un demi-siècle, le Perche est de- 



36 fOLK-LORE DE LA BEAUCE 

venu un pays de culture luttant avantageu- 
sement avec la Beauce. Si ses récoltes sont 
moins abondantes, il a sur sa voisine une 
grande supériorité : le produit de l'élevage 
et des arbres fruitiers. Cette triple ressource 
fait du Perche un pays prospère, tandis que 
la Beauce s'appauvrit de jour en jour par la 
mévente des grains. De moins en moins 
nombreuses sont ces caravanes de Percherons 
(on les appelle aussi les aoûterons) qui, pen- 
dant que leurs grains achèvent de mûrir, 
viennent faire la moisson chez leurs amis les 
Beaucerons. Avant de faire leur propre récolte 
ils vont gagner péniblement un salaire qui 
les aidera à passer Thiver. Un des leurs qu'ils 
appellent le Capitaine s'est entendu préala- 
blement avec le cultivateur. D'après la quan- 
tité d'hectares dont se compose la « tâche », 
il sait le nombre de faucheurs et de ramas- 
SCU8C8 dont il a besoin. Au jour indiqué, il 
arrivera avec son personnel. 

Jusqu'au milieu du siècle dernier l'arrivée 
des Percherons en Beauce offrait un tableau 
des plus pittoresques. La migration se faisait 
à pied. On voyait des bandes nombreuses 



ET DU PERCHE 37 



d'hommes et de femmes, coiffés d'énormes 
chapeaux de paille, portant en sautoir le bis- 
sac, les faux, les faucilles et les sabots. Les 
convois, sous le soleil ardent, nwrchaient en 
chantant des refrains grivois ou champêtres, 
conduits par le capitaine qui, fidèle comme 
l'hirondelle, revenait périodiquement, avec les 
mêmes aides, dans la même ferme, faucher 
les mêmes champs. Aujourd'hui les trains 
amènent cette armée de travailleurs dont 
chaque année le nombre diminue ; les sapeurs 
(ouvriers belges) et les moissonneuses per- 
fectionnées rendront bientôt leur concours 
inutile. 



* * 



Placé entre le Beauceron et le Normand, 
le Percheron possède quelques-uns des vices 
et des vertus de ses deux voisins ; mais il a 
surtout les siens propres, et ce mélange lui 
donne une physionomie particulière. Vivant 
au milieu de ses cultures, de ses prés, de ses 



58 FOLK LORE DE LA BEAUCE 

bois, il est casanier, attaché à son sol, bien 
qu'il semble en ignorer les beautés. Il va 
chaque semaine à la ville porter au marché 
ses produits nombreux et rémunérateurs. Il 
n'a ni la vivacité ni la franchise du Beauce- 
ron ; il dirait plutôt comme le Normand : 
« Pour une année où il y a des pommes, il 
n'y a pas de pommes ; mais pour une année 
où il n'y a pas de pommes, il y a des 
pommes. » 

Si comme le Beauceron, le Percheron est 
devenu laboureur, comme le Normand, il 
est devenu processif. La fermière s'appelle 
la Maîtresse, et elle nomme son mari sou 
Maître. (Même coutume en Beauce où au- 
trefois les époux ne se tutoyaient pas.) 
L'auciennc fermière faisait elle-même la 
cuisine, servait à table et mangeait debout. 

Les Percherons ont la démarclie lourde, les 
gestes lents et embarrassés. Leur caractère se 
ressent d'une sorte de réserve qui se fait sen- 
tir dans la conversation, dans les manières et 
jusque dans les transactions commerciales. 
René Courtiu traçait d'eux ce portrait, en 
1611 : ('- Les Percherons pensent plus qu'ils 



ET DU PERCHE 39 



ne disent... Il faut reconnaître que la plu- 
part sont paresseux, appesantis par la dou- 
ceur et commodité du pays auquel ils s'at- 
tachent, faisant valoir chacun sa petite closeric 
ou métairie, sans pousser leur fortune plus 
outre ; tellement qu'il est tenu en proverbe 
d'eux : Ce sont les poulains du Perche^ ils se 
défont au croître.,. Ce qui ne s'entend pas, 
continue le critique, que l'âge venant, rabaisse 
leur esprit et les rende imbéciles ; Texpé- 
rience nous donne la preuve de ceux qui se 
sont tirés du pays et ont brusqué la fortune 
aux autres provinces.... » Si le portrait est 
fidèle quant aux contemporains de l'auteur, 
il n'est plus celui du Percheron moderne. 
La période révolutionnaire a transformé ses 
mœurs. Les nouvelles générations s'amé- 
liorent sans cesse ; elles ont moins de noncha- 
lance et plus d'ambition que leurs ancêtres ; 
cependant elles n'aiment pas les innovations 
en aoriculture. 



40 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






Au point de vue de la culture, la valeur 
d'un homme est bien plus considérable que 
celle d'une femme ; aussi la naissance d'un 
gars est-elle considérée comme un bonheur. 
Lorsque c'est une fille, on dit : Cen est qu'une 
crétature ! Grâce aux produits variés de son 
sol, le Percheron est moins sobre que le 
Beauceron, et pourtant il vit de peu. Avec un 
lopin de terre, un clos et une chaumière, il 
se contente de lagoulce de biénasse (rente an- 
nuelle de quelques centaines de francs). 

Certains Percherons se retirent à la ville ; 
mais la plupart révent de devenir, sur leurs 
vieux jours, conseillers municipaux et mar- 
guilliers de leur village. Car le Percheron 
est crédule et dévot, mais d'une dévotion 
plus vive qu'éclairée qui s'attache surtout 
aux pompes extérieures du culte. Il est su- 
perstitieux et raconte de singulières et cu- 
rieuses légendes au sujet des pierres druidiques 



ET DU PERCHE 4I 



assez nombreuses en cette contrée. De même 
que la Beaucc, le Perche voit disparaître, peu à 
peu, les pratiques et les croyances supersti- 
tieuses. 

Au physique comme au moral, le Perche- 
ron a suivi le progrès. Disparus, comme en 
Beauce, l'habit bleu clair à larges basques, aux 
boutons de métal brillant, la culotte courte, 
le gilet à fleurs et le chapeau à larges bords, 
costume vénéré que Ton n'endossait que 
dans les grandes circonstances, celles qui font 
époque dans la vie d'un homme. Le vêtement 
commun est la blouse bleue piquée de fil 
blanc au col et l'inévitable chapeau rond. Le 
Percheron a, lui aussi, les lèvres et le men- 
ton rasés ; les favoris encadrent sa figure. Les 
femmes ont abandonne la coijfe de tois mo- 
numentale de leurs grand'méres. Les coiffes 
que l'on rencontre encore sont de propor- 
tions raisonnables ; quelques-unes, ornées 
de dentelles, valaient jusqu'à cent francs. 

Les assemblées sont très suivies et très dan- 
santes ; chacun s'en retourne avec sa chacune, 
se tenant par la main, les deux petits doigts 
enlacés . La danse est le plaisir favori du Perche ; 



42 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

dans beaucoup de gros bourgs, il était d'u- 
sage, jusque dans la seconde moitié du siècle 
dernier, de danser dés la matinée du di- 
manche. Les garçons et les filles de ferme 
venaient des hameaux voisins — et cela en 
toute saison — pour assister à la messe de 
six heures. L'office terminé, ils se rendaient 
sur la place ou dans une grange, dansaient 
quelques danses, buvaient une goutte, man- 
geaient un carquelin (crequelin : petite ga- 
lette), puis retournaient à la ferme afin que 
les maîtres pussent, à leur tour, se rendre à la 
grand'messe de dix heures. D'ailleurs le Per- 
cheron est mélomane, et, s'il chante volontiers 
seul en travaillant, il sait, à l'occasion, mo- 
duler harmonieusement sa partie dans des 
chœurs. 

Doux, compatissant, hospitalier, le Per- 
cheron est très accueillant envers l'étranger. 
Il ofl:re facilement le pichet de cidre que Ton 
déguste dans la pièce où se trouve le lit monu- 
mental aux rideaux de serge verte. Le mobi- 
lier est rustique, le sol n'est pas toujours car- 
relé, mais tout y est propre et reluisant : 
c'est le luxe de la maîtresse. On y trouve, 



ET DU PERCHE 4^ 



comme en Beauce, le majestueux dressoir où 
s'étale pompeusement la vaisselle à fleurs 
bleues. Au mur, l'image de première com- 
munion et les chromos encadrent un bou- 
quet de superbes épis de blé, l'orgueil du 
maître. 

Beauce et Perche ne se ressemblent guère. 
La première, avec sa monotonie, sa nudité, 
sa sécheresse et sa modeste flore, envie au 
second ses sites pittoresques, ses sombres 
forêts, ses frais cours d'eau, ses prés verts 
tout embaumés du parfum du thym, de la 
fougère et du serpolet. De même Beaucerons 
et Percherons sont, en bien des points, de 
tempérament très diflerent. Cependant ces 
archétypes du paysan ont beaucoup de qua- 
lités communes, ainsi qu'on a pu le constater 
plus haut. Parmi ces qualités, il faut citer 
leur bon sens ; ils possèdent une grande droi- 
ture d'intelligence et de jugement. Mais si, 
dans la conversation, ils se font remarquer 
par la justesse de leurs raisonnements, ils ne 
brillent pas par la forme du langage. 



44 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






Le langage de la Beaucc et du Perche n'est 
nullement un idiome particulier; il n'est 
qu'une simple altération de la langue natio- 
nale. Mais, au fond de quelques hameaux, 
cette altération est si grande, certains mots 
sont si outrageusement défigurés, l'incorrec- 
tion est si extraordinaire, l'accent si étrange, 
qu'il devient un patois dans le sens propre du 
mot. Ce patois est rude, sans harmonie, sans 
grâce. L'accent varie d'un canton à l'autre ; 
le débit est plus rapide chez les Beaucerons 
que chez les Percherons et la phrase, qui se 
termine chez les premiers en baissant quelque 
peu la voix, prend chez les derniers un ton 
quasi interrogatif 

De la partie septentrionale de la Beauce 
(région parisienne) à l'extrémité méridionale 
du Perche (pays manceau et normand), le 
patois est le môme, sauf de légères variantes. 
On articule fortement en prononçant oiiai. 



ET DU PERCHE 45 



Icsoî (B). Les noms terminés en al se disent 
généralement au : un chevau, un maréchau ; 
ceux qui se terminent en eau font invariable- 
ment ieau : des cisieaux, des poirieaux. La 
plupart des diminutifs se terminent en inu. 
Un seul exemple : le petit de l'alouette se 
nomme un alouettiau ; ce nom est appliqué 
familièrement aux petits enfants, ainsi qu'en 
témoignent les vers suivants : 

P'tite alouette, monte en haut 

Prier Dieu qui (pour qu'il) fasse chaud ; 

De l'aouenne (avoine) plein eunc faux. 

Du blé à grous moussiaux (en grande quantité) 

Pour tous nos p'tits alouettiaux. 

La terminaison des verbes, aux temps pas- 
sés, se fait ordinairement en in : j'marchins 
et j'courins, j'allins et j'venins (nous mar- 
chions et nous courions...) (B) — ou en as : 
j'marchas vite (je marchais vite) (P). Il se 
dégage de la conversation un parfum bien 
local lorsqu'aux verbes ainsi conjugués, 
viennent se marier des mots du crû comme : 
lubre pour lourd ; macabre pour brutal ; sou^ 



46 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

bauU pour gourmand ; la clerié pour la clarté ; 
il fait cîar pour il fait clair ; Vergent pour 
l'argent ; jarbe pour gerbe ; Vharhe pour 
l'herbe 

Certains mots offrent pourtant un certain 
charme et fleurent le vieux français. Sans 
vouloir établir ici un i^lossaire beauceron et 
percheron, en voici quelques-uns surpris au 
hasard de la mémoire : harvoîler (voltiger) : 
il barvolle de la neige ; — coger, décider 
quelqu'un à faire une chose ; — crot 
(crotum, creux), creux où l'eau séjourne ; 
— déroquerj retirer le roc, la pierre d'une 
terre ; — éveux, aquatique ; — gesleux, 
suffisant, maniéré; — graisseux, patelin, 
flatteur ; — grémir, broyer, écraser ; — les 
larris (Larricium), terres en friches près 
des bois ; — les ousches (olca ou olcha), 
parcelles de terre adjacentes aux habitations 
du village. 

Dans l'arrondissement de Dreux, on appelle 
les étrenncs du jour de l'an, Vaguilaii, le 
gui de l'an. Ce mot remonte au temps des 
druides et rappelle le gui du chêne (Au sud 
de Chartres, on prononce Véguilaîi.) 



ET DU PERCHE 47 



Le patois beauceron est peut-être plus 
incorrect que le patois percheron; mais il 
faut bien admettre qu'un grand nombre de 
mots ont une origine très ancienne puisqu'on 
prétend qu a l'aide du patois de Tourouvre 
(Orne), on lit couramment Joinville et 
presque couramment Robert Wacc. A l'ap- 
pui de cette prétention, il convient d'ajouter 
l'assertion de Dureau de la Malle qui 
dit que « le langage des habitants du 
Bocage percheron n'a pas changé depuis 
huit cents ans ». 



# 



DEUXIÈME PARTIE 



DEUXIÈME PARTIE 



A TRAVERS LA VIE BEAUCERONNE 
ET PERCHERONNE. 

(vieux usages ; vieilles superstitions) 



CHAPITRE l^r 
LA MÉDECINE RELIGIEUSE : 

souvenirs DRUIDiaUES. 

§ I. — De la Superstition en général, 

|ANS la B^auce et dans le Perche, 
la superstition joue un rôle pré- 
pondérant ; elle s'est glissée dans 
7 presque tous les usages : dans la 
bourgeoisie comme dans le peuple, à la 
ville comme au hameau ; ses nombreux 
adeptes sont aussi fervents que simples. 
Sans remonter jusqu'aux temps où les 




52 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

hommes primitifs vivaient en des cavernes, 
certaines coutumes superstitieuses datent 
évidemment des âges sans civilisation et de 
mœurs rudimentaires. Les plus anciennes, 
entachées d'idolâtrie, nous viennent de l'O- 
rient; elles nous furent apportées par ces 
peuplades nomades qui, parties des vallées 
de riran, se fixèrent, après des années de 
marche, dans les clairières des majestueuses 
forets qui couvraient alors notre pays. Ces 
tribus nous léguèrent les cultes idolâtriques 
du soleil, de la foudre, des vents, des mon- 
tagnes, des forets, des fleuves. Le culte de 
l'eau principalement est de tous les pays et 
de tous les temps. Près de cinq cents ans avant 
Jésus-Christ, Hérodote engageait ses con- 
temporains à ne jamais traverser un fleuve 
sans dire une prière et sans tremper leur 
main dans son onde afin de la purifier. Ce 
culte universel de Teau s'est conservé vivace, 
longtemps môme après que tous les autres 
eurent disparu. 

Les tribus qui fondèrent la Celtique obéis- 
saient aveuglément à une caste sacerdotale : 
c'étaient les Druides. La plus belliqueuse des 



ET DU PKRCHE 5^ 



tribus celtiques, celle des Carnutes, fonda 
une sorte de camp qui devint, sous les Ro- 
mains, Autricum, sur l'emplacement actuel 
de la ville de Chartres. Les Carnutes, comme 
tous les Gaulois, étaient très superstitieux : 
la superstition était l'un des traits distinctifs 
de leur caractère. 

Les Romains parurent apportant avec leur 
civilisation plus avancée leur culte sensuel. 
Le christianisme vint ensuite avec son souffle 
d'amour et de liberté. Les Francs mêlèrent 
leurs croyances barbares à cet amalgame de 
dogmes si différents. Chacune de ces inva- 
sions laissa le germe de quelque superstition 
dans les replis les plus profonds de l'âme po- 
pulaire. Les Beaucerons et les Percherons sont 
restés, en fait de crédulité, les dignes fils 
des Carnutes : ils croient encore de nos 
jours aux sorciers, aux présages, aux lieux 
hantés. 

La superstition est une maladie de Tesprit ; 
elle opprime les malheureux qui se livrent 
à ses pratiques. C'est, en eflet, une vie 
bien misérable que celle de l'homme qui 
croit aux sorciers ; qui n'ose passer, tel jour 



54 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

OU à telles heures, en certains endroits ; qui 
craint de demeurer dans une société de treize 
personnes ; qui tire un mauvais présage de 
telle rencontre, de la vue d'un oiseau, du 
heurt d'un objct,d'un éternuement, de la po- 
sition des astres, de la manière dont le feu 
pétille, etc, etc. 

C'est, nous semble-t-il, faire œuvre utile et 
saine que de s'employer à déraciner ces er- 
reurs absurdes, tout en respectant certaines 
traditions antiques et vénérables. 

Nous n'avons pas d'ailleurs la prétention 
de détruire toutes les superstitions en les di- 
vulguant ici ; elles ne sont pas près de dis- 
paraître de nos campagnes : le vingtième 
siècle passera avant que n'arrive leur dispa- 
rition. Elles tiennent dans la vie moins de 
place que jadis, on les pratique d'une ma- 
nière moins apparente, mais elles restent an- 
crées dans le cœur du Bauceron et du Per- 
cheron. 

Loin de nous la pensée d'abolir certaines 
coutumes naïves, certaines vieilles croyances 
qui charment l'imagination populaire tou- 
jours avide de merveilleux. Respectons, au 



Wf DU PERC9B 55 

contraire, ces innocentes fictions, ces conso- 
lantes illusions qui sont ce qu'on l'on appelle 
la poésie de Vignorance. Laissons au villageois 
crédule ce monde chimérique où il se com- 
plaît et où il oublie peut-être par instants ce 
que sa condition a de pénible. En le déta- 
chant brutalement de son culte pour le passé, 
craignons de le conduire au scepticisme. Car 
alors nous ferions œuvre impie et cruelle 
puisque nous lui enlèverions tout, sans 
pouvoir lui donner quoi que ce soit en 
échange. 



W6 




§ n. — Culte des Fontaines. 




os ancêtres attribuaient des vertus 
surnaturelles aux eaux des fon- 
taines dédiées aux divinités. Ils 
venaient pour recouvrer la santé ; 
ils y pratiquaient certains rites religieux en 
l'honneur des nymphes et des dieux qui pré- 
sidaient aux sources sacrées ; ils laissaient dans 
leurs eaux, comme offrande, quelques pièces 
de monnaie ; les plus pauvres y jetaient un 
clou. C'est ainsi que le lac sacré de Toulouse 
contenait des trésors immenses, offrandes 
de plusieurs générations, et dont les Romains 
s'emparèrent en le desséchant. 

Ni la Beauce ni le Perche ne renferment de 
sources thermales; à peine y trouve-t-on trois 
ou quatre eaux faiblement ferrugineuses. Si 
quelques-unes de ces sources jouissent de 



FOLKLORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 57 

réelles propriétés curatives, les autres doi- 
vent leur prétendue vertu au culte dont elles 
étaient l'objet dans Tantiquité. La fontaine 
des nymphes devint la piscine des premiers 
chrétiens. Dans la suite, les populations 
ignorantes et croyantes pensèrent qu'une eau 
qui régénérait l'âme devait aussi guérir les 
maladies du corps : d'où le culte des fon- 
taines. 

Le clergé lutta ardemment contre ces ves- 
tiges du paganisme ; mais canons de conciles, 
prédications et menaces furent impuissants 
contre ces abus dont la pratique se transmit 
jusqu'à nous. Devant les résultats infructueux 
de la lutte, le christianisme tourna la difficul- 
té en consacrant les fontaines à la prière chré- 
tienne : chacune d'elles fut placée sous l'é- 
gide et le vocable d'un saint ou de la 
Vierge. 

Certes, la dévotion s'est afîiiiblie en nos 
contrées et ces lieux de pèlerinages sont au- 
jourd'hui peu fréquentés ; néanmoins on re- 
trouve encore çà et là des traces durables de 
ces superstitions anciennes. 



58 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



* 
* * 



La nudité de la Beauce, son manque de 
relief, en font une contrée généralement dé- 
pourvue d'eau ; c'est pourquoi l'existence 
accidentelle d'une source semblait, à des po- 
pulations arriérées, un fait merveilleux. Dans 
le Perche, plus accidenté et plus boisé, les 
sources sont plus nombreuses, mais leurs 
propriétés curatives n'ont jamais existé que 
dans l'imagination des malades superstitieux 



et Ignorants. 



Parmi les principales sources sacrées du 
pays Chartrain, il faut citer la fontaine Sahit- 
Maur (ou Salnt-Rémy) à Anneau, Elle guérit 
les paralytiques, les goutteux et les épilep- 
tiques. D'après Chevard, la popularité, la 
vertu et l'importance du pèlerinage à cette 
source remonteraient aux temps gaulois. 
Deux faits importants concourent à prouver 
l'ancienneté de cette origine : l'emplacement 
de l'église bâtie près de la source et la date 



ET DU PERCHE 59 



du pèlerinage, la veille de la Saint-Jean ; 
ceci et cela évoquent le souvenir du baptis- 
tère des premiers âges chrétiens. Jusqu'au 
milieu du siècle dernier, l'affluence des pèle- 
rins était telle, qu'ils ne pouvaient trouver à 
se loger dans le village. Pendant le jour, on 
puisait à la piscine et on invoquait le patron. 
La nuit venue, le cimetière était envahi par 
plus de mille personnes qui couchaient sur 
la terre nue par mortification en l'honneur 
du boji saint Maur. 

Il en était de même à Coulombs^ près de 
Nogent-le-Roi, où saint Gratien était en 
grande vénération et attirait chaque année 
une foule de pèlerins. 

Pour guérir les fiacres, on allait et Ton va 
encore, le 4 juillet, dans le bois de Béville- 
Îe-Comtc, à la fontaine de Saint-Martin. 

Celle de Saint-Séverin de Fontenay et celle 
de Chaunay ont perdu leur popularité. 

La fontaine de Saint-Eman, près d'IIIiers, 
à la source du Loir, jouit du même privilège 
et guérit de plus les fluxions de poitrine. 
Comme les précédents, c'est un pèlerinage 
à date fixe ; on s'y rend surtout (mais en neu- 



6o FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

vaine) à dater du jour de la fête du saint, le 
i6 mai. Les pèlerins viennent puiser à la 
fontaine, s'y baignent les mains, s'en hu- 
mectent la figure ; ils y trempent des che- 
mises qui, appliquées à nu sur le malade, 
doivent être conservées pendant neuf jours ; 
ou bien ils emportent de Teau, dont on boit 
pendant neuf jours. Cette eau préserve les en- 
fants du mal de Saint-Eman qui les fait enfler. 



* 
* * 



Un certain nombre de sources sont répu- 
tées favorables aux enfants. On les conduit, 
pour les maladies de langueur, à la fontaine 
de Notre-Dame de Gallardon. 

Celle de Salnt-Odoir (ou Saint- Audevoir)^ 
commune de Saint-Presl, est connue sous le 
nom de Fontaine d'aller ou venir. Cette déno- 
mination suggestive indique suffisamment 
Topinion attachée à l'usage de ses eaux qui 
avaient la vertu de déterminer une crise chez 
les enfants en état de langueur. On plongeait, 



ET DU PERCHE 6l 



nus, ces petits êtres malingres, dans l'eau 
glacée, et leur sort devait se décider sur-le- 
champ : ils guérissaient aussitôt ou mou- 
raient. Inutile d'ajouter qu'ils résistaient rare- 
ment à cette immersion. 

On frémit en songeant au nombre de vic- 
times qu'ont pu faire l'ignorance et la su- 
perstition. Comment des coutumes aussi 
barbares ont-elles été tolérées jusqu'à nos 
jours ? Car il existe encore, paraît-il, des pa- 
rents assez inintelligents pour venir plonger 
clandestinement dans le bain glacial leurs 
petits enfants malades. 

La fontaine de Saint-Victur^ (ou Saini-Vi- 
gur), près de Ver-lès-Chartres, a servi, elle 
aussi, à ces barbares usages ; mais elle a per- 
du aujourd'hui tout son crédit et beaucoup 
de gens du pays ignorent même son ancienne 
vertu soi-disant miraculeuse. 

Tout près de cette dernière se trouve la 
Fontaine de Saint-Caprais qui jadis jouissait 
de la renommée de guérir la gale. La source 
est aujourd'hui presque tarie. 

La même vertu est attribuée à la fontaine 
de SainUSanciin^ de Chuisnes, Saint Sanctin, 



62 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

évoque de Meaux, retiré, dit-on, à Chuisnes, 
puisait de l'eau à cette source. Une légende 
rapportée par M. Lefèvre, dans sa Notice sur 
r abbaye de Saint-Sanctin^ raconte l'origine de 
la dévotion : 

« Il y a bien longtemps, la Dame de 
Chuisnes avait deux chiens atteints de la 
gale, qu'elle osa plonger dans la fontaine, 
dont les eaux sont souveraines contre cette 
maladie ; les chiens guérirent, mais la profa- 
nation reçut son châtiment : la châtelaine 
fut atteinte de la gale, et aucun remède ne 
pouvait l'en délivrer, parce qu'elle n'avait 
pas foi dans la vertu salutaire de la fontaine, 
qui n'était bonne, disait-elle, que pour des 
chiens. Cependant, revenue à de meilleures 
pensées, elle fit vœu de bâtir une belle cha- 
pelle à saint Sanctin s'il voulait la guérir ; 
aussitôt son mal cessa, et, fidèle à sa pro- 
messe, elle fit bâtir la chapelle, et, sur le haut 
du pignon, placer deux chiens affrontés en 
reconnaissance et souvenir de sa cure mira- 
culeuse. )) 



BT DU PERCHE 63 






En quittant le pays Chartrain pour le 
Drouais, nous sentons redoubler, vers Dreux, 
le souffle de druidisme et nous y retrouvons 
des traces indélébiles des Carnutes, dans les 

• 

monuments, dans les sources, dans les sou- 
venirs et les légendes. Monuments et légendes 
étant traités dans d'autres chapitres < revenons 
aux fontaines qui, nombreuses autrefois, ont 
en partie disparu par suite de la perméabilité 
du sol. Ce phénomène est attesté par l'inter- 
mittence de» rivières (Biaise, Avre et Meuvette) 
qui sont absorbées par des bétolres. Mais nos 
ancêtres étaient peu accessibles aux explica- 
tions simples et judicieuses ; ils préféraient 
attribuer la cause de ces disparitions aux 
caprices des fées, à la malveillance des 
hommes ou aux maléfices du diable. 

C'est ainsi que la tradition populaire 
veut que la fontaine de la Herse, aux Châte- 
lets, celle des Forges, près de la Puisaye, çt 



64 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

bien d'autres, aient été méchamment aveu- 
glées par des balles de laine et de coton. Cette 
étrange croyance n'est pas localisée dans le 
Drouais. 

Les Percherons accusent les moines de 
Thiron d'avoir usé du même procédé pour 
boucher les sources qui alimentaient l'étang 
de h Motte y au sujet duquel ils étaient en 
querelle avec le duc de Sully. 

Les Beaucerons d'Orléans regrettent tou- 
jours la belle fontaine de VËtuvée, célèbre dans 
l'antiquité par ses pèlerinages fréquentés. Elle 
était, disait-on, étouffée avec de la laine; 
mais des fouilles opérées, il y a un demi- 
siècle, n'ont mis à découvert que des débris 
romains et une inscription votive attestant 
l'ancienne réputation de cette fontaine sacrée. 

De même les seigneurs de Viabon et ceux 
de Saint- Germain y en querelle pour le par- 
tage des eaux, ont bouché la source qui ali- 
mentait leur étang. 

Ailleurs, la superstition prend une autre 
forme : elle croit les sources hostiles à la 
profanation. 

La fontaine de Saini-Eliph et Saint-Félixy 



ET DU PERCHE 65 



située dans le bois de Bienvenue, près de 
Montigny'le'Chartify dont Teau puisée avant 
le lever du soleil préserve de la fièvre, était, 
dit-on, autrefois dans le village même. La 
tradition rapporte qu'une femme y ayant lavé 
les langes de son enfant, la fontaine, souillée 
et indignée, se déplaça et se retira où on la 
voit aujourd'hui. 

Le pèlerinage à la chapelle et au puits de 
Saint'Rochf à Digny, était autrefois très fré- 
quenté pour la guérison des maladies conta- 
gieuses. Lors de la Révolution, la chapelle a 
été désaffectée et transformée en une maison 
d'habitation. La chronique locale prétend 
que cette maison n'a jamais pu être habitée. 

Autr efois y iSaint'Luper ce ^ près de Chartres, 
on plongeait les enfants, pour les faire mar- 
cher, dans une fosse où il y avait de l'eau ; on 
l'appelait la Fontaine de Saint-Luperce. Depuis 
que la fontaine est tarie, on fait dire un évan- 
gile de saint Luperce. 

La vertu principale des sources du pays 
Drouais semble être la guérison des fièvres. 
Telle est du moins la réputation des trois 
fontaines suivantes ; celle des Dougrins près 

5 



66 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

de Sainl-Lubifi'de-Cravant, Voici son ori- 
gine d'après la légende : saint Lubin, évêque 
de Chartres, allait de Saint-Lubin-des-Jon- 
cherets à Saint-Lubin-de-Cravant ; sa mule 
eut soif, et, frappant du pied le sol, elle fit 
jaillir la source. Pour être efficace, l'eau doit 
être bue avant le lever du soleil ; — celle de 
Saint-Jacques, à Fonlaine-les-Ribouis ; — celle 
de Sainte-Geneviève de Senantes, où l'on vient 
à jeun en pèlerinage certain vendredi de mai* 
On boit chaque jour de l'eau de la fontaine 
et Ton fait le voyage pendant neuf jours. On 
apporte au premier voyage une chemise que 
l'on fait bénir par le prêtre et toucher à la 
statue de la sainte ; le malade doit porter cette 
chemise pendant la neuvaine. 






Puisque nous parlons des fièvres, trans- 
portons-nous en pays Dunois, sur les bords 
de la Conie où règne l'endémie paludéenne. 
Nous y trouvons, près de Courbehaye^ la pe- 



ET DU PERCHE . 67 



tite fontaine de Saint-Martin et les ruines de 
la chapelle Sainte-Colombe où les pèlerins se 
rendaient autrefois en foule, dans le mois de 
septembre. Quelques fiévreux vont encore 
sur ces ruines demander leur guérison. 

On va boire l'eau de la fontaine de Saint- 
Mamerty prùs de Donne main y pour soulager 
les affections d'entrailles. 

La modeste fontaine de 5rt////-/.r7//;'m/, près 
de la Ferté-Villeneuil, guérit, dit-on, du mal 
de dents. 

Près de Charray, la fontaine de Saint-Gcn- 
dulfe est l'objet d'une dévotion toute parti- 
culière de la part des fiévreux. 

Sur les bords du Loir, la fontaine de Vou* 
vray, en aval de Bonneval, guérit les fièvres ; 
celle de Saintc-Mabile, près d'Eguilly, est fré- 
quentée par les scrofuleux* 



* * 



Dans le Perche Dunois, nous constatons, 
comme dans le pays Drouais, la même uni- 
formité curativc des fontaines: les fièvres. Or 



68 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

le climat n'est nullement pyrétique ; mais le 
paysan, prenant l'effet pour la cause, con- 
fond k fièvre au général, avec les maladies 
qui la donnent. Et il vient naïvement à la 
source au lieu de recourir aux soins éclairés 
du médecin. 

C'est ainsi que, par habitude, par avarice 
et par superstition, on continue à aller en 
voyage à la fontaine des Trois-Maries^ près de 
Méréglise ; 

A celle de Saiut-Jeaiî, près de Ltiigny ; 

A celle du Jtief, près Unverre ; 

A celle de la Boêche^ près d'Yèvres ; 

A celle de Saint-Eliph et Saint-Félixy près 
de Montigny-le-Chartlf ; 

A celle de Measlay^ près d'Arrou ; 

A celle de Saint-Jean^ à Brou ; (Brou pos- 
sède aussi la fontaine de Saint-Cloud qui 
guérit les furoncles, appelés vulgairement 
clous) ; 

A celle de Saint-Gilles, dans le parc de 
Fraie ; 

A celle de Saint-Benoit, à Arrou; 

A celle de Saint-Martin y^Saint-Pcllerin ; 

A celle de Saint-Pierre^ près Danipierrêy 



ET DU PERCHE 69 



dans le champtier de Bois-au-Roi^ etc. 
La plupart de ces sources sont entourées 
d'une grille à laquelle est fixé un tronc. Le 
tronc reçoit les offrandes et, à la grille, sont 
suspendus des rubans, pour y attacher et lais- 
ser la fièvre. 






En pénétrant dans le Perche Nogentais, 
les fontaines sacrées changent d'aspect. Elles 
ont l'apparence de petits monuments ; le 
patron y est presque toujours représenté dans 
une chapelle que les gens du pays nomment 
une Mariette. Le pèlerinage prend ici une 
forme plus dévotieuse ; le malade boit à la 
source ; il vient surtout pour prier, et les ^x- 
î;o/o, toujours modestes, souvent naïfs, suspen- 
dus dans ces modestes oratoires, témoignent 
plus en faveur du nombre que de la ri- 
chesse des visiteurs. 

Toujours pour guérir des fièvres on 
assiste en foule, les 14 et 15 septembre. 



''3.. - -,-«- 

C'-iiui "renier ii=LinJi<;. le clc^é de 
li rir:iiîc ce F.'rzrlne-Sîr^jr vi en procès* 

:.'-,--vc u-e zr:^.>e rierre, jl dem trouée, 
ikZA ^z'jLt^t veijrze . ex^ eu ciel. Ce pe- 
::: rc-cr/Tir i'eiu zir^relle se nomme la 

i'.rrjL.z.t Lt S zir.Z'Li'.^'-.r' , rjrce que ce trou 
r.-; ^crii: iu:re eue l'ez:rre:z:e de son bâton ; 
f.z. ^r,T!z'Lt 1 l'eau li verrai fébrifuge. L'é- 
Ci'Ii-e .;•: icro5::ii:rc ie L"cz:preîate du pied 
de -air.: L::umer qui attire un grand nombre 

La petite ntarîette de S ihm- Agathe^ près de 
la Piiisaw, est visitée par les personnes at- 
teintes de maladies d'ester r.tjc. 

On amène de très loin les enfants, lents 
a marcher et à parler, à la chapelle de 
Saint-Cyr ou Saiui-Cic du cimetière de 



ET DU PERCHE Jl 



V :;: 



Saint' Jean- Pierre- Fixte, près de Nogeni-le- 
RotroUy est un lieu de pèlerinage très fréquen- 
té, le 23 juin. L'eau puisée à la fontaine ce 
jour-là, avant le lever du soleil, ne se cor- 
rompt jamais; elle guérit tous les maux. 
Comme dans les fontaines de Saint-Odoir et 
de Saint-Viciur, citées plus haut, on plongeait 
dans celle de Saint-Jean-Pierre-Fixte les en- 
fants nus, afin de les faire aller ou venir. 

La Baxpche-Goiiët a deux sources : celle de 
la Chapelle-du-Bois guérit les fièvres ; celle 
du Gné-de-Peristé fait disparaître les maux 
d'yeux. 

On boit et Ton conserve pieusement Teau 
prise, le 23 juin, à la fontaine de Saint-Jean, 
à Charbonnières ; elle enlève les fièvres. Il en 
est de même à la Croix-de-Beaiivais ^ près Cha- 
pelle-Guillaume. 

Dans le choeur de Téglise de Champrond- 
en-Gâtine se trouve la fontaine Saint-Sauveur 



72 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

fermée par une plaque de fer. Par les temps 
de sécheresse, on vient en procession deman- 
der la pluie et on ne manque pas à tremper 
le bâton des bannières dans la source. Les ha- 
bitants de la commune de Combres y sont 
allés en pèlerinage, il y a quelques années. 
On observe la môme pratique et pour le 
même motif à la fontaine de Sahit-Emany près 
à'Illiers ; ici, c'est le bâton du saint que l'on 
.trempe trois fois dans l'eau, après avoir 
promené le saint autour de l'église, le visage 
tourné à l'ouest, si Ton veut de la pluie, à 
l'est au contraire si l'on veut du beau temps. 
La fontaine de Notre-Dame-des-Marals yprès 
l'église des RessuiuieSy est également l'objet 
d'une grande dévotion dans les années de sé- 
cheresse. 



* 



Sur la commune de Biisloup, près de la fo- 
ret de Fréieval (Loir-et-Cher), existe une 
source à laquelle on attribue des vertus mi- 
raculeuses ; elle attire de nombreux pèlerins 



ET DU PERCHE 73 



et fut probablement consacrée par la supers- 
tition druidique. 

Non loin de là, au château des Mnssets^ 
l'eau d'une fontaine passe encore pour gué- 
rir les maladies des enfants. 

Un peu au sud est la chapelle Saint-Vrain , 
petit sanctuaire isolé près duquel est une fon- 
taine sacrée qui attire, à certains jours, une 
foule considérable de pèlerins. 

Qjioique assez éloignés du pays Chartrain, 
nous sommes toujours sur le plateau Beauce- 
ron, et la fontaine de Saitit- Bouchard peut en- 
core trouver place ici. Située à une centaine 
depas du village de Selommes (Loir-et-Cher), 
cette petite source aurait, d'après la chro- 
nique locale, une origine miraculeuse. Un 
pieux cénobite, saint Leufroy, vint, vers 692, 
d'Evreux au tombeau de saint Martin à 
Tours. Passant par une bourgade nommée So- 
lemniacum (aujourd'hui Selommes), fatigué, 
il se reposa ; altéré, il demanda un peu d'eau 
qu'on lui refusa. En vrai disciple du Christ, 
il secoua la poussière de ses sandales et s'é- 
loigna en silence ; mais, dès qu'il fut hors du 
bourg, il frappa la terre de son bâton de pè- 



74 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE 

lerin et en fit jaillir une source. C'est la fon- 
taine de Saint-Bouchard où Ton va en pèle- 
rinage pour la gucrison des fièvres. 



A * 



Près du château historique de Villebon 
qui fut la demeure de Sully, se trouve le vil- 
lage de vS'a/;//-D^«îW^^-Pw/75. Dans le cimetière 
attenant à l'église existe un puits au fond du- 
quel est, dit-on, le bon saint Denis et dont 
l'eau préserve de la rage les chiens et les ani- 
maux mordus par des chiens enragés. Il faut 
pour cela, dans les quarante-huit heures qui 
ont suivi la morsure, leur verser de l'eau de 
ce puits sur le corps afin sans doute de guérir 
le mal par la méthode des contraires. Puis, 
pour achever la guérison,il faut, pendant neuf 
jours, leur faire manger le matin, à jeun, du 
pain trempé dans cette eau. Il arrive quelque- 
fois que les animaux restent incommodés pen- 
dant plusieurs jours de ce qu'on appelle dans 
le pays la rage mtie^ mais ces incommodités 
disparaissent rapidement. 



ET DU PERCHE 75 



* 



Il est presque impossible de citer toutes 
les croyances superstitieuses, qui subsistent 
encore dans nos contrées et dont les sources 
dites sacrées sont l'objet ; car, en outre des 
vertus curatives qu'on leur prête, elles ont 
pour la plupart des légendes populaires at- 
tachées à leur origine ; ou bien elles sont, la 
nuit, hantées par les fées ou les revenants : 
telle la fontaine située près des Grandes-Ab- 
bayes du Loir où l'on a vu des danses noc- 
turnes et des rondes fantastiques. Le passant 
attardé traverse ces lieux avec effroi {cf. 11^ 
Partie chap, F. § i : Les mauvaises fées des fon- 
taines deBarbotonet deSainville, — IV^ Partie 
chap. I : La légende du Pont-de-VIsle.) 

M. de Boisvillette, à l'érudition duquel 
nous avons eu recours, pour nombre de cou- 
tumes relatives aux fontaines, aux mégalithes, 
aux arbres, aux voies romaines, a ouï dire 
encore qu'à Maillebois, non loin de Dreux, 



76 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

le parc et l'étang sont hantés par Jeanne-la- 
Laveuse qui se promène la nuit et se retire au 
matin dans les souterrains du château. « Evi- 
tez le mauvais œil et priez pour l'âme en 
peine de cette Dame des eaux ! » 




§ ni. — Culte des Pierres, 




iOUS n'essayerons pas, dans ce 
modeste ouvrage, de décrire tous 
les monuments préhistoriques de 
la Beauce et du Perche. Ces 
pierres gigantesques, en grand nombre sur 
Je territoire Carnute, sont ordinairement ap- 
pelées celtiques et surtout druidiques en raison 
de cette croyance qu'elles étaient consacrées 
au culte druidique. Naguère encore, le paysan 
ne passait qu'avec crainte devant ces roches 
brutes qui étaient l'objet d'une terreur su- 
perstitieuse. 

Comme dans le reste du pays gaulois, on 
trouve en notre contrée les menhirs, pierres 
levées, souvent isolées ; les dolmens^ pierres 
plates posées horizontalement surdos socles; 
les £romlechs, pierres rangées en cercle (plus 
rares que les deux premières). Qui découvri- 



78 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

ra la véritable destination qu'avaient ces 
pierres ? Représentaient-elles, chez les peuples 
primitifs, un symbole religieux ? Ces dolmens 
furent-ils des autels où Ton sacrifiait les vic- 
times humaines ? Ces cromlechs marquent-ils 
des sépultures, des enceintes sacrées ou des 
lieux d'assemblées publiques ? Ces vestiges 
des âges disparus furent-ils enfin le siège du 
prêtre ou du juge ? Les savants sont en dé- 
saccord sur tout ce qui concerne ces monu- 
ments mégalithiques. 

Nous éviterons donc d'aborder cette téné- 
breuse question, dans laquelle nous sommes 
incapable d'apporter la moindre clarté. Nous 
nous bornerons dans ce chapitre à donner les 
noms étranges^ parfois baroques, de certaines 
pierres, à noter les souvenirs qui s'y rattachent 
et les superstitions dont elles sont l'objet» 
Noms et croyances sont imprégnés de cou- 
leur locale et prouvent que la tradition qui 
nous les a transmis donne à ces pierres une 
origine religieuse ou les considère comme 
l'œuvre des fées, des lutins ou d'autres êtres 
surnaturels. 



ET DU PERCHE 79 



* 



Plusieurs de ces monuments préhistoriques 
sont encore aujburd'hui l'objet d'un culte spé- 
cial qui a pour but de s'assurer le bonheur, 
l'amour ou la fécondité. Il n'est donc pas 
téméraire d'en inférer que certains rites, obser- 
vés encore de nos jours, remontent à la plus 
haute antiquité et sont arrivés jusqu'à nous, 
fidèlement pratiqués à travers les siècles. 
Ces rites s'accomplissent clandestinement et 
varient suivant les contrées et le vœu à exau- 
cer, mais ils sont toujours caractérises par 
le contact d'une partie quelconque du corps 
de la personne avec la pierre à laquelle elle 
atti*ibue des vertus miraculeuses. 

Nous n'avons pas comme en Bretagne les 
« Roches écriantes » sur lesquelles les jeunes 
filles ou les jeunes femmes se laissent glisser, 
jupons relevés, du sommet jusqu'au bas, pour 
trouver un mari ou pour être fécondes. Mais 
récemment encore les jeunes filles qui dési- 



80 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



raient un mari, allaient, le soir, frotter leur 
ventre contre une aspérité de la Pierre de 
Chantecoq, dite aussi la Mère au Cailles. Les 
jeunes femmes qui désiraient avoir des enfants 
accomplissaient le même acte. Ce menhir est 
situé près de Gallardon, dans un champ rem- 
pli de petits cailloux, tous de môme forme 
allongée et de même dimension. L'aspect de 
ce champ rappelle, en miniature, la fameuse 
plaine de la Crau, en Provence 

A Villars, existe un terrain appelé le Per" 
ronde Saint-Biaise où se trouve une grosse 
pierre brute autour de laquelle on fait circuler 
les chevaux atteints de tranchées. 



* 
* * 



Le pays Drouais, grand centre gallo-drui- 
dique, est riche en monuments mégalithiques. 
D'après la tradition, la pierre du Monsscl au- 
rait été transportée en cet endroit par le 
démon. 

La Grosse-Pierre de Saint- Lubin-dc-Cravant, 



ET DU PERCHE 8l 



d'après la légende du pays, se levait pendant 
la messe de minuit, au moment de l'évangile, 
laissait apercevoir un trésor et retombait 
ensuite. 

A un demi-kilomètre de Brezolles, se 
trouve un bois appelé le Champ-des-Pierres. 
Ces blocs naturels sont connus sous le nom 
de Pierres de la Justice et passent, dans la tra- 
dition locale, pour avoir été des autels drui- 
diques. 

Un groupe de pierres, près d'Ecluzelles, 
est connu sous le nom de Pierres-des-Dniides. 

Le beau dolmen des Aunaies de Monlouet, 
qui a 4 mètres de long sur "^^$0 de large et 
o™50 d'épaisseur, se nomme le Palet de Gar- 
gantua. Cette appellation désigne suffisam- 
ment l'origine qui lui est attribuée. 

Non loin du confluent de la Voisc, se 
trouve le groupe du Changé, composé de 
peulvans et d'un menhir, qui porte la même 
désignation de Palets de Gargantua, D'après 
la tradition, Gargantua s'amusait à lancer des 
pierres vers un but ; le but est le menhir et 
les palets sont les rochers épars lancés par le 
géant contre le but. 



82 lOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Morancez a la Picrre-qui-toiirne ; Corancez, 
la Pierre- Cotwertc ; Ver, la Pierre- Pesant. Le 
Cromlech de Gellainville, composé de douze 
blocs, n'existe plus ; ses débris ont servi à 
l'empierrement des routes du voisinage. 






Prunay-lc-Gillon possédait deux dolmens, 
de grande dimension, distants l'un de l'autre 
de trois kilomètres : la Tierre-Couverte et la 
Grosse-Pierre d' Ymorville. La première a été 
détruite par la mine, l'autre est à demi enfouie 
dans le sol. Deux cavités se remarquent à sa 
partie supérieure : Tune se termine en fourche 
et représente assez exactement une empreinte 
de pas d'animal. La Pierre-couverte^ appelée 
aussi Picrre-qiii'virc^ a sa légende. 

« Tous les ans, dans la nuit de Noël, au 
moment où le prêtre commençait le chant 
de la gcncalogic, la pierre se mettait à 
tourner sur elle-même, décrivait une demi- 
rcvolulion et laissait à découvert rorifice 



KT DU PERCHE 83 

d'un vaste souterrain. Ceux qui avaient le 
courage d'y pénétrer, voyaient, à l'entrée, 
des vases pleins de monnaie de cuivre et de 
billon ; un peu plus avant étaient des bassins 
remplis de pièces d'argent, puis des mon- 
ceaux de pièces d'or, et enfin des tas de dia- 
mants et de pierres précieuses. Le visiteur 
pouvait puiser tout à son aise dans ces ri- 
chesses amoncelées par des génies inconnus. 
Mais malheur à lui s'il se laissait enivrer par 
la soif immodérée du lucre. Une loi fatale 
l'obligeait à sortir de la caverne avant que 
fût terminé le chant de la généalogie ; car, à 
ce moment décisif, la pierre sacrée achevait 
son évolution circulaire, et le malheureux, 
n'ayant plus d'issue, restait enfermé avec ses 
trésors et condamné à ne pouvoir sortir que 
l'année suivante. 

On ne citait personne qui se fût enrichi 
par ce moyen ; nul ne voulait tenter l'épreuve. 
Ce n'est pas seulement la brièveté du délai 
qui intimidait les chercheurs d'aventures, 
mais on tremblait à la pensée d'entrer en re- 
lation avec les esprits mystérieux, gardiens 
de ces antiques monuments. A la longue, ces 



84 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

légendes avaient perdu de leur gravité ; on les 
répétait sans y attacher d'importance, et l'on 
se permettait même d'en plaisanter comme 
du Bonhomme Noël. 

On disait aussi, à Prunay, que celui qui, le 
jour de la Mi-Carême, allait au pied de la 
Pierre-loiirnanie d'Ymorville, et y restait à 
attendre pendant un temps convenable, 
voyait apparaître la Mi-Carême en personne, 
qui, moyennant la modique offrande d'une 
poignée dé foin, gratifiait le visiteur d'une 
énorme quantité de harengs salés... Hélas! 
la vénérable pierre, à moitié enfouie en terre, 
a perdu sa vertu en même temps que sa po- 
sition primitive, et la Mi-Carême est de plus 
en plus introuvable. » 



* * 



fj Le pays Dunois offre, en grand nombre, de 
beaux spécimens de pierres celtiques. Peu de 
légendes s'y rattachent aujourd'hui ; mais leur 
désignation indique bien l'origine qu'on leur 



ET DU PERCHE 85 

a prêtée. La personnification de la force, sous 
le nom du géant populaire, Gargantua, y est 
représentée : à Alluyes, par le Palet-de-Gar- 
gantua ; au château de Thoreau, rive gauche 
du Loir, par un dolmen et un menhir appelés 
Palet et Quillette de Gargantua ; sur la Conie, 
près du parc de la Brosse, par le Palet-de- 
Gargantua. 

Toury, possède aussi une Pierre de Gargan- 
tua. Le géant, en suivant la grande route 
de Paris à Orléans, se débarrassa, en cet 
endroit, d'un petit caillou qu'il retira de 
son soulier : ce caillou c'est la Pierre de 
Gargantua. 

Près d'Illiers, se trouvent la Pierre-La'ce 
de la Nicoltière, la Pierre- Piquée de Feuge- 
rolles ou de Montjouvin ; le grand dolmen 
de Quincampoix. 

Près de Bonneval, on remarque le peulvan 
de Dangeau ; le cromlech de Saint-Maur, ac- 
compagné d'un peulvan et de deux dolmens. 

A Villeau, près de Voves, on voit le dol- 
men de la Pierre-au-Grée. Plus près de Vovcs, 
celui des Genièvres. 



86 FOLK-LORH DE LA BEAUCE 






Vers la Conie, se dresse le beau dolmen, 
dit Pierre-de-Saint-Marc, qui, placé sur une 
source, fut le but d'un pèlerinage très suivi 
jusqu'à la Révolution ; le dolmen de Couvre- 
Clair de Neuvy-cn-Dunois, encore en par- 
fait état ; la Pierre-Couverte de Civr}' ; la 
Grosse-Pierre de Péronville. 

Prés de Nottonvillc, une vaste enceinte de 
pierres est connue sous le nom de Bal-des- 
Dames de Bainville. La chronique locale rap- 
porte qu'en cet endroit trois figures vêtues 
de blanc viennent pendant l'Avent danser, la 
nuit. Cette légende populaire, très accréditée 
dans le pays, rappelle les hôtes fantastiques 
des monuments bretons et se fait probable- 
ment l'écho de la tradition qui veut que ces 
enceintes aient servi de lieux de réjouissances 
publiques aux premiers habitants de nos con- 
trées. 

Sur le bord du Loir, près de l'ancienne voie 



ET DU PERCHE 87 

romaine d'Orléans au Mans, se trouve le dol- 
men de Fréteval (Loir-et-Cher) qui délimita 
apparemment le Dunois du Vendômois, Non 
loin de Sargé (Loir-et-Cher) on voit deux rocs 
isolés connus sous le nom de Pierres-du-Breuil, 
qui, suivant la tradition locale, tournent sur 
elles-mêmes le jour de Noël, à minuit. La 
superstition populaire accorde la même fa- 
culté au menhir conique situé tout prés de 
Vendôme, sur la route de cette ville à Blois. 



* * 



Gargantua a marqué son passage dans 
l'Orléanais. Il a laissé un palet et une drue à 
Saint-Sigismond (Loiret). Dans les environs 
de Beaugency, se trouvent deux dolmens, 
distants entre eux de trois lieues, et appelés, 
l'un Pierre Tournante, l'autre Pierre d^Orcières. 
D'après la tradition, le géant posait en 
même temps un pied sur chacune de ces 
pierres. 

De même qu'à Saint-Sigismond, le géant 



88 rOLK-LORE DE LA BEAUCE 

a laissé à Tripleville, près d'Ouzouer-le-Mar- 
ché (Loir-et-Cher) un palet et une drue 
comme monuments de ses jeux. 

Une légende, semblable à celle de Toury, 
prétend qu'en suivant la route de Vendôme 
à Blois, le géant se débarrassa, au hameau du 
Temple (Loir-et-Cher), d'un gravier qui le gê- 
nait dans sa chaussure ; c'est la Tierre-Levée^ 
dite aussi le Gravier de Gargantua, 

A Verdes (Loir-et-Cher) se trouvent les Lu- 
nettes de Gargantua : c'est une pierre longue 
de dix pieds et échancrée par le milieu. Sur la 
même commune, on voit la Soupière de Gar- 
gantua. Les gens du pays donnent ce nom à 
une grande excavation, voisine d'un tumulus 
et de pierres qui rappellent les temps drui- 
diques. 

Les pierres, dites de Gargantua, se ren- 
contrent dans toute la France ; mais elles sont 
surtout nombreuses dans les départements 
d'Eure-et-Loir, de Loir-et-Cher et du Loiret. 
Or Rabelais a habité longtemps le château de 
Glatigny, situé commune de Souday, prés de 
Mondoubleau (Loir-et-Cher), presque à la li- 
mite de ces trois départements. L'immense 



ET DU PERCHE 89 

cheminée de la cuisine existe encore et 
porte toujours le nom de Cheminée de 
Gargantua, 

Doit-on en inférer que ces appellations 
multiples tiennent au voisinage de Thabita- 
tion de Rabelais ? que Tauteur étant connu 
dans la contrée, les légendes se sont formées, 
nombreuses, en souvenir du héros fameux ? 
Oui, si Rabelais est l'inventeur du person- 
nage mythologique de Gargantua. Mais si, 
comme on Ta prétendu — à tort peut-être 
— , les légendes du héros gigantesque re- 
montent à l'époque celtique, Rabelais, alors, 
n'aurait fait qu'emprunter à la tradition po- 
pulaire et le nom de son héros et ses histoires 
fabuleuses. Dans ce cas, l'auteur n'aurait 
choisi, pour résidence, le château de Glatigny 
qu'afin d'être au centre même de cette tradi- 
tion. 

Quoi qu'il en soit, hercule gaulois ou 
géant plus moderne, la mémoire de Gar- 
gantua s'est conservée fidèle dans les plaines 
de la Beauce, principal théâtre de ses 
exploits. 



90 FOLK-LORE DK LA BEAUCE 






Quoique moins riche en monuments méga- 
lithiques que la Beaucc, le Perche en possùde 
quelques-uns assez remarquables. De ce 
nombre est la Grosse-Pierre de la Madeleine- 
Bouvet, connue sous le nom de Fontaine de 
Sainl-Lniimcr, et dont la célébrité a été rap- 
portée au chapitre des Fontaines sacrées. 

Sur les confins du Perche et de la Nor- 
mandie, dans la commune de Mont-Merrey, 
à trois kilomètres de Mortrée, se trouve le 
Camp de César, appelé aussi le Châtellier. 
Cest un plateau élevé de la forme d'une 
ellipse, mesurant environ 15 arpents. Nos sa- 
vants ne sont pas d'accord sur Torigine de ce 
camp ; ils voient là, les uns un camp romain, 
les autres un camp gaulois. Sans prendre part 
à leur controverse, disons — et la légende nous 
viendra en aide — qu'il s'agit vraisembla- 
blement d'une enceinte druidique, occupée 
tour à tour par les Gaulois et par les Romains. 



ET DU PERCHE 9I 



Sur une colline qui forme comme un 
versant du camp de César, se trouve une large 
pierre affectant la forme d'un carré long et 
supportée par trois autres pierres à demi 
enfouies dans le sol. Pour nous, c'est un dol- 
men ou autel druidique ; pour les habitants 
du pays, c'est la Pierre- Tourfwire. A quelques 
mètres plus loin se trouve un autre dolmen, 
identique comme forme, mais de dimensions 
plus restreintes. Si un léger doute s'élevait 
dans l'esprit du touriste, au sujet de l'usage 
de ces monuments anciens, ce doute s'éva- 
nouirait aussitôt en apercevant, non loin de 
là, d'un côté la chaire en pierre où siégeait 
le chef des Druides, et, un peu plus bas, une 
petite fontaine dont les eaux servaient aux 
ablutions rituelles. Deux menhirs abattus 
se trouvent l\ quelque distance du grand 
dolmen. 

Ces lieux, jadis témoins des cérémonies 
druidiques et des sacrifices humains, aujour- 
d'hui silencieux et déserts, sont l'objet de 
légendes bizarres. Les a anciens » racontent 
que le dolmen, ou plutôt Iz^ierre-Tournoire, 
cache un trésor immense. Mais, comme il 



92 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

recouvre la demeure du diable, personne 
n'ose y toucher. Un jour, cependant, les habi- 
tants de Mont-Merrey attelèrent tous leurs 
chevaux après la pierre qui résista à cet 
effort. 

Au dire des braves Percherons, chaque 
année, la veille de Saint-Jean, au soleil 
levant, la pierre se dresse d'elle-même et 
aussitôt retombe lourdement. A' certains 
jours, des milliers d'ombres fantastiques 
sortent de terre. Ce sont des guerriers de 
Vancien temps qui deux à deux défilent devant 
leurs chefs ; parfois ils s'arrêtent, puis 
reprennent leur marche silencieuse et s'éva- 
nouissent, avec les brumes, dans les premiers 
rayons du soleil. 

A Condé-sur-Laison, il y aurait une pierre 
druidique, nommée la Pierre-Cornue, qui, au 
premier chant du coq, s'ébranle et descend 
vers la grande fontaine pour s'y désaltérer. 

A Saint-Cyr-la-Rosière (Orne), au lieu 
dit « La Pierre du Sablon » non loin du dol- 
men la Pierre Procureiix, se trouvait, dit une 
légende, un trésor caché ; ce trésor s'ouvrait 
également pendant la nuit de Noël ; mais tou- 



ET DU PERCHE 93 



jours par crainte des mauvais esprits qui le 
gardent, les paysans des environs n'osaient 
jamais s'en approcher. 






Il a disparu quelques spécimens de ces 
beaux débris d'une civilisation qui, ne sachant 
pas écrire, savait signer les traces de son 
passage en caractères durables. Les autres 
sont appelés peut-être à subir le môme sort. 
Leurs fragments serviront à empierrer les 
chemins et leur emplacement sera cultivé. Il 
était donc intéressant d'en fixer le souvenir 
dans cet ouvrage composé des traditions et des 
choses du passé. Nous pourrons ainsi nous 
reporter par la pensée en ces temps lointains, 
avec ces témoins imposants de la force de 
nos ancêtres : pierres-couvertes, couchées, 
trouées, clouées ou couverclées, fixées, fi- 
chées, piquées ou levées, et les légendes mer- 
veilleuses ou fantastiques des trésors cachés, 
des géants ou des fées. 



94 1 OLK-LORE DE LA BEALXE ET DU PERCHE 

Tous ces contemporains de l'humanité 
primitive sont peut-être la plus belle parure 
de notre contrée. Quoique muets, ils nous 
parleront de nos ancêtres et nous initieront à 
leurs cultes, à leur vie même, à laquelle nous 
pourrons prêter toutes les nuances, toutes les 
sublimités, comme aussi tout le réalisme 
dont elle était faite. Nous avons essayé d'en- 
registrer les noms de ces antiques débris et 
les croyances qui y sont attachées, sans nous 
préoccuper de savoir s'ils composaient un 
alphabet mystique figurant par sa forme l'ini- 
tiale des membres du panthéon de la théo- 
logie gauloise : Esus ou Hms^ le terrible, 
l'être suprême des Gaulois; Tentâtes, le père 
des hommes ; Camul, le Mars gaulois ; Crom^ 
d'où cromlech, la courbe sans commence- 
ment ni fin ; Tarann le Zens (Jupiter) ; Kori^ 
dwciiyh fée blanche i la nature. 



Jt 




§ IV. — Culte des Arbres. 



A forêt Carnute avait un caractère 
sacré. C'était le lieu de réunion 
générale des Druides gaulois. Les 
dolmens et les menhirs qui par- 
sèment nos contrées sont, nous venons 
de le voir, les vestiges irrécusables de cette 
époque. Une vaste clairière s'est formée au 
milieu de cette forêt : le plateau delaBeauce. 
Il ne reste de l'immense forêt Carnute 
que la ceinture qui comprend : au nord, en 
allant vers l'est, les forêts de Dreux, de Ram- 
bouillet ; au sud, celles de l'Orléanais et du 
Blaisois ; à l'ouest, le bocage Percheron, ré- 
gion forestière par excellence qui vient se re- 
lier à la forêt de Dreux. Les essences forestières 
étaient très variées dans l'antique forêt Car- 
nute, et très remarquables les espèces du 
chêne sur lequel les Druides cueillaient le gui 



96 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

symbolique. C'est également sous ces arbres 
sacres que les Druides rendaient leurs juge- 
ments, que les Romains appelaient par dérision 
Injustice du chêne. De là, chez cette nation pri- 
mitive, le culte matériel des arbres, et en par- 
ticulier des chênes, allant de pair avec celui 
des fontaines et celui des pierres. 

Comme pour les fontaines, le clergé lutta 
contre ces vestiges de paganisme et les con- 
ciles ordonnèrent aux évéques d'empêcher 
d'adorer les arbres, les pierres et les forêts 
(Arles 442 ; Auxerre 585 ; etc). Les mêmes 
moyens furent employés ; les arbres vénérés 
reçurent une niche dédiée à la vierge ou 
aux saints. 






Le chêne de La Loupe y situé sur la levée 
de l'étang, est vieux de quinze siècles au 
moins. Cet ancien roi de la forêt disparue a 14 
mètres de circonférence à la base, 15 mètres 
de hauteur et 25 mètres d'envergure. Ce 



ET DU PERCHE 97 



chêne a sa légende. Dans une Crevasse du 
tronc, on place une statuette, protégée par un 
grillage, représentant la Vierge tenant TEn- 
fant-Jésus dans ses bras. On raconte qu'en 
181 5, les Prussiens brisèrent cette statuette. 
Pendant qu'on la frappait, on vit des pleurs 
couler de ses yeux, et, dans la nuit même, à 
la place de la statuette brisée, poussaun cham- 
pignon qui en avait exactement la forme. 
D'après une autre version, cet événement 
aurait eu lieu pendant la Révolution. 

Le Perche possède d'autres témoins de 
l'âge celtique : le chêne du bras de LouvillierSy 
doyen de la forêt de Senonches ; celui de 
Manouyau, sur la commune de Fontaine-Si- 
mon ; celui de Saint-Denis-des-Tuits, appelé 
Chêne-Doré^ en souvenir de la tradition drui- 
dique du gui cueilli avec une faucille d'oi*. 
Ce chêne, de même hauteur que celui de la 
Loupe, n'a que lo mètres de pourtour à sa 
base ; son tronc est entièrement creux. 

Un vieux et beau houx, situé au hameau 
de VOrme, commune de Fraié^ a été jusqu'au 
milieu du XIX^ siècle l'objet d'une vénéra- 
tion spéciale et un but de pèlerinage pour la 

7 



98 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

guérison de certaines maladies. Son tronc et 
ses branches étaient garnis de rubans attachés 
par les pèlerins. Une croix, dédiée à la Vierge 
et à saint Evroult, remplace aujourd'hui ce 
signe ancien de dévotion. 

Somme toute, il reste bien peu de ces 
chênes géants qui peuplaient la forêt Carnute 
au sein de laquelle les druides déposaient 
leurs sépultures. 



* 
* * 



D'autres arbres, pour être beaucoup plus 
jeunes, n'en sont pas moins respectables : 
les six maronniers du plateau de Saint-Jean, 
à Nogent-le-Rotrou, qui passent pour avoir 
été jT/lantés de la main même de Sully ; le 
chêne de Saint-Louis^ dans la forêt de Bellême, 
sur la commune de Saint-Martin-du-Vicux- 
Bellcmc, sous lequel, d'après la tradition, 
saint Louis, venant prendre possession de son 
comté du Perche, se serait arrêté et y aurait 
attaché son cheval (i 228-1 230). 




§ V. — Filles anciennes. — Camps Romains, 
— Voies romaines. 

|ANS vouloir pénétrer aucunement 
dans le domaine de l'archéologie, 
examinons sommairement ce que 
furent, dans la Beauce contem- 
poraine de ces monuments anciens, les 
oppida-villes (centres d'habitations), les oppida- 
refuges {camps romains), \qs voies commerciales 
et stratégiques. 

Des villes ou des enceintes retranchées ser- 
vant de refuge contre les attaques des peu- 
plades ennemies, la plupart ont été détruites 
lors de la conquête de César. D'autres ont dis- 
paru postérieurement dont on connaît l'exact 
emplacement. 

Sur le î^rand chemin de Chartres à Sens, 
dit chemin de Saint-Mathurin, subsistent ks 
vestiges de deux agglomérations considé- 






100 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

rables de l'époque gallo-romaine, sur les 
terrains dits de La Maune et de Sampuy, La 
Maune est située au carrefour du grand che- 
min d'Orléans à Ablis, par Allaines : son 
emplacement est couvert de substructions et 
de débris gallo-romains, et on y a trouvé 
nombre de médailles datant d'Antonin. Parles 
temps de neige, on remarque facilement les 
endroits occupés par les puits qui alimentaient 
d'eau cette immense cité. 

Sampuy est un peu plus loin, à la jonction 
du chemin de Blois, entre Allaines et Mérou- 
ville. Centre romain couvrant un espace de 
400 mètres de long sur 200 de large, son 
existence est affirmée par la découverte de 
souterrains, de bronzes, de poteries et d'objets 
d'art remarquables. 






Allaines qX Allonnes, sur le grand chemin 
de Chartres à Orléans, points d'intersection 
importants, offrent par leur nom {al celtique). 



ET DU PERCHE lOI 

leur vieux clocher isolé du village moderne, 
tous les caractères des stations romaines. 
Allonnes en possède d'ailleurs de nombreux 
vestiges. 

Sur le chemin de Chartres à Bourges, par 
Blois, (appelé en Eure-et-Loir chemin de 
Bourges ou chemin de Beaugency) à Masson- 
ville, près du Gault-Saint-Denis, se trouvait 
éo^alement un centre romain dont on a retrou- 
vé des vestiges. 

Sur le parcours de cette même voie ro- 
maine, on trouve près de Saint- Clou d (Eure- 
et-Loir) des traces de vilhv romaines authen- 
tiques. 

Verdes et Ouiouer-le-Doyen (Loir-et-Cher) 
furent des stations romaines considérables à 
en juger par les constructions, monnaies et 
objets de cette époque, mis à jour il y a un 
demi-siècle. 

Les restes romains découverts au carrefour 
de Tourouvre, formé par le grand chemin de 
Chartres à Bayeux (dit Vieux Chemin Chartrain) 
Qt\e Grand Chemin Perrey d'Evreux au Mans, 
accusent l'emplacement d'une station très 
importante. 



102 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



M. de Boisvillette, dont le savoir nous 
guide au milieu de ce réseau d'anciens che- 
mins peu connus, a découvert à Montemaiity 
outre une belle villa romaine, de nombreux 
restes celtiques qui permettent d'affirmer 
qu'en cet endroit se trouvait un centre d'une 
certaine importance. Montemain est situé près 
de Saumeray,sur le chemin de Chartres à Brou. 

Trois villes sont restées assises sur leur 
emplacement primitif : Chartres (Aulriciim)y 
l'ancienne capitale ; Orléans (Genabum), l'en- 
trepôt commercial de la Méditerranée à 
l'Océan ; Dreux, (Durocassiutn), sur la route 
de la Loire à la Seine. 



* * 



Les camps romains, appelés communément 
Camps de César, sont d'une authenticité discu- 
table, bien que la tradition leur ait conservé 
cette appellation. 

Le camp dit de Plancus (lieutenant de 
J. César) est le plus important dans nos con- 



ET DU PERCHE 10 3 



trées ; il est placé à deux kilomètres au sud 
de Maintenon. 

Le camp de Saint-Mandé paraît également, 
par sa forme et par sa position, remonter à 
cette époque. Situé sur le grand chemin de 
Chartres à Bourges, il coupe la distance de 
Chartres à Blois et garde le passage. 

Il en est de même du petit camp situé 
commune de Landelles^ près de Courville, 
il est caché dans le bois des Fourches, au 
carrefour des chemins de Chartres à Bayeux 
et de Chartres à Jublains et Rennes. 

On cite encore le camp des Marnières, un 
peu au nord de Prudemanche ; le camp de 
Songé (Loir-et-Cher), forte position sur le 
cap avancé de la Braye et du Loir. 

La tradition, nous l'avons déjà dit, attri- 
bue sans hésitation ces camps aux Romains, 
mais latradition n'est rien moins qu'historique; 
elle a souvent donné prise à la fantaisie et à 
l'erreur en attribuant aux ancêtres ce qui 
était l'œuvre des descendants. Ici, d'autres 
faits, cependant, la corroborent ; la forme et 
l'emplacement de ces camps qui répondent 
bien aux règles établies par la castramétation 



104 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

romaine. Et enfin, la résistance acharnée des 
Girnutes à l'invasion romaine donne une 
vraisemblance incontestable à la construction 
par l'envahisseur de ces camps retranchés. 

Joignant à leur esprit d'indépendance gau- 
lois le fanatisme religieux druidique, les 
Girnutes furent, en effet, les premiers à lever 
l'étendard et les derniers à soutenir la lutte 
avec Vercingétorix. Il était donc naturel, 
pour les soumettre, que les Romains éta- 
blissent ces camps qui dominaient et com- 
mandaient les clairières où se trouvaient 
placés les autels druidiques. 






En dehors des gratids chemins mentionnés 
plus haut au sujet des villes disparues, il 
faut citer celui de la Seine à la Loire, dit de 
Chartres à Orléans, qui se continue par 
Dreux et Evreux ; celui de Reims, Etampes, 
Chartres et le Mans ; celui de Chartres vers 
Tours, par Châteaudun et Vendôme. Il reste, 



ET DU PERCHE I05 



en outrC; nombre de voies anciennes qui 
reliaient vraisemblablement des cités et des 
camps aujourd'hui disparus. Ces chemins, 
fortement bloqués et bien pavés servaient 
aux Carnutes pour leurs transports commer- 
ciaux de la Seine à la Loire, pour leur im- 
portation et exportation de voisinage. 

Les chemins sont appelés communément 
chemins de César, voies romaines. Sont-ils 
antérieurs à cette époque ? Datent-ils réelle- 
ment des Romains ? On ne peut sur ce point, 
de même que sur les camps, se fier à la tra- 
dition, qui a gardé un souvenir vivace de 
l'invasion romaine et s'est faite, par suite, 
l'écho de ces appellations. 



* 

* * 



De vastes souterrains, à galeries multiples, 
existaient en nos contrées : on les attribué, 
pour la plupart au moyen âge. On les désigne 
sous le nom de Croth-aux-Fées, (ou encore 
Groties-aiix-Fces), Le Croth-aux-Fées de Char- 



I06 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

très se prolongeait souterrainement vers Fon- 
taine-la-Guyon, sur une distance de plus de 
trois lieues ; celui de Dreux mettait en com- 
munication le château de cette ville avec Fer- 
mincourt . Ne remontraient-ils pas plutôt à 
l'époque gauloise ? Le nom celtique, Croth, 
indiquerait bien que ces galeries étaient la 
demeure des prêtresses du culte druidique. 

D'ailleurs César affirme dans ses Commen- 
taires que les Celtes excellaient à creuser des 
voies souterraines qui, au moment de l'inva- 
sion ennemie, leur servaient d'asiles secrets 
pour s'y cacher avec tout ce qu'ils possédaient. 

Chartres et ses environs possèdent — nous 
l'avons vu plus haut — des souterrains de 
vastes dimensions. Les distributions inté- 
rieures et les étages superposés forment de 
véritables labyrinthes dont les galeries 
montent, descendent, se communiquent, 
s'entrecroisent, et peuvent avoir, dans leur 
ensemble, une longueur de plusieurs lieues. 
Ces asiles secrets offraient, en cas de guerre, 
un refuge sûr qui fut utilisé, en 1870, par les 
Beaucerons pour y cacher butin, mobilier, 
grains, bestiaux même. 



ET DU PERCHE I07 



Ces souterrains étaient encore appelés 
Grottes des Vierges, des Sybilles, et comme ils 
se trouvent toujours voisins d'anciennes lo- 
calités gauloises, ils doivent avoir servi de 
demeures aux prétresses druidiques, non 
moins vénérées que les druides eux-mêmes. 
Ces prêtresses, auxquelles les légendes accor- 
daient une puissance bienfaisante ou terrible, 
formaient, comme les druides, des espèces de 
communautés monastiques ou collèges et se 
liaient par des vœux de chasteté. Vêtues 
d'une robe noire, les cheveux épars, elles 
prenaient part aux cérémonies sanglantes et 
remplissaient elles-mêrnes les rites barbares. 

En résumé, ces sombres demeures nous 
reportent bien aux temps du fanatisme drui- 
dique dont les Contes de fées ont conservé, 
dans la naïveté des impressions populaires, 
les vagues et effrayants souvenirs. 



« 



CHAPITRE II. 



LA MT'îDECINE RELIGIEUSE (suite) : 
SAINTS PROTECTEURS ET GUÉRISSEURS. 




§ P"" — Les Voyageuses, 

m 

JOUR soulager leurs maux ou gué- 
rir d'une maladie, nos ancêtres 
avaient recours tantôt aux remèdes 
populaires, tantôt aux moyens em- 
piriques, ou encore aux secrets des sorciers. 
Dans nos campagnes, la guérison était 
surtout demandée aux saints. Pour ces naïfs 
croyants, la puissance divine disparaissait 
devant la puissance spéciale de guérir attribuée 
à chaque saint. On ne demandait pas son 
intercession, on invoquait son pouvoir ; et, 
bien souvent, Tinvocation n'allait pas au delà 



1 10 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

de la représentation matérielle du saint, elle 
s'adressait directement et uniquement au per- 
sonnage de bois ou de plâtre. 

Jusqu'à notre époque, cette tradition s'est 
conservée et la foi est surtout vive en temps 
d'épidémie. Certains saints sont l'objet de pè- 
lerinages très fréquentés ; la ferveur popu- 
laire les invoque en des prières et oraisons 
particulières, non seulement dans les cas de 
maladie, mais encore pour obtenir la pluie ou 
le beau temps, Téloignement de la grêle, la 
réussite d'une entreprise... 

Plusieurs de ces saints, aux noms plus ou 
moins apocr^^phes (saint Gall, saint Charbon, 
saint Mamard, saint Genou, saint Raboni, 
etc.) provoquent les maladies qui portent 
leur nom et les guérissent ensuite. 



* * 



Si Pon est atteint d'un mal de sainte on doit 
aller en pèlerinage (on dit : en voyage) dans 
l'église où se trouve le saint. Certaines églises 



ET DU PERCHE I T I 

de la Beaucc et du Perche possèdent des 
saints dont la réputation de guérir s'étend 
très loin. En dehors des pèlerinages à date 
fixe, on fait isolément des voyages auprès de ces 
saints : on fait brûler des cierges en son hon- 
neur ; on se fait dire des évangiles ; on touche 
le saint avec un objet que portera le malade ; 
on lui attache au cou, au bras, à la jambe, 
un ruban ; on fait des neuvaines . 

Le malade n'est pas tenu d'aller lui-même 
en voyage auprès du saint. Il existe des 
femmes qui font métier de voyager ; on les 
appelle d'ailleurs voyageuses. On les consulte 
d'abord sur le genre du mal et sur le saint 
qu'il faut invoquer. Expertes en la matière, 
elles indiquent la maladie et, dès le lendemain, 
se mettent en route. Elles désignent quel- 
quefois deux ou trois saints comme devant 
être invoqués : c'est alors deux ou trois 
voyages à accomplir en des lieux différents et 
parfois très éloignés. 

La voyageuse part de grand matin, à jeun 
et à pied ; elle prie au départ, elle prie en 
chemin, elle prie au terme du voyage, elle 
prie au retour, elle prie toujours. Elle em- 



112 FOLK LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

porte dans un panier >sa maigre pitance qu'elle 
ne doit manger qu'après avoir accompli au- 
près du saint tous les rites traditionnels. A 
son retour, elle rend son voyage, c'est-à-dire 
fait une dernière prière à la maison et prend 
généralement part au repas de la famille du 
malade. 

On prête aux voyageuses des vertus parti- 
culières ; leur renommée est grande. Bien 
des malades, qui pourraient eux-mêmes ac- 
complir le voyage, préfèrent s'adresser à 
elles. Ils croient que les voyageuses possèdent 
des pouvoirs particuliers, que leurs relations 
suivies avec les saints les rendent familières 
à ces derniers, en un mot qu'elles obtiennent 
plus sûrement la guérison. 




^ II. - Le Berceau de saint Biaise, 




•VANT de parler de nos contem- 
porains, nous jetterons un coup 
d'œil rétrospectif sur la vogue 
dont jouit, du XI® à la fin du 
XVIII<^ siècle, saint Biaise, guérisseur des 
aliénés. 

En ce temps-là, !es infortunés atteints d'a- 
liénation mentale n'avaient d'autre asile que 
ia prison où, dans un cachot obscur et in- 
fect, ils restaient jusqu'à leur mort, menottes 
aux mains et fers aux pieds. Ils étaient sou- 
vent considérés comme frappés par la colère 
divine et la science médicale, à l'état d'enfance 
sur ce point, n'essayait nullement d'opérer 
leur guérison. C'est pourquoi les parents de 
ces malheureux tentaient d'apitoyer Dieu sur 
leur sort. 

La grotte de saint Biaise de l'église de Saint- 

8 



114 FOLK-LORE DE LA REAUCE 

Maurice-lùs-Chartres était un lieu de pèle- 
rinage réputé par le grand nombre de guéri- 
sons obtenues. Dans la grotte se trouvait le 
Berceau de saint Biaise, sorte de couchette 
faite de fortes pièces de bois de chêne et 
garnie de ferrures servant à maintenir les 
aliénés furieux pendant la neuvaine accom- 
plie à leur intention par les membres de leur 
famille. Tout le pays chartrain et même les 
provinces limitrophes envoyaient là leurs 
malades. De telle sorte que la grotte devenant 
trop exiguë, un local, en dehors de l'église, 
fut aménagé aux mêmes fins, vers la fin du XV^ 
siècle. Deux siècles plus tard, on dut agrandir 
le local devenu insuffisant. Pendant la neuvai- 
ne, le malade ne devait pas quitter la grotte qui 
renfermait le Berceau de saint Biaise. Chaque 
jour, le chapelain disait la messe à son in- 
tention, récitait un évangile en lui posant son 
étole sur la tête ; sa famille communiait pour 
lui et versait son offrande dans le tronc de la 
chapelle. Une redevance de cinq sols par 
jour était due au chapelain pour la paille 
mise dans le Berceau. Les dons en nature, 
jambons, œufs, fruits, chandelles, filasse, de- 



ET DU PERCHE II5 



venaient aussi le profit du chapelain. Ces 
offrandes étaient nombreuses, car saint Biaise, 
suivant la naïve croyance de nos ancêtres, 
possédait, en outre, le pouvoir de guérir les 
maladies des enfants et celles des bestiaux. 



* 



Lorsqu'un cheval était malade, on le pro- 
menait autour de l'église et de la Grotte ; si le 
cheval guérissait peu de temps après cette 
promenade, son propriétaire clouait au-dessus 
de la porte de la Grotteun de ses fers en guise 
d'ex-voto, (i) 

(i) Cette coutume des ex-voto se retrouve assez 
fréquemment en France : à la porte de Téglise de 
Palada (Pyrénées-Orientales), à celle de la cathé- 
drale d'Embrun (Hautes- Alpes). (Bulletin monu- 
mental, t. 31, p. 87). 

Anciennement, il était d'usage dans la Beauce, 
lorsqu'un maréchal-ferrant s'installait dans une 
commune, qu'il clouât sur la porte de l'église des 
fers neufs, pour indiquer qu'il mettait ses travaux 
sous la protection divine. 



Il6 rOI.K-I.ORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

Aujourd'hui encore, dans nos campagnes, 
certains paysans ont plus de confiance dans 
les prières, dans les procédés empiriques, 
dans les recettes surannées d'un ancien ma- 
réchal que dans les connaissances scientifiques 
du vétérinaire. 

Saint Biaise fiit jusqu'à la Révolution Tob- 
jet d'un véritable culte en notre pays char- 
train où l'expression « avoir été mis dans le 
berceau de saint Biaise » était considérée 
comme une injure, un propos diffamatoire 
pour celui à qui elle était adressée 








§ III. — A Chartres. 

A. S. Morin a dresse la Statistique 
Hagiographique d'Eure-et-Loir ; 
nous profilerons du fruit de ses 
recherches sur cette matière , 
après les avoir toutefois expurgées de leurs 
commentaires et complétées par les rensei- 
gnements que nous avons personnellement 
recueillis. 




* 



Cathédrale. — l^ierge Noire 
ou Vierge de sous-terre. 

D'après les hagiographes chartrains, le 
culte de la Vierge Noire (dans la Crypte) 
remonte à plus d'un siècle avant la naissance 
de Jésus-Christ ; les Druides avaient élevé un 



Il8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

autel à la Vierge qui devait enfanter le Sau- 
veur du monde, Virgini pariturx. Elle fut 
toujours Tobjet d'un grand nombre de pèle- 
rinages. On lui attribue des guérisons por- 
tant sur toutes maladies. Elle est surtout in- 
voquée pour faire cesser la stérilité des 
femmes : plusieurs reines de France, parmi 
lesquelles Anne d'Autriche, sont venues en 
pèlerinage auprès de la Vierge Noire de 
Chartres. 



* * 



Le Puits des Saints-Forts. 

Dès le premier siècle de notre ère, le chris- 
tianisme se répandit sur toute la Gaule, fai- 
sant de nombreux adeptes. Mais tandis que 
le paganisme expirait sur presque tous les 
points du sol celtique, il se maintenait avec 
obstination chez les Carnutes attachés à leurs 
mœurs et à leur culte druidique. Vaincus, 
mais non soumis parles Romains, ils restaient 
les ennemis acharnés de tout ce qui venait 



ET DU PERCHE 119 



de Rome. Or, le christianisme, étant prcchc 
par des missionnaires romains, devait les 
trouver réfractaires à cette nouvelle religion. 
Aussi les premiers apôtres qui pénétrèrent 
dans le pays chartrain furent-ils massacrés. 
Ceux qui se convertirent au christianisme 
subirent le même sort. 

Le puits des Saiiils-Forls, situé dans la 
cr}'pte de la cathédrale de Chartres, aurait, 
suivant la tradition, reçu les cadavres des 
premiers martyrs chrétiens : de là son nom. 

En 858, un certain nombre de Chartrains, 
dont révêque Frotbold, furent égorgés par 
les Normands et jetés dans ce puits. De tout 
temps des malades vinrent en pèlerinage in- 
voquer les Saints-Forts et puiser de l'eau 
pour se guérir. Démoli et comblé vers 1850, 
Torifice était si habilement dissimulé sous de 
nouvelles constructions qu'on n'avait pu de- 
puis lors en retrouver l'emplacement. Des 
fouilles longues et difficultueuses faites au 
commencement de 1901 ont permis de re- 
trouver ce puits antique, dont l'histoire est 
associée à celle de nos plus loitaines origines. 



120 rOLK-LORE DE LA BEAUCE 



* * 



Dans un bas-côte de la cathédrale se trouve 
la Ficrge du Pilier, qui est l'objet d'un pèle- 
rinage des plus fréquentés de la chrétienté. 
Elle date du commencement du XVI« siècle. 
On l'appelle encore Notre-Dame du Pilier ou 
Notre-Dame de Chartres et même rierge Noire 
(comme celle de la crypte) à cause de son 
visage brun noirâtre. Son culte a éclipsé ce- 
lui de toutes les vierges de la contrée. On y 
amène des milliers d'enfants le 8 septembre. 
Une quantité de cierges brûlent chaque jour 
devant elle, et un chapelain se tient en per- 
manence pour dire des évangiles. Un nombre 
considérable d'ex-voto sont suspendus en 
guirlandes le long des murs ; tous les pèle- 
rins baisent le pilier qui supporte la Vierge. 
On invoque la Vierge du Pilier pour toutes 
les maladies. 



ET DU PERCHE 121 



* 

4: * 



Les malades — • mais en moins grand 
nombre — ont également recours à Notre- 
Dame de Pitié, à Notre-Dame des Sept-Doiikurs y 
placées dans des chapelles au bas du clocher 
neuf et du vieux clocher. 



* 
* * 



Sur le vitrail d'un bas-cote du chœur est 
représentée la Vierge que, pour cette raison, 
on appelle Notre-Dame de la Belle- Verrière. 
La couleur du vitrail lui a fait donner le nom 
de Vierge Bleue, Comme elle suggère de 
bonnes inspirations à ceux qui Tinvoquent, 
on la nomme Notre-Dame de Bon-Conseil. 
Enfin, comme elle accélère la maladie dans 
un sens ou dans Tautre, on l'appelle encore 
Notre-T)ame d'aller ou venir. 



122 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






Les principaux saints qui ont leur statue 
dans la cathédrale sont : 

Saint André, qui guérit de la coqueluche ; 

Saint Charbon, qui guérit du charbon ; 

Sainte Christine, qui guérit les maux de 
dents et préserve de la morsure des bêtes 
venimeuses ; 

Saint Clair, qui guérit la cécité et les maux 
d'yeux ; 

Saint Joseph, qui guérit les maux de jambes ; 

Sainte Venice et sainte Véronique, qui sont 
invoquées par les femmes pour les indispo- 
sitions auxquelles elles sont sujettes. Sainte 
Venice a eu sa statue et son culte à l'église 
Notre-Dame de Nogent-le-Rotrou, et à Ceton, 
dans l'Orne, sur les confins d'Eure-et-Loir. 

La cathédrale possède les reliques de saint 
Plat et de saint Taurin : le premier de ces 
saints procure du beau temps ; le second 
donne la pluie. 



ET DU PERCHE 12^ 



* 



On invoque à Téglise Saint-Pierre : 
Saint Marcow, contre les écrouelles ; 
Saint SolènCt contre les douleurs rhumatis- 
males. 



* 



On va à l'église Saint-Brice invoquer le 
saint patron qui fait parler les enfants. On 
fait bénir une brioche dont l'enfant mange 
pendant les neuf jours de la neuvaine. 



* 

* * 



La chapelle de Saint-Jclien possùde douze 
statues de saints : 

Sainte Catherine de Sienne guérit les maux 
de jambes et les maux de sang ; 



124 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Saint Maur^ les douleurs rhumatismales et 
le croup ; 

Saint V vain y les enfants en langueur ; 
Saint Eutropc, l'hydropisie ; 
Saint André, les rhumes ; 
Saint Jean- Baptiste, le feu de Saint-Jean ; 
Sainte ApolVme, les maux de dents ; 
Saint Antoine^ le feu de Saint Antoine ; 
Saint EvrouU., les fleurs de Saint-Evroult ; 
Saint ////;^;/, le feu de Saint-Julien ; 
Sainte Radec^oudc, les dartres ; 
Saint Joseph, tous les maux. 



* * 



Danslachapcllede I'Hôtel-Dieu se trouvent 
les Jers de saint Léonard (on dit à la cam- 
pagne : saint Liénard), qui servent à faire 
marcher les enfants. Cest une tringle de fer, 
cylindrique, d'un mùtre de longueur environ, 
dans laquelle sont engagés et glissent libre- 
ment quatre anneaux de fers. Le 9 mai, beau- 
coup de femmes de la campagne amènent 



ET DU PERCHE 12 



leurs petits enfants à la messe qui est célébrée 
ce jour-là dans la chapelle. On passe les 
jambes et les bras de Tenfant dans les anneaux, 
on fait brûler un cierge devant le saint et on 
fait dire un évangile pour Tenfant. Cette 
coutume superstitieuse n'est respectable que 
par son ancienneté. Elle se pratiquait bien 
avant le XVII® siècle, puisque J.-B. Thiers, 
le savant théologien, l'ennemi des supersti- 
tions, la signale à peu près en ces termes : 
« Faisant allusion à son nom — allusion 
aussi naïve que ridicule - on dit que saint 
Liénard lie ou délie. A cet effet, les personnes 
affligées de certaines maladies de langueur 
se font dire des évangiles de saint Liénard, 
afin de guérir ou mourir bientôt. Dans 
Téglise de Mellerai, près de Montmirail, il y 
avait autrefois une chaîne de fer attachée à 
la muraille près d'un autel de saint Liénard, 
avec laquelle on attachait les personnes pen- 
• dant qu'on leur disait les évangiles de saint 
Liénard. Les prêtres de cette église se trou- 
vaient bien de cette dévotion, parce qu'elle 
leur attirait quantité d'évangiles et de messes 
qu'on leur faisait dire, et dont ils étaient fort 



126 FOI.K-LORE DE LA BKAUCE ET DU PERCHE 

bien payés. Ils s'épargnaient volontiers la 
peine d'examiner et de consulter si cette 
pratique était superstitieuse. Il fallut Tinter- 
vention d'un de leurs amis, plus éclairé, pour 
les retirer de cette erreur et pour en désabu- 
ser le peuple, en enlevant la chaîne de 
l'église. » 











§ IV. — Dans la Beauce et dans le Perche. 




oici, pour le département d'Eure- 
et-Loir, les différentes localités 
où les saints ont une réputation 
solidement établie : 



,y4Uonîîes : 

Saint Sulpice guérit maux de sang et maux 
de jambes. 

Anet a les reliques de saint Lathuiu (ou 
Laifj) qui, jusqu'aux invasions normandes, 
appartint à Séez. 



Arcrenvilliers : 



Saint Antoine guérit de la peur et des feux 
de saint Antoine. 



128 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Anneau : 

Saint Maur guérit les douleurs et les 
rliumatismes (cf. Culte des Fontaines). 



* 



Baicrnolet : 



i> 



Sainte Sébastienne guérit les maladies épi- 
démiques et contagieuses. 

Beaunwnt'ks-Auteîs : 

Sainte Apolline guérit les maux de dents ; 
saint Julien, les feux de saint Jean ; saint 
GourgoUy les fraîcheurs et les rhumatismes. 

BoisviUe-la-Saint'Père : 

Saint Laurent guérit les maux de jambes 
et les fleurs de saint Laurent. 



ET DU PERCHE I29 



Bonnevnl : 

Saint Gilles guérit de la peur. Il fraternise 
avec saint Leu, comme l'atteste ce vieux 
dicton local : 

Saint Gilles et saint Leu 
Guérissent de la peu'. 

*Brou : 

Saint f^nhin guérit les maux de jambes ; 
sainte Claire^ les maux d'yeux ; sainte Félicité, 
diverses maladies. 

Bruxelles : 

Saint Gilles et saint Julien auxquels on 
s'adresse simultanément pour les enfants. 






Champhol : 



Saint DeUis guérit de la rage. 



130 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Champrond-en-Gâtine : 

Saint Sauveur donne la pluie (Cf. Culte des 
Fontaines). 

J.-B. Thiers combat, avec un zèle digne 
d'un meilleur résultat, les différentes pratiques 
superstitieuses de son époque. Il constate que 
les évangiles que les gens se font dire, avec 
Tétole du prêtre posée sur la tête, est une pra- 
tique tolérée par l'Eglise sans figurer cepen- 
dant dans aucun missel ni rituel ; mais il 
condamne, en la relatant, la coutume étrange 
suivante. Jadis, dans les environs de Cham- 
prond, les gens atteints de la gale se faisaient 
dire un évangile de saint Fiacre en tenant à 
la main une chandelle éteinte. Ils agissaient 
ainsi dans la pensée que, si la chandelle était 
allumée, la gale s'allumerait davantage. 
D'autres croyaient que tels jours, telles heures 
seulement étaient propices à la guérison et 
que, pendant la cérémonie, il fallait se tenir 
le menton dans la main droite, ou encore te- 
nir le pied droit élevé. 



ET DU PERCHE I3I 



Charray : 
Saint Marcou guérit les écrouelles. 

Chassant : 

Saint Lubin jouit ici d'un crédit beaucoup 
plus grand qu'à Brou. Aux deux jours de 
fête annuelle (Commémoration de la Mort 
du saint et Translation de ses Reliques) 
plusieurs prêtres sont occupés, pendant toute 
la matinée, à dire des évangiles pour les 
pèlerins. Autrefois, relate J.-B. Thiers, on 
avait l'habitude de faire dire des évangiles 
de saint Lubin sur un autel pour des per- 
sonnes absentes ; dans ce cas, le prêtre met- 
tait le bout de l'étole sur l'autel. C'est assez 
prouver que les prêtres qui disaient ces évan- 
giles, n'étaient ni plus éclairés, ni plus religieux 
que les personnes qui les leur faisaient dire. 
Saint Gourgon et saint Lubin, guérissent les 
douleurs. 



132 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



ChâtelUers^N^'D, {Les) : 

Notre-Dame guérit les maladies des enfants ; 

sainte D^esme^ les maux de tête. 



Cbuisnes : 

Saint Sanctin guérit de la gale. (C/. chap. I^ 
§ II : Culte des Fontames.) Les malades 
enfoncent des épingles dans la statue du 
saint pour fixer le mal. 

Combres : 

Saint Antoine guérit de la peur et, par 
surcroît, les maladies des porcs. On va 
beaucoup en pèlerinage à Combres, non seu- 
lement à saint Antoine, mais aussi à saint 
Julien, (éruptions) à saint Roch, (peste) à 
saint Loup, à saint Arnoult, à saint Vrain» 
(convulsions) à saint Laurents, (mal de dents 
des garçons), à sainte Apolline j (filles), i 
saint Maur, (douleurs), à samt Marcou, 
(ccroucllcs). 



ET DU PERCHE I33 



Corancei : 

Saint Biaise guérit les maladies des enfants ; 
saint Laurent guérit les maux de dents et 
favorise la dentition chez les enfants. 

Coudray (^Le^y près Chartres : 

Saint Julien guérit des dartres, du mal de 
saint Evroult et des fleurs de saint Julien. 

Coudreceau : 

Le 3 février, grand pèlerinage à saint 
Biaise, qui guérit les maladies des bestiaux. 
Dans la chapelle du château de Morissure, 
saint Antoine guérit les enfants de la peur. 

Coulombs : 

Au moyen âge, les moines de l'abbaye de 
Coulombs s'enorgueillissaient de posséder 
le saint Prépuce de Notre-Seigneur, qui 
rendait fécondes les femmes stériles et 



134 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

procurait d'heureux accouchements. La dé- 
votion à cette relique a heureusement dis- 
paru, de môme que le culte autrefois rendu 
à la Lartt{e du Christ, au Lait de la Vierge^ etc. 

Courbehaye : 
Sainte Colombe guérit des fièvres. 

Croix du Perche (La) : 

Saint Biaise empêche les vaches d'avorter. 
La personne qui vient l'invoquer, doit être à 
jeun. 






Dampierre-souS'Brou : 



Saint Maur guérit des douleurs et fait 
cesser la stérilité des femmes. 



Dreux : 
Pèlerinage à saint Gilles contre la peur. 



ET DU PERCHE I35 



* 
* * 



Favril (JLe) : 
Saint Evroult contre le mal de ce nom. 

Fouiaine-la-Guyon : 

La fête de saint Gourgon, le 9 septembre, 
est très fréquentée des pèlerins. On vient 
à saint Gourgon pour un grand nombre 
de maladies, mais spécialement pour la 
gale. Les malades doivent passer sous la 
châsse pour obtenir la guérison. Ils vont 
ensuite au cimetière faire leur prière et 
déposer une épingle sur un des bras de 
la croix qui est en fer. Cet acte a pour 
but de fixer le mal qui est censé déposé sur la 
croix et par conséquent enlevé à celui qui en 
souffrait. 

Dans la même localité, saint Ambroise gaé- 
rit des fièvres, de la gale et rend fécondes 



13e FOLK-LORE DE LA BKAUCE 

les femines stériles. Là encore, les pèlerins 
enfoncent des épingles dans les portes de la 
chapelle pour j^.xTr h mal, 

Foniaim-Sîmon : 

Pèlerinage à sainte Anne. (Cf, chap. I, § II : 
Culte des Fontaines.) 

Fontenay-sur-Eure : 

Saint Eulrope guérit de Thydropisie et saint 
Vrain les enfants en langueur ou atteints de 
la coqueluche. 

Fontenay-sur-Conh : 

On va en pèlerinage à l'église pour avoir 
de la pluie. 

Francoiirville : 
Saint Fiacre guérit la dysenterie. 

Fra:{è : 

Saint Mamcrs guérit la colique ; saint Leu 
et saint Gilles^ les convulsions. 



ET DU PERCHE I37 



Fresfiay-le-Comte : 

Pèlerinage à saint Eutrope, qui guérit des 
enflures et protège les enfants. 



Frétigny : 
Saint André guérit de la toux. 

Friai^e : 

Saint Bhise est très en renom pour la 
guérison des bestiaux. La personne qui 
vient l'invoquer doit être à jeun. Vers 
1850, toutes les communes avoisinantes of- 
fraient à ce saint le beurre fait avec le pre- 
mier lait des génisses. Chaque dimanche, à 
l'issue de l'office, ce beurre était vendu à 
l'encan, et le produit employé au paiement 
des messes dites, dans le cours de l'année, 
pour la conservation des bestiaux. 



138 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



* 



Gallardon : 
Saint Mathieu guérit les enfants en langueur. 

Gaudaine {La) : 

Saint Mammès a le pouvoir d'empêcher les 
enfants de crier. On l'appelle saint Criard^ 
et c'est sous ce nom populaire qu'il était 
autrefois connu dans la contrée. 

Il y a également un saint Criard dans les 
églises de Ceton et de Coulotiges (Orne). Dans 
cette dernière localité, les nourrices font 
toucher à la statue du saint une chemise que 
l'enfant doit porter pendant huit jours. 



* 



Happonvilliers : 

Saint Biaise a ici les mêmes prérogatives 
qu'à Friaixe. Le jour de la fête du saint, 



ET DU PERCHE 139 



on orne sa statue de branches de laurier : 
les pèlerins en détachent chacun une feuille 
qu'ils déposent dans un baquet plein d'eau, 
et ils font boire cette eau à leurs bestiaux, 
pour lesquels elle sert de préservatif contre 
toutes sortes de maux. 

Houx : 

Tous les ans, le jour de la Pentecôte, il 
y a un pèlerinage au hameau de Villeneuve, 
dans la chapelle dite de saint Manier i qui gué- 
rit de la colique. 

Illiers : 



Saint Marcou guérit des écrouelles. 



* 
* * 



La Loupe : 

S'il faut en croire la vieille tradition 
suivante, en ce temps-là, saint Thibault 
(autrefois seigneur de la Loupe, aujourd'hui 



140 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

son patron) et saint Eliph (seigneur d'un 
village voisin) vivaient en mauvaise intelli- 
gence : 

Un j our, en revenant de la Loupe , saint El iph 
entra dans le parc dont saint Thibault était 
propriétaire, pour y prendre quelques fraises. 
Ce dernier le surprit et lui trancha la tcte 
d'un coup de sabre. Comme saint Denis, 
saint Eliph reçut sa tête dans ses mains et la 
porta jurqu'à son village. Apres ce miracle, 
saint Eliph fut béatifié et les habitants du 
village le prirent pour patron. 

Est-ce à cause de cet acte cruel que saint 
TViibault ne jouit dans la contrée d'aucune cé- 
lébrité? Cependant quelques pèlerins viennent 
l'invoquer contre les feuyi qui portent son 
nom. 

• II y a un demi-siècle, Leroux de Lincy écri- 
vait : « Saint Thibault de La Loupe qui ne 
maudit n'y n'absout (^/V). » D'après lui, on 
dit dans la contrée de ceux qui ne peuvent 
faire ni bien ni mal : <s Ils sont comme saint 
Thibault de la Loupe, ils ne maudissent n'y 
n'absoudent. » 



ET DU PERCHE I4I 



Lèves : 

Pèlerinage le vendredi qui précède le 
dimanche de la Passion à Saint Lazare qui 
guérit de la rage, des rhumatismes et fait 
parler et marcher les petits enfants. 

Dans la même localité, on invoque saint 
Gilles qui guérit de la peur. Sa statue est 
placée dans une niche d'un mur de la ferme 
du Bois-de-Lèves. On noue des rubans aux 
barreaux de la grille de la niche. 

Levéville-la-Chenard : 

On conduit à l'église les enfants qui ont le 
carreau (ventre ballonné). 

Loiiville-la-Chctiârd : 

Saint Pie, dont la châsse est dans l'église, 
guérit des maux de tète. 

Lîicé : 

Saint Pantalcon donne du lait aux nourrices 
(Cf. III« partie, chap. I®^, § V : Les Nourrices). 



142 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Il préserve, en outre, des couleuvres tout le 
territoire de sa paroisse. 

Luisant : 

Saint Gilles guérit de la peur. 

A Bonneval, on associe saint Gilles et saint 
Leu ; à Luisant, pour que la guérison soit 
complète, il faut invoquer : saint Gilles^ dans 
la paroisse ; saint Loup et saint A moult , aux 
villages qui portent ces noms. Luisant pos- 
sède aussi saint Fiacre, qui guérit les enfants 
affligés d'une descente de rectum. 

Liimcaii : 
Saint Loup guérit de la peur. 

Lîtplanlé : 

Sainte Philomène guérit les maladies des 
enfants. 






MaintenoH : 
Saint Marner t guérit de la colique. 



ET DU PERCHE I43 



Mainvilliers : 

On va dans cette commune à Toratoire 
de la Vierge des Vaux-Roux qui guérit par- 
ticulièrement les fièvres. (Lors du service 
septénaire, elle faisait obtenir de bons nu- 
méros aux jeunes conscrits). Les fiévreux 
attachent des rubans aux barreaux de la 
grille pour fixer le mal. 

Marchéville : 

Saint Biaise a les mêmes prérogatives qu'à 
Friaiie ; sainte Barhe préserve de la grêle et 
de la foudre. 

Margon : 
Saint Gilles guérit les maladies des enfants. 

Marolles : 

Sainte Barbe guérit de la fièvre 

Après les prières d'usage et la cérémonie 
de l'évangile, les pèlerins accomplissent la 
pratique superstitieuse suivante : ils grattent 



144 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

avec un couteau le mur de la chapelle, mêlent 
dans un verre d'eau la poussière ainsi obte- 
nue, et boivent cette potion pour se guérir 
de la fièvre. 

Méréglise : 

Sainte Corneille guérit les enfants du mal 
bleu qui leur fait pousser des cris de corneille 
(c'est l'angine couenneuse). 

Meslay-h'Grenel : 

Pèlerinage très fréquente à saint Biaise, 
pour la conservation des bestiaux. 

M i^ ni ères : 

t 

Grande affluencc de pèlerins chaque année, 
les 22 mai et 22 octobre, à la chapelle des 
Trois-Maricy classée colnmc monument his- 
torique pour sa peinture murale. Les Trois- 
Marie guérissent des fièvres, de la colique 
et d'une foule d'autres maux. 

La chapelle a deux entrées ; or, d'après 
une ancienne légende, les deux portes ne 



ET DU PERCHE I45 

pouvaient se fermer en même temps : l'une 
restait ouverte pendant que l'autre se fermait, 
et cela forcément, par suite d'une puissance 
occulte. Aujourd'hui, les deux ' portes se 
ferment bien simultanéniënt, et le bedeau en a 
les clefs. 

Mittainvilliers : 

On va à Téglise pour faire marcher les 
petits enfants. 

Moinville-la-Jeulin : 
Saint ^an guérit les panaris. 

Moutainville : 

Pèlerinage, le 27 septembre, à saint Côine 
et saint Datnien qui guérissent des hémor- 
rhoïdes, 

Montharville : 

Pèlerinage, le 8 septembre, à saint Vrain 
qui guérit les enfants du mal de ce nom. 
On dit qu'ils sont attachés du bon saint Vrain; 
ils portent, jusqu'à sept ans, un cordon violet, 
que l'on a fait bénir. 

10 



14^ FOLK-LORB DE LA BEAUCE 



Montlgny-'le^Chartif : 

Pèlerinage à saint Lié et à saint Délié. Ce 
dernier délie les nerfs; on l'invoque pour les 
enfants noués. On retrouve, au Perche, ces 
mêmes saints, sous les noms de saint Féli 
(Félix) et saint ï)éli. 

Montigny-le-Gannelon : 

Sainte Félicité et sainte Thilomène attirent, 
en cette localité, nombre de pèlerins qui 
viennent demander la guérison des maladies 
des enfants : la peur, les maux de dents, etc. 

Montlouet : 

Saint Léonard, appelé vulgairement saint 
Fort, fortifie les enfants. 

Morancei : 

Saint Germain guérit la colique chez les 
enfants. 

Moriers : 

Saint Antoine guérit les feux dç Saint- 
Antoine,et sainte Anne les boutons de Sainte- 
Anne. 



ET pu PERCHE 147 



MoUflhard : 
Saint Marcou guérit les écrouelles. 






Nogent'le-Roirou : 

L*église Notre-Dame possédait atitrefois 
sainte Venke (Cf. 11^ partie, chap. II, § Ht : 
Cathédrale). A Téglise Saint-Laurent, sont 
invoqués saint Gilles^ dit saint Criard ; sainte 
ApollinCy contre les maux de dents ; saint Féli 
et saint Déli, pour les enfants noués ; le pa- 
tron, saint Laurent, guérit la colique et les 
maux de dents. Dans Tancienne église ab- 
batiale de Saint-Denis, saint Boudard et saint 
Criard guérissaient autrefois^ chez les enfants, 
les deux défauts représentés par les statues. 

NonvilliçxS'Gfandhoux : 

Dans l'église pa^oissi^le^sairxt ÇçurgângULé- 
rit les douleurs et saint André» la coqueluche. 



14^ FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Dans l'église de Grandhoux, saint Julien est 
invoqué contre les convulsions des enfants. 

Orgères : 

Saint Vraitî guérit chez les enfants le mal 
de Saint- Vrain. 

Orrouer : 

Saint Evroult guérit du mal et des fleurs de 
Saint-Evroult. 

Ouarvïlle : 

Le i^"* dimanche de mai, les mères font 
passer, sous la châsse, leurs petits enfants, 
pour les faire marcher. 






Féiyt 

Saint taurin donne de la pluie; saint 
Biaise guérit les bestiaux. 



ET DU PERCHE I49 



Pré-Saint'EvrouU : 

Lieu de pèlerinage très fréquenté pour 
guérir du mal et des fleurs de Saint-Evroult, 
chose vague qui comprend : eczémas, fu- 
roncles, pustules, dartres, tumeurs blanches, 
etc. Saint Evroult est un de ces saints qui sont 
à la fois dispensateurs et guérisseurs de la 
maladie qui porte leur nom. Chaque année, 
le dimanche précédant la fête de l'Ascension, 
des milliers de pèlerins, formant la popula- 
tion rurale la moins éclairée, viennent in- 
voquer saint Evroult. Le jeûne, la marche 
du voyage, le changement de régime, et la 
foi aidant, des guérisons sont opérées^ dont 
le saint bénéficie. 

Du canton de Voves, on va à SainUÊvroult 
pour guérir à la fois des fleurs du dit saint, 
itsfeux de saint Antoine et des boutons de sainte 
Anne ; mais il faut passer par l'église de Mo- 
riers. D'autres personnes croient que, pour 
guérir sûrement, il faut invoquer successive- 
ment : saint £vrow//,àPré-Saînt-Evroult, saint 
Julien, au Coudray, près Chartres, et saint 
Arnoulty à Saint-Arnoult-des-Bois. 



t50 FOLK-LÔRE DE LA BEAUCE 



Réclainvitle 



Saint PieîTf guérit divers maux. 



* 



Saivt'Aruotilt-deS'Bois : 

Le i8 juillet, pèlerinage pour la guérison 
des fleurs de Saint-Evroult. Le 26 juillet, 
pèlerinage à saint Aune qui guérit des fièvres. 

Saint-Avit (prts d'Illiers) : 

Pèlerinage à La Croix, près d'Eguilly, pour 
invoquer sainte Mahile(Cï. Culte des Fontaines), 

ê 

Saint'Cloud : 
Saint Cloud guérit les clous ou furoncles. 

Saifît-Dems-d'Authou ' 



Saint Cyr et saint Laurent guérissent des 
coliques. Les femmes enceintes vont en pèle- 
rinage à la Chapelle de Sainte-Délivrance, 



ET DU PERCHE I51 



Saînt'DeniS'deS'Puits : 

Saint Denis, au fond d'un puits très pro- 
fond, guérit de la rage (Cf. § II, Cnlle des 
Fojiitdnes). 

Saint'Eliph : 

Notre-Dame guérit douleurs et blessures 
(Cf. Culte des Fonîahies). 

Saint'Etnan : 

Pèlerinages nombreux à saint Eman qui 
donne la pluie (Cf. Culte des Fontaines^. 
Autre pèlerinage, le 30 avril, à saint Eulrope 
qui guérit de Thydropisie. Avant de partir 
en pèlerinage, le malade doit prendre un 
écheveau de fil et se le passer trois fois au- 
tour du cou et le long du corps, de haut en 
bas. Il doit avoir soin de ne pas faire par- 
courir au fil la direction inverse : cette erreur 
ferait remonter le mal. Il se fait dire un évan- 
gile à saint Eutrope et trempe, dans la fon- 
taine de saint Eman, un ruban qu'il porte 
pendant neuf jours. 



152 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Saint'Jean-PierrC'Fixte : 

Les 23 et 24 juin, grande affluence de 
pèlerins auprès de saint Jean-'Baptisie et à la 
fontaine (Cf. Culte des Fontaines). On in- 
voque, dans la même église, sainte Christine, 
pour les enfants noués. 

Saint-Loup : 

Saint Loup et saint Gilles guérissent de 
la peur. Dans la chapelle de la Bourdinièrey 
saint Jean-Baptiste est invoqué pour les 
bestiaux. 

Saint'Luperce : 

Saint Luperce fait marcher les enfants (Cf. 
Culte des Fontaines). 

Saint- Maur : 

Saint Maur guérit des douleurs. Pèle- 
rinage le 15 janvier. 

Saint-Prest : 

Saint Prest est invoqué pour les maladies 
des enfants. (Cf. Culte des Fontaines.) 



ET DU PERCHE I53 



Saint-Victor-de-Buthon : 
Saint Gï7/« guérit de la rage et de la peur. 



* 



Sandarville : 

Saint Jouvin guérit les enfants atteints 
de hernies. Certains pèlerins superstitieux 
complètent les cérémonies religieuses par 
la coutume suivante : ils enterrent un œuf 
sur la fosse d'un garçon : quand l'œuf est 
pourri, le malade est guéri. 

Santeuil : 

Pèlerinages à sainte Philomène et à saint 
Gilles pour les convulsions, la peur, etc., 
chez les enfants. 

Senantes : 

Sainte Geneviève guérit des fièvres (Cf. 
Culte des Foniaives), 



154 folk-lOKe de la beauce 

Senonches : 
Saint Cyr fait marcher les enfants. 

Soi':(^é : 

Certains paysans viennent invoquer saint 
Gilles et lui mettent des rubans pour 
obtenir une bonne venue en faveur des petits 
cochons. 

Souancc : 

Saint Georges^ patron de la fontaine (Cf. 
Culte des Fontaines). 

S ours : 

Saint Germain est invoqué pour les 
enfants 



* 



Theuville : 



Saint Ouen guérit de la surdité. 



ET DU PERCHE I55 



ThieuHn {Le) : 

Saint Fiacre est invoqué pour obtenir des 
enfants mâles. 



Thiron : 

Saint Evrouli guérit les Fleurs de saint 
Evroult, les convulsions des enfants et les 
maladies des moutons. On amène les mou- 
tons, dans l'église même, le premier ven- 
dredi de carême. A Tautel de tous les saints, 
on invoque saint Antoine pour les maladies 
des bestiaux. 

JThivars : 



Sainte Radegonde guérit des dartres. 



Vaupillon : 

La chapelle de ssâni Hubert, bâtie en 1630, 
a été consacrée à ce saint, auquel on se 
recon^.mandait contre les loups enragés, très 
nombreux, à cette époque, dans la contrée. 



156 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Ver-lès-Chartres : 

Saint Viciur et saint Caprais, patrons de 
fontaines autrefois réputées, sont aujourd'hui 
bien délaissés (Cf. Culte des Fontaines^. 

Villars : 

Saint Biaise guérit les tranchées des 
chevaux. 

VUkfteuve-Saint-Nicolas : 
Saint Maur guérit des douleurs. 

Villiers-Saint-Orien : 

Sainte Christine fait parler les enfants. On 
fait bénir une brioche, dont l'enfant mange 
pendant les neuf jours de la neuvaine. 

Villehon : 

Saint Jean- Baptiste est invoqué pour les 
agneaux. 

Voves : 
Sainte Philomène guérit les maux de tête. 



ET DU PERCHE IJ7 



Yèvres : 

Sainte Claire guérit les maux d'yeux ; saint 
Co«5/a«/ guérit delà fièvre. La fontaine de 
la Boêche lui a été dédiée (Cf. Culte des 
Fontaines). 



* 



Dans la région percheronne de l'Orne, 
voisine d'Eure-et-Loir, on va en voyage : 
• A Condeau^ au bon saint Gilles qui guérit 
les convulsions chez les enfants et Tépilepsie 
chez les adultes ; 

A Saint' Agnan-sur-Erre^ pour la riffle des 
enfants et les maladies de peau en général ; 

A Saint'Germain-deS'GroiSy à Saint-Quentin- 
le-Petit (réuni à Noce), à Saint-Pierre La- 
Bruyère : on se rend dans ces localités, le 
3 février, jour de saint Biaise ; une messe y 
est dite à l'intention des bestiaux delà ferme. 
Après la messe, les fervents se font dire un 
évangile, à la même intention. 



I 58 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

A Saint'Germain-des-Grois, il existait au- 
trefois un bâton de saint Biaise (sorte de bâton 
surmonté d'une châsse). Chaque famille te- 
nait à honneur d'avoir, au moins pendant 
une année, la garde de ce précieux bâton qui 
portait bonheur ; le jour de la fête parois- 
siale, cette famille offrait le pain bénit à 
Téglise. Il y a environ un demi-siècle, un 
brave Percheron, possesseur du précieux 
talisman, le rendit à son curé, avant l'expi- 
ration de Tannée, en disant qu'il n'en vou- 
lait plus, attendu qu'il avait laissé crever son 
viau. Depuis lors, le bâton fut moins re- 
cherché et la coutume finit par disparaître. 

Il existait autrefois, — jouissant du même 
privilège et des mêmes honneurs — à Con- 
deaUy le bâton de saint Gilles y et à Verrières, 
le bâton de sainte Barbe, 



% 



CHAPITRE III 



LA MÉDECINE EMPIRIQUE : 

REBOUTEURS *, PANSEUX DE SECRET ; 
REMÈDES POPULAIRES. 

§ I. — Rebotitetirs, RenoueurSy Rhabilleurs. 

ous avons vu, dans les deux pré- 
cédents chapitres, nombre de 
préjugés, mêlés à la foi reli- 
gieuse, dont la pratique est telle- 
ment enracinée depuis des siècles, qu'elle 
subsiste toujours, quoique cependant à un 
degré moindre. Ce chapitre de la Médecine 
Empirique est la transition naturelle qui nous 
conduira à la Sorcellerie. 

Il ya, dans l'esprit aveuglément crédule de 
certains paysans, une couche d'ignorance, 
un fonds de superstition, l'attrait du merveil- 




l60 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

leux, l'espoir d'une intervention surhumaine, 
et même un peu d'avarice, qui les font, 
pour obtenir la guérison, s'adresser à tout, 
choses, reliques et gens, plutôt qu'au méde- 
cin. Il existe, pour eux, une réelle affinité 
entre le toucheur^ au secret duquel ils font ap- 
pel, le sorcier^ dont la puissance occulte les 
effraie, et le saint qu'ils invoquent, parce que 
telle circonstance de sa vie et la consonnance 
de son nom offrent quelque rapport avec la 
maladie : saint Raboni, saint Aignan (saint 
Teignan), saint Genou, saint Eutrope. 

N'ont-ils pas,chacun,(toucheur, sorcier ou 
saint) une spécialité médicale ? Ne possèdent- 
ils pas, avec le pouvoir de les guérir, le don 
de provoquer les maladies ? Les Gaulois n'a- 
vaient-ils pas déjà les sorciers médecins^ et les 
sources dédiées aux dieux guérisseurs ? C'est 
donc par pur atavisme que ces compatriotes 
attardés conservent leur confiance aux em- 
piriques et aux panacées qui doivent les gué- 
rir ou les préserver de toute maladie. 



ET DU PERCHE l6l 



* 



Tous ces charlatans, sans aucun savoir, 
mais avec beaucoup de savoir-faire, étaient 
possesseurs de secrets ou de recettes de famille 
qui se transmettaient de père en fils. Parmi les 
Rebouteurs, Renoueurs, et RhahiUeurs de notre 
contrée, les membres de la famille Goupil, 
d'Alluyes (E.-et-L.), ont eu, au siècle der- 
nier, une célébrité que n'a jamais atteinte au- 
cun chirurgien. Ils déboitaient, remboitaient, 
disloquaient les membres avec une habileté, 
qui n'avait d'égale que la confiance des pa- 
tients . Dès leur jeunesse, les enfants Goupil 
(garçons et fille) venaient en aide à leur père 
dans les opérations que ce dernier effectuait. 
Ils s'initiaient ainsi à Vart qu'ils devaient plus 
tard exercer en d'autres localités. 

A la moindre luxation, à la moindre fou- 
lure, on courait chez Goupil qui, dans un 
simulacre d'importante opération, déboitait 
et remboitait le membre luxé ou foulé. Le 
public, trompé par ces vaines et doulou- 

II 



l62 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

reuscs prouesses, chantait ses louanges, van- 
tait son adresse et revenait le trouver dans 
les cas plus graves. Alors, la pratique et le 
hasard aidant, des cures étaient obtenues ; 
mais combien de malheureux sont sortis es- 
tropies de ses mains ? On cachait ces acci- 
dents qui, lorsqu'ils étaient connus, tour- 
naient encore à la gloire de l'opérateur : la 
cassure était trop profonde, telle aggravation, 
impossible à prévoir, était survenue, le ma- 
lade était venu trop tard, un véritable chi- 
rurgien n'eût pu faire mieux ! 

Malgré sa grande réputation, la famille 
Goupil ne possédait pas le monopole exclu- 
sif du rhabillage : dans la Bcauce, les maré- 
chaux- ferrants et les bergers ; dans le Perche, 
les tisserands se livraient à cette fantaisiste 
et dangereuse spécialité. A Chartres, ainsi 
que dans beaucoup d'autres villes, le bour- 
reau (!) exerçait clandestinement le métier 
de rebouteur: il vendait de la oraîsse hu- 
ma'inc : c'était, disait-on, un remède souve- 
rain contre les douleurs articulaires et sur- 
tout contre le lumbago. 



^^^^t^^^^ 




§ IL — Toucheurs : Marcous. 

lA croyance populaire prête à cer- 
tains hommes le privilège de gué- 
rir des maladies, (écrouelles, en- 
torses, dartres, etc.) soit par leur 
contact, soit par des paroles secrètes, accom- 
pagnées de signes cabalistiques ; ce sont les 
guérisseuXy les toucheux, les panseux de secret. 
Parmi ces esculapes d'occasion, les uns 
pansent du velin (venin) ; les autres pansent 
des dartres ; du résipère (érésipèle) ; du mal 
d'écharpe; etc., etc. Panser, dans toutes ces 
expressions, a la valeur de guérir^ traiter. 
Les uns emploient une médication composée 
de drogues quelconques ; les autres se con- 
tentent de signes et de paroles magiques ; 
d'autres enfin pratiquent l'une et l'autre de 
ces deux méthodes. Presque tous se sont 
imposés à la crédulité publique par leur 
audace ; quelques-uns seulement tiennent 



l64 FOLJ^-LORE DE LA BEAUCE 

leur prérogative des circonstances de leur 
naissance : ce sont les Marcous, 

Les Marcous exercent leur petite industrie 
depuis plusieurs siècles. J.-B. Thiers les 
tient comme suspects de magie et condamne 
leurs procédés. • « Plusieurs, dit-il, croient 
qu'en France, les septièmes garçons nés de 
légitimes mariages, sans que la suite ait été 
interrompue par la naissance d'une fille, 
peuvent guérir des fièvres tierces, des fièvres 
quartes et môme des écrouelles, après avoir 
jeûné trois ou neuf jours avant de toucher 
les malades. » 

Le nom de Marcou vient de ce que saint 
Marcou est célèbre par sa spécialité de guérir 
les écrouelles. 

Les rois de France ont joui, de temps im- 
mémorial, de la faculté de guérir, par leur 
attouchement, cette maladie d'humeurs acri- 
monieuses. N'ayant pas à leur disposition le 
doigt d'un souverain, les Beaucerons et les 
Percherons se contentaient di un Marcou. 



ET DU PERCHE 165 



* 



Nous ne savons ce qu'est devenu le marcou 
Octave Delafoy, de Réclainville (E.-et-L.), 
que nous avons connu, en notre jeune âge ; 
peut-être exerce-t-'û encore son lucratif mé- 
tier en quelque coin de la Beauce ? En dehors 
du régime qu'il imposait à ses malades, il 
faisait,lui-même, dans certains cas, un voyage 
auprès du marcou de Mignières qui était alors 
le doyen des Marcous de la région et, à ce 
titre, possédait certains avantages sur ses con- 
frères, plus jeunes que lui. Très jeune, sans 
expérience, sachant à peine lire, le marcou 
Delafcy se bornait — simple plagiaire — à 
ordonner à ses malades le régime qu'impo- 
sait aux siens un de ses devanciers, Nérée, 
marcou beauceron, né au hameau de Vovette, 
commune de Theu ville (E.-et-L.). Voici 
l'ordonnance hygiénique de cet empirique, 
telle que l'a relatée M. E, Menault^ dans la 
Galette des Hôpitaux. Nous en donnons la 
copie textuelle ; 



l66 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Régime que doivent tenir les pèlerins. 

« lo Après qu'ils ont fait leur neuvaine, 
« les pèlerins doivent s'abstenir d'oignons, 
« choux, pois, poireaux, chaire salée, oi- 
« seaux, et de toute aigreur, jusqu'à ce 
« qu'ils soient guéris. 

« 2° Ils doivent se garder toute leur vie de 
« manger anguilles, tanches, barbeaux, lam- 
(( proies et de tout poisson de limon, ni de 
« chèvres, ni de cannes, ni de ce qui en 
« provient, ni aucune espèce de tête, ni de 
« pois chiches^ ni de lentilles. 

« 3<* Ils doivent garde les fêtes de saint 
« Marcoul, la première, le i^r mai, la 
« deuxième, le 7 juillet, et la troisième, le 
(( 2 octobre. Ils doivent, chaque année, en- 
« voyer 6 liards pour acquitter leur con- 
« frérie en l'église Saint-Pierre de Chartres. 

« 4° Ils peuvent user de toutes les dou- 
« ceurs, telles que lait, miel, viande de porc 
« mâle, guerre salée, des œufs, mais ôter le 
« germe, du fromage blanc bien égouté, ne 
« hoir que de l'eau, mais un peu rougie. Si 
« l'on veut, de la soupe au lait, aux fèves, 
« aux navets, à la crème douce ; des pommes 



ET DU PERCHE 167 



« de terre et des poires douces, ôter les pé- 
(( pins ; des pruneaux, ôter les noyaux ; du 
« raisin bien mûr, ôter les pépins. 

50 « On peut encore manger poulet, la- 
« pin, salsifie, asperges , hartichauts, salade, 
(( guerre de vinaigre. » 

Tel était le fameux régime que le marcou^ 
Nérée, ordonnait à ses clients, après les avoir 
gardés en pension, au moins pendant neuf 
jours, au cours desquels il leur faisait le ma- 
tin, à jeun, force attouchements sur les par- 
les malades. Les clients payaient généreuse- 
ment et s'en allaient pleins de confiance. Si, 
plus tard , la maladie réapparaissait, ils reve- 
naient, avec la même foi naïve, vers l'opéra- 
teur dont le prestige n'était nullement atteint 
par les insuccès. On ne guérit pas un malade 
de ses croyances superstitieuses. 



^ 

•r 



§ III. — Toncheurs : GuérisseuXy Panseux 

de Secret. 




\L's> Marcous , êtres privilégiés de 
naissance^ n'étaient pas les seuls 
toncheurs de la contrée. Les çrué^ 
risseuXy possesseurs de secrets ma- 
giques, d'onguents prétendus efficaces, de for- 
mules médicamenteuses, soi-disant merveil- 
leuses, étaient en grand nombre jusqu'au mi- 
lieu du siècle dernier. Ils exerçaient leur art 
en toute liberté et vendaient leurs produits, 
parfois dangereux, en toute impunité. 

Les secrets sont de deux natures différentes. 
Le toucheur, appelé aussi panseux ou guéris- 
seux, opère au nom de Dieu ou d'un saint, ou 
bien au nom du diable ou de l'un de ses sup- 
pôts. Dans les deux cas, le toucheur, par son 
secret, contraint la puissance surnaturelle in- 
voquée, quelle qu'elle soit, à intervenir. 
Le toucheur garde précieusement son secret; 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 169 

il l'a reçu de son père et le transmettra à son 
fils aîné. En dehors de la famille, le toucheur 
ne peut apprendre son secret qu'à une per- 
sonne plus vieille que lui. Le secret com- 
prend les signes cabalistiques, les paroles ma- 
giques et presque toujours la composition 
d'un onguent ou d'un médicament, qui doit 
achever la guérison. 

Les signes et les paroles n'ont d'autre por- 
tée que celle d'en imposer au malade et de 
donner aux opérations une sorte de solennité. 
Les médicaments augmentent les petits béné- 
fices de l'opérateur. 

Les formules magiques consistent surtout 
dans la répétition des mêmes syllabes, des 
mêmes mots dépouiTus de tout sens. 



* 



On guérit les entorses en prononçant les 
paroles suivantes : Atité, anté , super anté, 
atité super anté té, La formule se répète trois 
fois ; elle est la même pour les personnes et 
pour les animaux. 



170 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Les brûlures, disent les toucheurs, agran- 
dissent pendant neuf jours, si on ne les fait 
pas toucher. Elles doivent disparaître devant 
cette incantation : 

Feu de Dieu^ 

Apaise tes chaleiis {chaleurs) 

Comme Judas perdit ses couleus {couleurs') 

Au jardin des Olives 

Lorsquil trahit notre Seigneur. 

La for ç lire, ouiour de reins, a disparu aprùs 
ces paroles : Forçiire, reforçiire, je te force et 
reforce. 

Le toucheur de dents pose un clou neut 
sur la dent malade , en marmottant des 
prières ; il enfonce ensuite ce clou dans une 
porte, une poutre ou une solive. C'est ainsi 
qu'opère encore actuellement M™^ Paragot 
de Moinville-hi-Bourreau (E.-et-L.). 

La Beaucc et le Perche ont eu plusieurs 
familles qui s'arrogèrent le pouvoir de guérir 
la teigne, la gale, la maille^ le charbon, etc. 
Fauconnet, de Pont-Tranche-Fétu, soignait 
l'hydrophobie par une médication si éner- 



ET DU PERCHE IJl 



gique qu'elle avait plus de chance de donner 
la folie que d'enlever la rage. 

Les toucheurs d'entorses et de foulures exis- 
taient dans presque chaque commune : pour 
opérer, ils devaient être à jeun. La plupart 
touchaient de leur pied nu (droit ou gauche) 
le pied nu (gauche ou droit) du malade. Ils 
formaient, avec le gros orteil, certains signes 
et marmottaient quelques paroles. Les fric- 
tions et le repos faisaient le reste. A Réclain- 
ville, Esther Lânon, femme Corlay, guérit 
encore les entorses. 



* 



Un charpentier de Gallardon avait la spé- 
cialité de guérir du mal (Tcjoharpe, (sorte de 
tumeur dont nous regrettons de ne pouvoir 
donner la définition exacte) avec le vent de 
sa cognée. Ce guérisseur accomplissait avec 
sa hache certains rites bizarres : il la bran- 
dissait au-dessus de la tcte du patient ; il 
faisait, trois fois, le simulacre d'en frapper 
le siège du mal ; il touchait la tumeur ; enfin 



172 FÔLK-LORE DE LA BEAUCE 

il passait et repassait sa hache au-dessus du 
mal, et le vent produit par ces mouvements 
achevait la guérison. 

Le charpentier de Gallardon eut, jusqu'en 
ces années dernières, un adepte dans la per- 
sonne du charron de Châtenay (E.-et-L.). 

Le charbon, autrefois très fréquent dans 
nos plaines de Beauce, était dû à ce que, par 
ignorance, on n'enfouissait pas assez profon- 
dément les animaux morts de cette maladie. 
Effrayés, à juste titre, par ce terrible mal, 
les paysans, au moindre bouton douloureux 
et enflammé, avaient recours aux guérisseurs. 
Ceux-ci, profitant de la confusion établie 
entre un simple furoncle et la pustule ma- 
liorne, s'attribuaient facilement des cures mer- 
veilleuses. Les bergers et les maréchaux- 
ferrants étaient experts dans le traitement du 
charbon. 

Les Percherons appellent estomac chu, les 
vomissements répétés des enfants ou des 
adultes. Ils vont trouver le guérisseur qui 
doit être à jeun (toujours !) ; une tierce per- 
sonne peut se présenter aux lieu et place du 
malade. Le guérisseur, après une feinte aus- 



ET DU PERCHE I73 



cultation du malade, se livre à des contor- 
sions effroyables, afin, dit-il, de se décrocher 
aussi Testomac : car V estomac chu n'est autre, 
pour les paysans, que l'estomac décroché. En- 
suite, avec les mêmes contorsions, il remet 
son estomac en place : coût moyen, deux 
francs, et le traditionnel cafeii (café) largement 
additionné de herhiche (eau-de-vie de cidre). 



* 



Une catégorie de guérisseurs, non moins 
célèbres que les précédents, découvrait dans 
les urines la cause et les symptômes de la 
maladie et les moyens de guérison : c'étaient 
les médecins aux urines^ appelés plus commu- 
nément jugeux d'eaux, La femme Virlouvet 
acquit, dans cette spécialité, une grande répu- 
tation à La Bazoche-Gouèit et à Ailonnes 
(E.-et-L.). 

Un berger de Nogent-le-Pbaye (E.-et-L.) 
cut,pendant quelque temps, la réputation d'un 
honjugenx d'eau. Comme tous ses collègues 
en charlatanisme,il employait des plantes plus 



174 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

OU moins médicinales pour la préparation de 
SCS rcmcdes : V armoise était sa plante préférée. 

Les Beaucerons n'ont plus de jugeux d'eaux 
dans le pays chartrain. Les partisans de ce 
mode de guérison se rendaient, récemment 
encore, aux Loges (Sarthe), ou à Condé-sur- 
Huisne (Orne). 

Tous ces guérisseurs possédaient, outre le 
pouvoir de guérir une maladie spéciale, celui 
de barrer le mal, lorsque ce mal n'était pas 
de leur compétence. Barrer le mal, ce n'était 
pas le guérir, c'était seulement en arrêter 
subitement les progrès. On pouvait encore 
souffrir d'un mal barré, mais il n'augmentait 
plus désormais. 



* 



Est-il besoin d'ajouter que ces charlatans 
sont les simples continuateurs de ces exploi- 
teurs de la crédulité populaire, qui ont existé 
dans tous les- temps et dans tous les pays ? 
L'antiquité a eu ses mages qui pratiquaient 
cette science occulte, basée sur l'invocation 



ET DU PERCHE I75 



des dieux et des esprits. Les Egyptiens, les 
Perses, les Grecs, les Romains ont employé 
la puissance des conjurations. Les Gaulois 
avaient les druides et les druidesses qui excel- 
laient dans Tart de guérir tous les maux. Le 
moyen âge a eu ses remégeuses, {i^^g^^ en an- 
cien français, signifiait médecin opérateur) 
dans la personne des châtelaines. 

Dans ces croyances superstitieuses, nous 
nous heurtons toujours à l'atavisme, à cette 
ignorance séculaire que les bienfaits de l'ins- 
truction sont heureusement appelés à vaincre 
dans un délai très rapproché. Car, si nous 
pouvons rire des signes et des paroles ma- 
giques, mais inoffensifs, des ioticheurs ; si nous 
pouvons être indulgents pour certaines re- 
cettes médicales anodines des guérisseurs (de 
même pour les remèdes de commères indi- 
qués dans le paragraphe : Remèdes populaires) , 
nous devons attaquer à outrance les préjugés 
et les erreurs populaires, les opérations dan- 
gereuses pratiquées et les substances nuisibles 
délivrées par les charlatans et qui peuvent 
porter atteinte à la santé, souvent à la vie 
même, de nos semblables. 



§ IV. — Somnambules, 




cette nomenclature de charlatans, 
il convient d'ajouter encore les 
somnambules, appelées aussi dor- 
meuses : ce rôle est presque exclu- 
sivement joué par une femme. 

Pour certains paysans, la somnambule 
tient du sorcier et du médecin ; c'est un être 
privilégié jouissant, dans son sommeil ma- 
gnétique, du don de prophétie et de divina- 
tion. C'est avec une confiance aveugle que 
les naïfs s'adressent à la somnambule. Son 
pouvoir merveilleux est presque sans bornes. 
Dans son état de somnambulisme, elle dé- 
couvre le siège et la nature du mal, elle pré- 
cise la médication infaillible, et cela, au 
simple toucher d'un objet quelconque ayant 
été porté par le malade, d'un seul cheveu 
de celui-ci. Par le môme procédé, aussi com- 
mode qu'expéditif, elle découvre les objets 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE I77 

perdus ou volés, elle dévoile les mystères de 
l'avenir* Elle prédit au jeune campagnard le 
numéro qu'il tirera pour la conscription, la 
couleur des cheveux de sa future, le nombre 
des enfants qui naîtront de son mariage, le 
gros héritage qu'il fera d'un parent éloigné, 
et souvent ignoré, etc., etc. Elle étend ses 
consultations jusqu'aux maladies des bestiaux, 
et ses prophéties jusqu'aux mercuriales des 
grains. Elle excelle dans tous les genres ; ses 
réponses sont décisives ; ses remàdes sont 
efficaces ; ses oracles sont irréfragables, aussi 
bien dans les diagnostics que dans la bonne 
aventure. 



* * 



Soit qu'il se rende au domicile de la âor- 
meuse, soit qu'il monte dans, sa roulotte, un 
jour de foire, le paysan crédule répond naï- 
vement aux questions insidieuses qui lui sont 
tout d'abord posées ; il écoute religieusement 
les paroles de la pythonisse ; et il sort de là, 

12 



178 FOLK-rLORE DE LA BEADCE 

joyeux, sans avoir vu les signes d'intelligence 
échangés entre Thabile compère et aa com- 
plice. Car, pas de somnambule sans Tindis** 
pensable compagnon qui questionne d'abord 
et dicte ensuite la réponse. Si ce dernier a 
pu recueillir auprès du naïf une provision 
suffisante d'informations, les réponses de 
la sybille seront claires et précises ; ellet 
resteront vagues et générales, dans le cas 
contraire. 

Parmi les somnambules beauceronnes du 
siècle dernier, celle de Vilquier (commune 
de Saint-Denis-des-Ponts), et celle de Bron** 
ville, (commune du Gault-Saint-Denis) ont 
eu une certaine célébrité au pays Dunois. 
Leur réputation fut cependant éclipsée par 
celle d'une servante d'Oysonville (canton 
d'Auneau), bien connue alors de toute la 
Beauce. 

Le succès inexpliqué de cette dernière 
réside peut-être entièrement dam la mcK 
dique rémunération qu'elle exigeait dea 
consultants : prix fixe, soixante -quinze 
centimes ! 

Moins merveilleusement douées que leurs 



rr DU PEKCHE 179 



sœurs des foires et marchés , nos sybilles 
beauceronnes guérissaient volontiers bêtes 
et gens ; mais leurs prophéties n'allaient pas 
au-delà des cours (un an à Tîtvance) des 
grains et des laines. 





§ V. — Visionnaires. 

fiEN que l'état pathologique des vi-- 
sionnaires soit tout diflférent de ce- 
lui des somnambules, la célébrité 
acquise par ceux-ci nous amène 
à parler de ceux-là. 

La Beauce eut ses visionnaires, et si leurs 
apparitions furent contestées par un grand 
nombre d'incrédules, elles comptèrent, hélas I 
beaucoup de croyants dans le monde des 
naïfs et des dévots. Parmi les visionnaires 
beaucerons, nous mentionnerons spéciale- 
ment Martin (i) de Gallardon, dont les ap- 
paritions et les prophéties occupèrent pen- 
dant longtemps l'opinion publique. Ses pro- 
phéties, publiées à plus de dix éditions, tra- 
duites en allemand, en anglais, en italien, 
parurent, en outre, dans tous les ouvrages 

(i) Martin (Thomas-Ignace), né à Gallardon, le 
i8 février 1783. 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE l8l 

catholiques du milieu du XI X^ siècle. 
Voici succinctement rapportés, les faits 
étranges sur lesquels nous laissons à nos lec- 
teurs du XX« siècle le soin d'émettre leur 
opinion. 

On était en 1816, après la deuxième Res- 
tauration ; la Terreur Blanche régnait sur 
toute la France . Les partisans de la Répu- 
blique et ceux de l'Empire, confondus sous 
la qualification, alors injurieuse, de Libéraux, 
étaient surveillés, dénoncés, persécutés par 
les Blancs ou Ultra- Royalistes, La fièvre 
Bourbonnienne, surexcitant les esprits, sé- 
vissait jusque dans les moindres bourgades : 
elle influa vraisemblablement sur le cerveau 
de notre héros. 

Martin, marié, père de quatre enfants en 
bas âge, était aricandier (i) et vivait hono- 
rablement, mais péniblement, du fruit de 
son travail, dans la petite ville de Gallar- 
don (Eure-et-Loir). Le 15 janvier 181 6, Mar- 
tin était seul dans la plaine , occupé à 

(i) Voir ce mot au tome II : IIIc partie, chap. 
IV, §1. 



l82 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

répandre du fumier sur une de ses piàces de 
terre lorsqu'il aperçut, tout à coup, auprès de 
lui un personnage étrange. Grand, fluet, im* 
berbe, revêtu d'une longue redingote blonde 
boutonnée jusqu'au bas, coiffé d'un chapeau 
à haute forme, l'inconnu lui dit, sans autre 
préambule : u II faut que vous alliez trou- 
ce ver le roi ; que vous lui disiez que sa per- 
ce sonne est en danger, ainsi que celles des 
« princes ; que de mauvaises gens tentent 
« encore de renverser le gouvernement ; 
« que plusieurs écrits ont déjà circulé. . ; 
(( qu'il faut qu'il relève le jour du Seigneur. . . , 
ce qu'il abolisse et anéantisse tous les dé- 
(( sordres qui se commettent dans les jours 
(c qui précèdent la sainte quarantaine : sinon 
w toutes ces choses, la France, tombera 
« dans de nouveaux malheurs. » 

Martin, effrayé tout d'abord, écouta ce- 
pendant avec attention le langage de l'é- 
tranger dont la voix était douce et insinuante. 
Il lui répondit naïvement : u Pour faire votre 
c< commission au roi, vous pouvez bien y 
« aller vous-même. Pourquoi vous adressez- 
« vous à un pauvre homme comme moi. 



ET DU PERCHE 183 



« tandis qu*il n'en manque pas d'autres et 
« de plus savants ? » 

— « Ce n'est pas moi qui irai, reprit l'in- 
« connu, mais ce sera vous ; écoutez-moi 
« bien, faites tout ce que je vous recom- 
« mande, a 

Après ces dernières paroles, le personnage 
fantastique disparut : « son corps, se rapetis- 
sant insensiblement, prenant une forme va* 
poreuse, devint invisible. » 

Dès le soir, Martin alla voir M. Laper- 
ruque, curé de Gallardon, a pour savoir ce 
que cette vision pouvait signifier w. Celui-ci 
crut, avec raison , à un moment d'hallucination 
de la part de son paroissien ; il prit cependant 
note du discours de l'inconnu. Mais de nou- 
velles apparitions survinrent à Martin : le 
18 janvier, dans sa cave ;le 19, dans sa cuve- 
rie ; le dimanche 20, à l'entrée de l'église ; le 
24, dans son grenier. Cette fois, le mystérieux 
messager tutoie Martin : « Fais selon ma 
« commande, il n'est que temps, lui dit-il^ 
« d'un ton ferme. » 



184 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






Tenu au courant de ces apparitions suc- 
cessives, le curé de Gallardon, intrigué lui- 
mcme, envoya Martin vers son supérieur, 
qui était alors Tévêque de Versailles. 

Le 30 janvier, Martin se trouvant encore 
en face de l'inconnu lui demanda son nom. 
« Quant à mon nom, répondit-il, il restera 
« inconnu ; quant au nom de celui qui 
« m'envoie, il est au-dessus de tout I » Et du 
doigt, il montra le ciel. 

Durant le mois de février, nouvelles appa- 
ritions et nouvelles insistances de l'étranger. 
Le 5 mars, Martin est appelé auprès du Pré- 
fet et, deux jours après, auprès du Ministre 
de la Police En présence de ces deux per- 
sonnages, Martin répondit simplement et pla- 
cidement aux questions insidieuses qui lui 
furent posées; il renouvela exactement ses 
dires au sujet de l'inconnu qui lui apparut 
avant chacune de ces audiences. 



ET DU PERCHE 185 

Le 9 mars, Têtre mystérieux se manifesta 
à Martin, en sa chambre d'hôtel, à Paris ; il 
le prévint qu'un grand médecin le viendrait 
visiter : le soir même, le célèbre docteur Pinel, 
spécialiste pour le traitement des affections 
mentales, venait l'interroger. Pendant trois 
jours consécutifs, le D"* Pinel renouvela ses 
visites : l'inconnu fit de même et, dans l'une 
d'elles, déclara être « V Archange Raphaël, ange 
« très célèbre auprès de Dieu, et possédant le 
« pouvoir de frapper la France de toutes 
« sortes de plaies ». 

Les rapports du docteur Pinel au Ministre 
de la Police se terminaient ainsi : ce Martin 
est atteint d'une hallucination des sens, ou 
aliénation intermittente. » 

En conséquence de ces rapports , sur 
l'ordre du Ministre de la. police , Martin fut 
conduit, le 1 3 mars à Charenton, par le doc- 
teur Pinel, lui-même. 

Martin resta dans cet asile d'aliénés jus- 
qu'au 2 avril. Il y fut traité avec égard et 
bonté. Ses visions avaient fait sensation en 
haut lieu et excité la curiosité publique; il 
reçut les visites des sommités de la noblesse 



l86 FOLK-LORB DE LA BEAUCE 

notamment celles de MM. de Talleyrand- 
Périgord, Sosthùncs de la Rochefoucauld, de 
Montmorency.. . et encore, et toujours 
celle de VAfjge qui, le 3 1 mars, lui serra la 
main ! I 

Royer-Collard, se refusant à voir, dans 
Martin, un véritable aliéné, obtint sa mise en 
liberté, le 2 avril. Ce jour-là, le visionnaire 
fut conduit devant le roi qui le pria de lui 
faire connaître, en toute sincérité, la mission 
dont il était chargé à son égard. Martin fit à 
Louis XVIII le récit fidèle de ce que Tin- 
connu lui avait dit. Le lendemain, il était 
rendu à sa famille. 






Martin vécut alors tranquillement, à Gai- 
lardon, pendant quelques années. De i8ai à 
1830, il eut de nouvelles révélations. Il n'a- 
perçut personne, mais une voix surnaturelle 
lui fit un long pronostic sur les événements 
futurs. Cest alors que son rôle de vision- 



BT DU PERCHE I87 

naire semble devoir changer et qu*il aspire 
au rang de prophète. Suivant ses assertions, 
tous les événements politiques ou religieux 
n'ont rien de caché pour lui : il annonce 
l'existence de Louis XVII et se croit appelé 
à placer sur le trône de France ce personnage 
mystérieux. 

La Révolution de 1830 lui fit redouter les 
représailles de 181 6. « Averti par la voix sur- 
naturelle de se cacher en lieu sûr », Martin 
quitta son domicile et mena désormais une 
vie errante, une existence ignorée du monde. 
Il mourut à Chartres, en 1834, sans cesse 
importuné et obsédé par la voix étrange qui 
venait, nuit et jour, le menacer d'accroitre 
ses souffrances s'il ne s'attachait pas à la 
cause du prétendu Louis XVIL 





§ VI. — Remèdes populaires. — Médecine 

champêtre. 

A flore de nos contrées n'est pas 
extrêmement variée, et nos pay- 
sans ignorent le véritable nom de 
la plupart des plantes qui les 
environnent. Ou ils altèrent et dénaturent le 
nom de la plante, ou ils lui en donnent un, 
vulgairement emprunté à sa forme, à sa cou- 
leur ou à ses usages. Ils emploient un grand 
nombre de plantes pour leur propre guérison 
ou celle de leurs bestiaux. 

Nous ne voulons faire ici ni l'éloge ni la 
critique des remèdes populaires réputés sou- 
verains dans telle ou telle maladie. Nous nous 
contenterons de rapporter quelques exemples 
de la médecine champêtre de la Beauce et du 
Perche. 

Ampoule. — Si l'on a une ampoule au pied, 
on la frotte avec des orties, ou on la traverse 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 189 

d'un fil de lin qu'on laisse dans Tarapoule. 

Angine. — S'entourer le cou, le soir en se 
couchant, du bas retiré de la jambe gauche et 
mis à Tenvers. Ou bien s'entourer le cou du 
môme bas rempli de cendres chaudes. Cata- 
plasmes faits avec des pommes déterre cuites 
dans les cendres du foyer. 

Bains de pieds , — On remplace quelquefois 
la moutarde par la cendre de bois ou par la 
plante connue vulgairement sous le nom d'é- 
clairé, et qui est la chélidoine. 

Barbes. — Si un veau avait les barbes (ma- 
ladie de la langue), on lui frottait la langue 
jusqu'au sang, avec une pièce de six liards. 

Blessures (Plaies ou Enflures), — Si une per- 
sonne s'est blessée dans une chute, on ap- 
plique,sur la partie malade et enflée, un cata- 
plasme de mousse bouillie dans du lait. Pour 
les plaies, on emploie le plantain lancéolé, 
dit herbe aux cinq coutures, ou encore la 
feuille de violette. 

Brûlures. — Pour calmer le feu des brû- 
lures, on y applique de la râpure de pommes 
de terre, de la gelée de groseilles, des pétales 



190 FOLK'LORE DE LA BEAUCE 

de fleur de lis conservées dans de Thuile de 
camomille camphrée, des compresses de lait 
baratté, ou enfin de la bouse fraiqhe de vache. 






Conslipiitiotu — On fait des tisanes de chi- 
corée sauvagc.On boit du lait de beurre baratté. 

Convulsions. — Quand un enfant a de» 
convulsions, on lui asperge la figure de 
quelques gouttes d'eau bénitç. 

Coqueluche. — On fait boire aux enfants, 
le matin, à jeun, une tasse de lait de chèvre. 
Le lait d'ànessc est, dit-on, plus souverain ; 
mais il est plus difficile de s'en procurer, 

Cors-nu X'pieds. — Prendre un bain de pieds 
d'eau salée ; appliquer sur le cor de l'ail pilé 
ou du vert de poireau. 

Coupures, — Pour arrêter le sang d'une 
coupure, on couvre la plaie avec des toiles 
d'araignées, de la poix^ ou des feuilles de 
plantain écrasées. 



ET DU PERCHE I9I 

Dartres, ^ — Le matin, à jeun, humecter les 
dartres avec de la salive. D'autres pilent, avec 
du sel gris, la plante, nommée éclaire^ et en 
font un emplâtre qu'ils appliquent sur les 
4artres, 

Dents, — Les remèdes contre le mal de 
dents sont aussi variés que bizarres, On se 
met dans le creux de la dent malade un grain 
d'encens : la dent se casse et tombe sans 
douleur. On fait des fumigations avec du 
lierre ou avec des fleurs de sainfoin. Dans du 
vinaigre en ébullition, on met quelques 
petits silex et l'on se tient, la bouche ouverte, 
au-dessus de cette vapeur ! 

Diarrhée, — Tisanes de feuilles de ronce, 
de vigne, de chêne, de racine de fraisier. 






Ecréma, — Cataplasmes faits avec du suif, 
de la suie et du lait. 

Ençfehires, — Se laver deux ou trois fois 



[92 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

les mains ou les pieds dans du jus de fraise ; 
appliquer ensuite un cataplasme de marrons 
cuits et écrases. 

Enrouement. — Boire le matin, â jeun, un 
verre d*cau bien fraîche ou de la tisane faite 
avec des jeunes pousses de ronces . 

lïrysipèle. — Fumigations et cataplasmes 
de fleur de sureau. 

Fièvre. — Infusions de la seconde pelure 
de l'ccorcc du saule. Boire de l'eau bénite. 
Se rouler dans la rosée d'avoine le jour de 
Saint-Jean, avant soleil levé. 

Fièi're aphteuse. — Pour préserver les vaches 
de la cocotte, on leur met au cou des colliers 
de chêne. 

Hoquet. — Se pincer fortement le petit 
doigt de la main gauche. Rester sans respirer 
le plus longtemps possible. Surprendre la 
personne qui a le hoquet et lui faire peur, 
soit en poussant un grand cri, soit en don- 
nant un fort coup sur une table. 



ET DU PERCHE I93 



* 



Inconiiueuce d^irine. — Frotter, avec des 
orties, les reins des enfants atteints de cette 
infirmité. 

Muguet. — Lorsqu'un enfant a le muguet, 
(vulgairement appelé chancre) on le fait tou- 
cher par une honne femme qui lui met du vi- 
naigre sur la langue et dit des prières, à son 
intention, le matin, avant soleil levé, 

ATe:;^ (saignements de). Pour arrêter les sai- 
gnements de nez, on fait lever le bras, du côté 
de la narine d'où s'échappe le sang ; on ap- 
plique sur la peau du dos, à la base du cou, 
une clef pleine ; on se place bien au-dessus 
de quatre fétus disposés en croix. Si l'hémor- 
rhagie persiste, on roule, en forme de bou- 
lettes, des feuilles d'ortie et on les introduit 
dans les narines. 

Œil, — Pour faire disparaître les orgelets, 
(compères-loriots) on se lave les yeux dans 
de Teau chaude dans laquelle on a fait bouil- 
lir de la camomille oudcsfcuillcs de plantain. 



194 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



On applique, le soir, sur Tœil, du lait caille 
ou du fromage mou. bien frais, que l'on étend 
sur un linge et que Ton conserve toute la 
nuit. 

La sève de la vigne, que Ton appelle les 
pleurs de la vigne, est réputée salutaire i la 
vue. Au printemps, on recueille cette sève 
dans une bouteille dont le goulot est placé 
au-dessous d'un bourgeon préalablement 
coupé. On se lave les yeux avec la sève de 
vigne pour guérir les ophtalmies, ou simple- 
ment pour avoir la vue claire. 

Un œuf, frais pondu et encore chaud, pro- 
mené sur les yeux, rend également la vue 
claire. 

Quand les petits enfants ont mal aux yeux, 
les nourrices y font couler de leur lait. 

Pour enlever un grain de poussière de 
l'œil, se frotter l'autre œil. 

Oreilles. — Le cérumen qui se forme dans 
les oreilles est souverain, au dire des bonnes 
femmes, pour guérir les piqûres des mous- 
tiques : elles en recouvrent immédiatement 

l'endroit pique. 



ET DU PERCHE I95 



Oreillons. — On prétend que ce mal dispa- 
rait, si Ton mange dans une assiette qu'un 
chat vient de lécher. 






Panaris. — On l'appelle tournure ou mal 
blanc» Introduire le doigt malade dans un œuf 
frais, mettre Tœuf dans Teau bouillante et 
maintenir le doigt jusqu'à ce que l'œuf soit 
dur. Appliquer ensuite des cataplasmes, sou- 
vent renouvelés, faits de mie de pain et de suif. 

Poux de poules, — Mettre du yèble dans le 
poulailler, et les poux disparaîtront. 

Reins. — Pour guérir les douleurs de reins, 
se ceindre avec un fil de lin ou une ficelle de 
chanvre; se fustiger les reins avec des orties; 
s'appliquer sur les reins un petit sac rempli 
d'avoine grillée. 

Rhumatismes. — Dormir sur un lit de fou- 
gère et se frotter la partie malade avec des or- 
ties ou avec des feuilles de verveine, pilées 
avec du sel et du poivre. 

Rhumes. — H y a trente-six plantes qui 



196 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

servent à faire des infusions : racines de chien- 
dent, feuilles de fougère, plantain, avoine, etc. 
Cataplasmes brûlants faits de mie de pain et 
de suif de chandelle. 

Rhumes de cerveau. — Se mettre sur les 
tempes et sur le nez une forte couche de suif 
de chandelle. 

Sein. — Les nourrices, qui ont des ganglions 
au sein, appliquent, sur cette petite tumeur, 
des crêpes trùs chaudes et très grasses qu'elles 
renouvellent pendant plusieurs heures. 

Verrues, — Pour faire disparaître les ver- 
rues, les faire saigner et les imbiber de salive, 
le matin, à jeun. Prendre une poignée de pois 
(haricots, crin, etc.), en frotter la verrue et 
enterrer : quand les pois pourrissent les ver- 
rues s'en vont ; les frotter avec l'éclairé ou 
chélidoine. 

Vers. — Quand les petits enfants ont des 
vers, on leur met au cou un collier de gousses 

d'ail. 



CHAPITRE IV. 



La Sorcellerie et la Diablerie. 



§ I. — De la Sorcellerie en généraL 




je nos jours, il n'y a plus guère que 
les très vieilles gens qui croient 
aux sorciers, qui se rappellent 
et racontent sur eux des his- 
toires extravagantes autant qu'effrayantes. Il 
a fallu, pour détruire ces stupides croyances 
en la sorcellerie , la Philosophie du 
XVIIIe siècle et la Science du XIX^. Ces 
erreurs absurdes avaient si profondément 
plongé leurs racines dans les mœurs popu- 
laires qu'il suffirait de gratter légèrement la 
mince couche de civilisation que possèdent 



198 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

certains de nos paysans pour en retrouver 
des traces indélébiles. Ce n'est plus , il est 
vrai, cette terreur superstitieuse que le nom 
de sorcier inspirait autrefois. Non. Ces 
quelques rares ignorants ne vivent pas avec 
la préoccupation constante des sorciers. Les 
horreurs auxquelles se livrèrent les sorciers 
ne les hantent nullement ; non plus d'ailleurs 
que les longues persécutions et les cruels sup- 
plices qu'ils subirent. En un mot, la terreur 
a disparu, mais l'influence reste. Ils en parlent 
rarement, mais ils y pensent quelquefois. 

Ces croyances à la sorcellerie et à la dia- 
blerie (car pas de sorciers sans un pacte avec 
le démon) s'affaiblissent chaque jour. Dans 
quelques années, elles n'existeront plus. H 
est utile de signaler quelques vestiges qui 
subsistent encore. Ridicules aujourd'hui, ces 
traditions funestes ont été un fléau épouvan- 
table pour nos populations beauceronnes et 
percheronnes. 

Les Bohémiens (wontreurs d'ours, metteurs 
de loups) et les bergers étaient tous, ou à peu 
près tous, considérés comme sorciers. Ces 
gens-là allaient à l'école du diable. Ils fai* 



ET DU PERCHE I99 



saient avec lui un pacte qui leur procurait un 
pouvoir surnaturel. Ils avaient un livre 
appelé grimoire^ dans lequel ils pouvaient lire 
le passé, le présent et l'avenir de tous les 
êtres vivants. C'est à l'aide de ce grimoire 
qu'ils apprenaient à jeter des sorts, à évoquer 
les esprits. Jeter des sorts, c'était envoyer la 
maladie et même la mort à un ennemi, 
à un membre de sa famille ou à ses 
bestiaux. 

Par contre, certains sorciers avaient le 
pouvoir de déjouer les sorts; on avait re- 
cours à ceux-ci pour réparer le mal fait par 
ceux-là. 

Nous ne voulons pas nous étendre ici sur 
ces philtres ou breuvages, préparés par les 
soi-disant sorciers, dans le but de donner de 
Tamour à un homme pour une femme, ou 
réciproquement; de tuer les hommes, les 
femmes, les bestiaux : c'étaient là de véri- 
tables empoisonnements. Nous nous borne- 
rons à raconter quelquçs exploits de la sor- 
cellerie et de la diablerie, sous lesquels se 
cache toujours plus ou moins de supercherie. 
Si en quelque hameau isolé, il reste encore 



200 1-OLK-LORE DE LA BEAUCE 

des vestiges de cette crédulité, ils se trou- 
veront atteints par cette divulgation : les 
journaux et le temps feront le reste. 



* * 



Dans tous les temps, chez tous les peuples, 
les bergers ont occupé leurs longs loisirs du 
jour à étudier les plantes, et leurs nuits à 
observer les astres. La superstition et l'igno- 
rance populaires prêtaient à leurs connais- 
sances empiriques et à leurs observations 
astronomiques une crédulité dont ils abusèrent 
parfois. Ces humbles pasteurs furent sou- 
vent regardés comme des sorciers capables 
degTiérir certaines maladies, mais, par contre, 
de jeler des sorts. De h\, leur autorité sur les 
esprits simples qu'ils exploitèrent pendant 
plusieurs siècles. 

La Beauce a eu aussi ses sorciers, et, si 
leur règne était passé avec notre génération, 
le temps était si proche et le souvenir de 
leurs maléfices si vivace encore lorsque nous 
étions enfant, qu'il ne se passait guère 
de veillées sans que quelques-unes de leurs 



ET DU PERCHE 201 

pratiques superstitieuses fussent racontées. 
Ces traditions de sorcellerie et de diablerie 
n'offrent rien de particulier ni d'original. 
Elles ressemblent à celles de toutes les pro- 
vinces de France avec des variantes qui se 
ressentent du tempérament des ancêtres. 
Dans le midi, elles conservent la trace des 
fictions imagées des Sarrazins ; en Bretagne, 
elles planent dans les landes féeriques ; dans 
le nord, elles se ressentent des idées supers- 
titieuses des Franks et des Saxons ; chez nous, 
elles ont gardé l'empreinte du vieux sol 
gaulois. 



Les Beaucerons et les Percherons de la 
première moitié du XIX^ siècle ont transmis, 
sans altération notable, à notre génération, le 
souvenir de faits inouïs, relatifs à la sorcellerie. 
Chaque commune a ses traditions et ses 
légendes sur ce sujet ; elle a soit un coin om- 
bragé de son territoire, soit un vieux chîiteau 
féodal, ou une bicoque abandonnée, ou le 
cimetière silencieux qui sont les lieux tré- 



202 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

quentés par les fantômes ou les sorciers. On 
voyait des sorciers partout : les grands bois, 
les carrefours éloignés, les carrières profondes 
étaient, par eux, de préférence, choisis pour 
leur réunion nocturne ~ leur sabbat^ — le 
vendredi de chaque semaine. Là, se perpé- 
traient des crimes innombrables, des profa- 
nations horribles, au milieu des danses éche- 
velécs. Certains vieillards prétendent avoir 
assisté, de loin, une seule fois, à ces orgies 
où des enfants étaient mangés ou servaient à 
d'abominables pratiques î 

Pendant les heures de sabbat, les sorciers 
avaient le droit de tout faire ; mais le nom 
de « Dieu » ni celui de « Saint » ne devaient 
jamais être prononcés. Les victuailles , les 
vins fins étaient servis en abondance sur les 
tables ; ces produits, les sorciers» les obte- 
naient, par le pouvoir du diable, des arbres 
des plantes, qu'ils transformaient à leur gré. 
Avant de se rendre au sabbat, les sorciers de- 
vaient s'oindre le corps d'une certaine graisse 
dont la composition leur avait été enseignée 
par le diable. D'aucuns disent que cette 
graisse s'obtenait en faisant bouillir un 



ET DU PERCHE 2O3 



enfant nouveau-né, coupé en morceaux. 
Recueillie et consen^ée dans des vases, elle 
était bénie par des prêtres, sorciers eux- 
mêmes, qui récitaient des prières à rebours. 
Telles étaient les idées de nos ancêtres sur 
la sorcellerie. Voyons, maintenant, quels 
étaient les pouvoirs attribués aux sorciers ? 







^ IL — Le Pouvoir des Sorciers. 

EXDiAXTS OU bergers, montreurs 
d'ours ou meneurs de loups, tous 
ces thaumaturges étaient des sor- 
ciers, des jetteurs de sorts ou de 
maléfices. Notre contrée avait plusieurs es- 
pèces de sorciers parmi lesquels nous citerons 
les caillebotierSy les courtilierSy les g?'éleurs, les 
noueurs d'aigniîkites, les envoùieiirs. 




* 
* * 



On appelait caillehoiicrs^ ceux qui possé- 
daient Tart diabolique de faire tarir — à leur 
profit — tout le lait des vaches. Leur pouvoir 
s'étendait même, dit-on, jusqu'aux nourrices. 
Mais ils exerçaient de préférence leurs pra- 
tiques contre le bétail qu'A leur gré ils faisaient 



maigrir. 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 205 

Il iious a été impossible de connaître,exac- 
tement les procédés employés par les caillc- 
botiers dans leurs ensorcellements. Ils tra- 
çaient, paraît-il, certains signes avec le doigt 
à la porte des étables et prononçaient des 
paroles diaboliques. Les effets du sortilège 
se faisaient sentir peu après ; car, dés qu'une 
établée avait reçu un sort, les vaches, les 
chèvres n'avaient plus de lait et dépérissaient 
à vue d*œil. 

Fort heureusement, divers moyens exis- 
taient pour rompre le charme, ou, suivant 
l'expression locale, pour déjouer le sort du 
caillebotier. Il suffisait de conduire les bétes 
maléficiées à la foire voisine, et de les faire 
marchander par trois maquignons différents, 
pour les faire revenir à leur état normal. 
Lorsque, par hasard, ce procédé restait ineffi- 
cace, le maître ou la maîtresse de la maison 
allait, le matin, dès son lever et à jeun, dans 
retable, réciter VcvangUe de saint Jean, cela 
pendant neuf jours. Si enfin les résultats de 
la neuvaine étaient nuls ou insuffisants, on 
avait recours au panscux de secret qui, nous 
l'avons vu précédemment (chapitre III), gué- 



2o6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

rissait bêtes et gens, au nom de Dieu ou au 
nom du diable. 






L'œuvre ténébreuse des cotirtiliers était en- 
core plus à craindre que celle des caillebo- 
tiers. Non seulement les désastres qu'ils ac- 
complissaient étaient plus terribles, mais il 
n'existait aucun moyen de les réparer. Les 
courtilierSy avec leur souffle seulement, des- 
séchaient les plantes, arrêtaient la végétation 
des arbres et des jardins, annihilaient les 
blés et les raisins. 

Personne ne vit jamais de courtiliers et ce- 
pendant tout le monde croyait à leur pou- 
voir. On aurait pu remarquer que les mal- 
heurs qu'ils étaient censé causer coïncidaient 
avec les années, où, en été, se produisaient 
de brusques et fréquentes alternatives de 
pluie et de soleil, causes véritables et natu- 
relles de ces fléaux ; mais on était au temps 
du surnaturel, et les sorciers, seuls, étaient 
capables de tels forfaits ! 



ET DU PERCHE 207 



* * 



Des être malfaisants, qu'on appelait des 
greleurs^ avaient le pouvoir de faire des fiuées 
et de déchaîner des orages de grêle sur une 
contrée. Ces sorciers opéraient ainsi : ils 
battaient, avec de longues perches, l'eau de 
certains étangs ou mares ; des vapeurs s'éle- 
vaient, des nuées épaisses se formaient, qui 
s'en allaient tomber, en grêle, au gré du ca- 
price des sorciers : c'était, à la veille des 
moissons, toute une contrée ravagée, anéan- 
tie. La mare de la Grande-Lfie, à Pézy (E.- 
et-L.), fut, d'après la tradition, plusieurs fois, 
le lieu où s'évertuèrent les grêleurs. 

En ce temps-là, heureusement, les cloches 
avaient la vertu découper les nuées. C'était alors 
une coutume générale de sonner les cloches 
pendant l'orage, et l'on était persuadé que 
leurs voix bénies préservaient la paroisse de la 
grêle et de la foudre. Aussi lit-on fréquem- 
ment cette inscription sur les cloches un peu 
anciennes : ce Vivos voco^ mortiios plango, 
fulgura frango, n (J'appelle les vivants, je 



208 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

pleure les morts, je brise les foudres j. 

Dès qu'un orage suspect semblait, à Thori- 
zon, s'avancer vers la paroisse, le sonnenr 
mettait la cloche en branle pour déjouer le 
maléfice du grêleur. Plus d'un sonneur a 
payé de sa vie cette imprudence. Devant 
rinutilité, d'une part, et, de l'autre, le danger 
de cette coutume, l'autorité civile intervint 
et interdit de sonner les cloches pendant 
l'orage. 

Il existe encore quelque^s vestiges de cette 
croyance en la vertu protectrice des cloches. 
A Illiers (E.-ct-L.), jusqu'en ces dernières 
années, du i*^*" mai au i^»" septembre, on son- 
nait, chaque soir, pendant une demi-heure, 
la cloche dite des biens de la terre. Mais peut- 
être cette vieille coutume ne s'est-elle perpé- 
tuée, au milieu de l'indifférence religieuse de 
nos cultivateurs contemporains, que grâce à 
la piété intéressée du sacristain. Toute peine 
mérite salaire : or, le fait de prendre soin, 
chaque jour, des biens des paroissiens, mé- 
ritait une récompense. Ainsi pensait le sacris- 
tain qui, la moisson terminée, faisait une 
fructueuse tournée clicz les cultivateurs, pe- 



ET DU PERCHE 209 



tits et grands, de la commune. Beaucerons et 
Percherons s'exécutaient de bonne grâce et 
rétribuaient, qui en nature, qui en monnaie, 
l'homme qui faisait chez eux (( la pluie et le 
beau temps » . 

Nous ne nous arrêterons pas à ces sorciers, 
nouenrs d^ aiguillettes y l'effroi des jeunes ma- 
riés. On trouvera, au chap. V, ^ 2 de la III'' 
partie (Tome 77), les moyens employés autre- 
fois pour conjurer ce maléfice. 



* 



Les envoùteurs remontent au moyen âge ; ils 
ont disparu dans nos contrées avant la fin du 
XVIII* siècle. Ces sorciers représentaient, 
par une petite statue en cire, la personne à 
laquelle ils voulaient du mal. Cette image, 
bénie par un prêtre, était mutilée, ou piquée 
à l'endroit du cœur, ou fondue, suivant le 
genre de supplice que l'on désirait à son 
ennemi. Des formules superstitieuses, des in- 
vocations au diable complétaient le sortilège. 



H 



210 rOLK-IORE DE LÀ BEAUCE 



* * 



Les populations primitives de la Beaucc se 
sont groupées sur les plateaux d'alluvion ar- 
gileuse qui conserve parfaitement Teau du 
ciel, afin tfavoir, sans travaux ni frais, des 
réservoirs naturels pour abreuver les bestiaux. 
Ces mares et les puits trcs profonds doivent 
suffire aux besoins de la population. 

La recherche des sources a donc été, de 
tout temps, la grande préoccupation de ce 
pays altéré. Mais l'ignorance et la crédulité 
de nos ancêtres les ont toujours portés vers 
les moyens surnaturels ; aussi accordèrent-ils 
aux sou trias le pouvoir de découvrir les 
sources, les trésors et les choses cachées. 

Un hâlon, une verge ou une baguette rc- 
présenUiient le symbole extérieur de leur pou- 
voir surnaturel. Le bois de coudrier passait 
pour avoir une réelle sympathie avec Teau, 
Por et Targent ; mais, plus tard, la baguette 
fut indifl'éremmenl en métal, en bois, en corne 
ou en ivoire. Ce qu'il fallait obtenir, c'était 
la dextérité, le unir de main alin de faire 



ET DU PERCHE 211 



tourner la baguette pour lui faire signaler les 
sources, les trésors, les crimes, etc. Cette 
adresse tenta bientôt les sorciers qui se tirent 
sourciers et exploitèrent largement les naïfs. 
Il arriva nécessairement que, sur l'indication 
des hydroscopes, des sources furent mises à 
jour, dont les sorciers ne soupçonnaient pas 
l'existence. Ces heureux résultats augmen- 
tèrent leur prestige qui dura jusqu'au début 
du XIX« siècle. 






§ III. — Conjuration des sorts. 

'N dehors des sorciers dont la spé- 
cialité malfaisante était nettement 
déterminée , il en existait d'au- 
tres qui procuraient des avan- 
tages au moyen de sortilèges. Ceux-.ci étaient 
consultés lorsqu'on voulait se débarrasser 
d'un ensorcellement : c'étaient les bons sor- 
ciers. Ils détruisaient, par des pratiques à r^ 
bours, les maléfices des mauvais sorciers. 

Un grand nombre de moyens étaient em- 
ployés pour neutraliser les effets du sort» On 
atteignait fréquemment ce but en portant 
sur soi des talismans ou amulettes : un ser- 
pent empêchait d'avoir la vue charmée ; une 
tête de cerf-volant ou lucane, muni de ses 
cornes, ou quelques grains de sel, cousus 
dans rhabit,assuraient au conscrit un bon nu- 
méro ; des grains de sel au fond des baratte 
ou dans le fumier des établcs, un os de taupe 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 21 3 

porté SOUS Taisselle gauche, un des bas 
chaussé à l'envers, le buis, la ver\^eine, le 
trèfle à quatre feuilles suffisaient, non seule- 
ment à nous mettre à Tabri des sorts, mais 
encore à nous assurer le bonheur et l'accom- 
plissement de tous nos désirs. 

Si un méchant sorcier nous avait gratifié 
de -la fièvre, le bon sorcier nous en délivrait 
en prpnonçant certaine formule magique à 
laquelle il mêlait notre nom. Pendant Topé- 
ration, il tenait à la main une baguette de 
coudre (coudrier), qu'il lançait ensuite par- 
dessus son épaule gauche. 

Le fiévreux pouvait aussi employer le 
moyen suivant : recueillir les rognures de 
ses ongles, les déposer, la nuit, dans un trou 
pratiqué dans le tronc d'un jeune tremble. 
Le trou aussitôt rebouché, l'arbre prenait la 
fièvre du malade. 



* 



Porter sur soi de la corde de pendu pré- 
servait des maléfices. 

Lorsqu'une épidémie atteignait les ani- 



2 14 rOLK-LORE DE LA BEAUCE 

maux d'une écurie, d'une étable ou d'une 
bergerie, les ignorants n'en soupçonnaient 
pas la cause en dehors de la sorcellerie : un 
ennemi leur avait jeté un sort. Au lieu 
de chercher, par une hygiène bien comprise, 
à combattre le fléau, ils se contentaient, pour 
déjouer le sort, de prières, de neuvaines ; ou 
bien, dans plusieurs communes des environs 
de Chartres, ils faisaient tourner les che- 
vaux, les vaches, les moutons autour d'un 
feu, fait de certains bois, afin de guérir leurs 
bétes et de les préserver de tout autre malé* 
fice pendant l'année. 

Nos ancêtres, dans leur simplicité, ont fait 
appel à tous les moyens pour chasser les 
maléfices : ils ont usé de la nécromancie, de 
Taéromancie, de l'hydromancie, de la géo- 
mancie, de la pyromancie, de la botano- 
mancic, de la cristallomancie, de la chi- 
romancie, etc., etc. 

Les sorciers, paraît-il, choisissaient, de 
préférence, les carrefours des routes pour 
danser et chanter. Ils pouvaient ainsi s'em- 
parer d'un plus grand nombre de gens. Le 
clersçé ordonna d'v élever des croix. Et 



ET DU PERCHE 21 5 



comme les sorciers, suppôts du diable, ont 
horreur des croix, ils furent obligés d'aller 
faire leur sabbat dans les carrières ou dans 
les bois : la sécurité des chemins fut assurée. 



* 
* * 



S'il était agréable de pouvoir conjurer les 
sorts, il ne Tétait pas moins de faire souffrir 
les sorciers qui avaient jeté ces sorts. Pour 
obtenir ce résultat, on avait recours aux sor- 
ti ers-envoiiteur s, ou bien on prenait un cœur 
de bœuf dans lequel on enfonçait des épin- 
gles, des clous ; et, tout en prononçant des 
paroles d'imprécation, on le mettait cuire, 
sans eau, dans un vase de terre neuf. L'odeur 
qui s'échappait de cette préparation magique 
attirait le sorcier qui venait, suppliant, de- 
mander sa grâce. Le cœur de bœuf, jeté à 
ses pieds, enlevait le sort. 

Une peine plus sévère à infliger au sorcier 
consistait à faire dire une wesse du ^Saint- 
Esprit. Cette messe devait être dite par un 
prêtre-sorcier ; elle était dite // rebours et avait 
pour effet terrible de contraindre le sorcier 



2 l6 1 (M.K-I.OKE DE LA BEAUCE ET DC PERCHE 

qui avait jeté un sort à courir toutes les nuits 
le loup-garou. 

Dans beaucoup d'histoires de sorciers, il 
est mention de prêtres se mêlant à leurs 
exercices nocturnes. Les curés, aux yeux des 
paysans, passaient pour avoir un pouvoir 
analogue à celui des sorciers. Ils possédaient 
le secret de barrer le feu et même de mettre 
fin aux incendies, surtout lorsqu'ils prove- 
naient du/r// du t'icl. Barrer h feu^ c'était, 
au moyen de patenôtres secrètes, arrêter su- 
bitement les progrès de l'incendie . 




§ rV. — Les LoupS'Garous. 




Ie diable joue un grand rôle dans 
la sorcellerie, puisque les sorciers 
tiennent leur pouvoir d'un pacte 
conclu entre eux et lui. Cepen- 
dant, s'il faut en croire la tradition, le diable 
n est pas malin. Belzébuth , raconte-t-on , 
eut avec saint Martin une association passa- 
gère. Il s'agissait d'un champ de carottes et 
de blé qu'ils avaient laboure et ensemencé 
de compagnie. Dans le premier cas, le diable 
choisit la partie de la plante qui sort de terre : 
saint Martin eut la racine. Voyant qu'il avait 
été attrape, il prit, dans le second, la racine 
de la plante : nouvelle déconvenue. Il s'en 
arracha les cheveux de rage, assure-t-on. 

On rapporte, sur le compte du diable, 
nombre de faits dans lesquels il montre plus 
de méchanceté que d'adresse, plus de bêtise 
que de finesse. Partout il est bafoué, trompé. 



2l8 FOLK-LORE DK LA BEALXE 

pris au piège et même battu lorsqu'il opère 
en personne. Mais, lorsqu'il transforme en 
loups des sorciers ou des sorcières (ce sont 
les loupS'garous)^ il jette l'épouvante dans les 
troupeaux et les populations. 

Jusqu'au commencement du XIX« siècle, 
notre contrée était infestée de loups. Le 
nombre de leurs victimes fut considérable et 
grande la légitime terreur qu'ils inspiraient. 
Les paysans croyaient que les loups avaient 
des intelligences avec les sorciers et des ac- 
cointances avec le diable. On appelait me- 
fleurs de loups les gens qui avaient le pouvoir 
de charmer ces bêtes sauvages et de faire dé- 
vorer les troupeaux de leurs ennemis par 
leurs dociles compagnons. 






Nos populations beauceronnes croyaient 
fermement aux loups- garous. C'étaient des 
sorciers qui se changeaient en loups. Cette 
transformation , d'après la croyance popu- 
laire, était ou volontaire ou imposée par le 
diable; mais, dans les deux cas, ils avaient 



ET DU PERCHE 219 

les goûts et les mœurs des animaux auxquels 
ils ressemblaient. Les garous, en effet, ne se 
sont pas toujours changés en loups ; on les a 
vus quelquefois sous la forme de chats, de 
levrettes et même de vaches. 

D'après la tradition percheronne, les 
loups-garous n'étaient autres que des criminels 
qui avaient échappé aux recherches de la 
justice civile et ecclésiastique, et contre les- 
quels on avait lancé l'excommunication. 

Dès que la terrible sentence était fulminée 
contre le condamné, le diable le transformait 
en îoup'garou et il était condamné à courir le 
garou toutes les nuits. Ce supplice, qui durait 
sept ans, consistait à courir sans relâche à 
travers la plaine déserte, toujours poursuivi 
par Taiguillon infernal. 

Si le hasard mettait quelqu'un en présence 
d'un garou, il ne fallait pas lui adresser la 
parole, car le malheureux perdait alors le 
bénéfice du temps déjà écoulé et devait re- 
commencer à nouveau ses sept années de 
courses folles. 

Pour mettre fin au sort misérable du loup— 
garou, il fallait pouvoir le saisir, le plonger 



220 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

un instant la tcte dans l'eau et le frapper sur 
la tête jusqu'à effiision du sang. La puissance 
de Satan s'échappait avec le sang, renchan- 
tement cessait et le s^ai'ou reprenait la forme 

humaine. 



* * 



D'après une autre version, le loup-garou 
était un homme qui avait fait un pacte avec 
le diable, soit pour s'enrichir, soit pour se 
rendre invisible et nuire à ses ennemis. Pen- 
dant sept ans, il devait courir à travers la 
plaine. S'il mourait pendant ce temps, son 
;imc devenait la propriété du diable. Dans le 
cas contraire, au bout du temps fixé, l'enga- 
gement était rompu, l'homme cessait d't^tre 
sous l'empire du diable. 



Jfe 




§ V. — Histoires de Sorciers^ de Démons 
et de LoîipS'Garons. 




ES traditions beauceronnes et per- 
cheronnes rappellent un grand 
nombre d'histoires sur les sor- 
ciers et les loups-garous. Le 
diable y joue un rôle personnel ou occulte 
toujours malfaisant. Les récits de nos aïeux 
sont remplis d'apparitions merveilleuses ou 
effrayantes. La crédulité naïve du public, son 
ignorance des lois physiologiques et psycho- 
logiques, ont accrédité ces récits et les ont 
rendus populaires. Des faits bizarres sont 
rapportés, quelquefois difficiles à expliquer 
aujourd'hui ; c'est que le narrateur en a exa- 
géré l'importance, dénaturé le sens en laissant 
chevaucher son imagination exaltée. Ou bien 
ce soi-disant conteur fidèle, visionnaire pri- 
vilégié, n'est qu'un vil imposteur. 



222 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

La plupart de ces histoires, plus chimériques 

que diaboliques, manquent d'originalité. On 
les retrouve, avec le même fonds, sous des 
formes à peine différentes, dans toutes nos 
provinces de France ; en voici quelques-unes, 
assez caractéristiques, prises parmi celles qui 
nous ont été racontées. 






Le sorcier de FaveroUcs. 

Au XX^ siCxlc (ceci se passait en février 
1901), il existe un village, en Loir-et-Cher, 
où Ton croit encore aux sorciers. A Chavi- 
ij^ny, hameau de la commune de FavcroUcs, 
un cultivateur, ayant son fils atteint de la tu- 
berculose et dont l'état, malgré les soins du 
médecin, allait toujours en s'aggravant, fit 
venir, pour le soigner, un devin qui ne put 
Tcmpécher de mourir. 

Aussitôt arrivé, celui-ci s'écria : 

— Je vois ce que c'est : un sorcier 4 jeté 
un sort à votre fils. Heureusement pour vous, 
j'ai le pouvoir de le conjurer. Seulement, 



ET DU PERCHE 22 3 



ajouta-t-il, je prévois que le sorcier reviendra 
dans le village, vers le coucher du soleil, et, 
à la première personne qu'il rencontrera, jet- 
tera le même sort. 

Voilà pourquoi, pendant plusieurs semaines 
à Chavigny, vers le coucher du soleil, vous 
n'auriez pas rencontré âme qui vive. 

Toutes les portes étaient closes. On se bar- 
ricadait chez soi , et si un étranger venait à 
circulera cette heure fatidique, blotti crainti- 
vement derrière le rideau, on se chuchotait 
à l'oreille, bien bas : 

— Cest le sorcier ! 






La grange du Russay, 

On raconte qu'au Russay, près de Se- 
^nantes, se trouve une grange qui a servi de 
refuge aux sorciers ou au diable. Il y a, de 
temps immémorial , dans le mur nord de 
cette grange, un trou que nul n'a pu boucher 
et que personne, aujourd'hui encore, noserait 
essayer de boucher. 



224 FOLK-I.ORE DE LA BEAUCE 



* 



La ,çrange d' Ymonville. 

Il existe, il Ymonvillc(E.-et-L.),une grange 
dont la toiture ne put jamais être achevée. 

Les ouvriers qui la construisirent lais- 
sèrent, pour une cause inconnue, deux che- 
vrons à poser. Or ces ouvriers étaient des 
fla maçons (francs-maçons) — qui sont, dit- 
on, des sorciers, — ce qui fait que nul autre 
qu'eux ne peut achever leur ouvrage. Le 
propriétaire de la grange fit, à plusieurs re- 
prises, poser les deux chevrons manquants ; 
mais toujours, dans la nuit suivante, le tra- 
vail de réparation fut détruit. Si, dans ce vil- 
lage, vous demandez à voir cette grange, l'on 
vous répond qu'elle est située dans un autre 
bourg, si bien qu'on ne put jamais la voir. 






Fresna\^-rEvéque possède aussi une graagc 
dont le toit est resté inachevé. Ici, c'est le 



ET DU PERCHE 225 



diable qui, à la suite d'un pari, devait la bâ- 
tir entièrement en une nuit. Lorsque le coq 
chanta, il restait à boucher le trou... encore 
béant aujourd'hui. 



* 



Le Sorcier de La Loupe. 

De petits cultivateurs d'un village, près de 
La Loupe, voyaient successivement périr 
chevaux et vaches, sans que le vétérinaire pût 
déterminer la cause de la maladie. Ils con- 
sultèrent la rêveuse renommée des environs 
qui, prévoyant un sô {sort), les engagea à con- 
sulter sur-le-champ un homme très savant 
de Nogent-le-Rotrou, appelé le guérissettx. 
Celui-ci prévoit de grandes difficultés, fait 
verser 60 francs et demande quinze jours de 
répit pour conjurer le sort. Les quinze jours 
expirés, nouvelle visite, nouveau versement 
et rassurantes paroles de l'oracle qui ordonne 
aux braves et naïfs paysans de rentrer chez 
eux, de demander une neuvaine à leur curé 
sans lui en dire lemotif,d'achetcrtrcize cierges. 

15 



226 TOI.K-I.ORE DE I,A BEAUCE 

Le dernier jour de la neuvaine, mettre une 
paire de souliers neufs à la porte du corridor 
pour que le sort s'en aille» donner la provende 
pour trois jours aux bctes, faire un bon re- 
pas, allumer les cierges et se mettre au lit, 
trois jours durant, en gardant une diète et un 
silence absolus, sinon le sort nô partira pas. 
Les braves gens exécutèrent ponctuellement 
leis recommandations du guérisseux. Inutile 
de dire qu'ils en furent pour leurs souliers 
neufs et le sorcier, pour six mois de prison. 






I.C diable à Gauhcri. 

Une foule de faits, aussi étranges qu'ef- 
iViiyants, rapportés par le journal chartrain, 
V Abeille, dans son numéro du 14 mars 1849, 
se sont passés chez M. DoUéans, meunier à 
Gaubert, commune de Guillonville (Eure-et- 
Loir). Ce meunier fut victime d'un vol de 
bottes de foin et d'un commencement d'in- 
cendie. Sa domestique, Adolphine Benoît, 
accusa de ces méfaits un voisin nommé V. . . 



ET DU PERCHE 22' 



qui, arrêté, fut bientôt, faute de preuves, mis 
en liberté. Depuis le jour de l'arrestation de 
V..., il se passa chez M. Dolléans des 
choses effrayantes : des coups étaient frappés 
sur les planchers, les portes s'ouvraient seules 
avec fracas, les serrures et les cadenas dis- 
paraissaient, ^dolphine, surtout, était victime 
d'êtres invisibles. « Tantôt des cordes, des 
chandelles, des chifîes, des corbeilles à 
pain, des chopines pleines d'eau, et même 
de vieilles charognes, se trouvaient trans- 
portées sur son dos ou dans ses poches. 
Tantôt les ustensiles de cuisine, casseroles, 
poêlons, cuillers à pot, etc., venaient s'ac- 
crocher aux cordons de sa jupe ou de son 
tablier. D'autres fois, en entrant dans l'é- 
curie, les harnais des chevaux sautaient sur 
elle et l'entortillaient, de telle façon qu'un 
secours lui était nécessaire pour s'en débar- 
rasser. Un jour, les deux colliers des chevaux 
vinrent se placer sur ses épaules. Des sacs à 
farine s'abattaient sur elle et l'enveloppaient 

de la tête aux pieds » Pendant plus 

d'un mois, la pauvre fille fut en butte à toutes 
sortes de vexations qu'on attribua au diable. 



228 FOLK-I.ORE DE LA BEAUCE 

On supposa que V. . . était sorcier et que, 
pour venger son associé et punir sa dénon- 
ciatrice, il persécutait Adolphine. 

Le curé de Cormain ville fut appelé ; il fit 
l'exorcisme selon le rituel : le diable disparut, 
le moulin de Gaubert retrouva son calme 
habituel. • 



* 
* * 



La grotte du Mont-Chenu. 

A la suite de circonstances un peu nua- 
geuses, rapportées par la tradition sur le .sei- 
gneur d'un château-fort situé près de Péxv 
(E.-et-L.), et en raison de son pacte avec le 
diable, chaque année, depuis la mort du châ- 
telain, un prodige s'opérait dans les envi- 
rons dudit château, au champtier du Mont' 
Chenu. Le prodige avait lieu le jour de Noël 
et seulement pendant qu'à la messe de mi- 
nuit le curé de Pézy récitait la généalogie de 
Jésus-Christ. Voici en quoi il consistait : 
une crevasse énorme s'ouvrait, laissant aper- 
cevoir de longues galeries souterraines très 



ET DU PERCHE 229 

bien éclairées ; le long des murailles, étaient 
rangés des coffres immenses renfermant, les 
plus proches, de la monnaie de billon ; suc- 
cessivement, les autres contenaient de l'ar- 
gent, de Tor et, au fond, des pierreries et 
des diamants. 

Aucune cfifficulté pour pénétrer dans les 
galeries : la pente était douce ; mais le laps 
de temps, pendant lequel les trésors étaient 
accessibles, était si court et la distance à 
franchir si grande qu'on n'osait s'aventurer. 
La terreur de l'emprisonnement dominait la 
cupidité. Surtout qu'on apercevait çà et h\, 
gisant sur le sol, les squelettes des impru- 
dents visiteurs qui avaient payé de leur vie 
leur amour des richesses. 

On cite cependant quelques noms de per- 
sonnes qui ont dû s'enrichir par ce moyen. 
Ce sont des gens du pays qui, nés de p;i- 
rents pauvres , sont devenus riches , très 
riches, paraît-il, sans qu'on puisse savoir exac- 
tement comment ils ont acquis leur fortune 
présumée. On dit qu'ils sont allés puiser à 
pleines mains dans les coffres de la <;rotlc 
du Mont-Chenu. 



2^0 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






Le trésor de Véiang de la Fonte. 

L'élaiig de la Fonte j situe sur la commune 
de Montigny-le-Chartif (E.-et-L.), n'existe 
plus que de nom . Il n'en reste qu'un trou 
où viennent s'engouffrer avec fracas les eaux 
d'un étang voisin. Ce trou, autrefois légen- 
daire, 'renferme un trésor ; mais, comme tous 
les trésors, il est sous la garde du diable. Une 
porte en fer en masque l'entrée ; cette porte 
s'ouvre une fois l'an, pendant la messe de 
minuit ; monnaies de billon, d'argent et d'or 
sont rangées à une certaine distance de l'en- 
trée du souterrain. En un mot, c'est l'histoire 
du trésor du Mont-Chenu et celle de tous les 
trésors enfouis sous les vieux castels, les 
tombelles, les gouffres, etc. Le temps est li- 
mité, la distance à franchir est assez grande, 
le diable garde l'entrée, les ambitieux seuls 
s'y laissent prendre. 

La Tour de Montlandon, près La Loupe, 
renferme également, d'après les traditions, 
des trésors merveilleux. 



ET DU PERCHE 23 1 



* « 



Les sorciers de Doiirdan. 

Pour compléter ces histoires de trésors 
enfouis, nous rapporterons textuellement les 
avatars des Sorciers de Dourdan, signalés, 
en 1875, par V Astrologue de la Bcauce et du 
Terche : 

« Vers 1740, il courait par la Bcauce d'é- 
tranges bruits. Dans les marchés, dans les 
cabarets, on se répétait à l'oreille qu'il y avait 
à Dourdan des sorciers qui étaient en com- 
munication avec le diable et avaient le secret 
de lui faire donner ou découvrir des trésors. 

Plus d'un paysan hochait la tête d'un air 
incrédule, mais rentrait chez lui fort préoc- 
cupé, et, sans en rien dire à ses voisins, se 
décidait à faire le voyage de Dourdan, pour 
consulter Monsieur Jean-Baptiste Potin et ses 
deux ou trois acolytes. Ce n'était pas chose 
aisée d'obtenir de ces puissants personnages 
qu'ils se déterminassent à faire une évocation 
ou appela et une femme de Chartres leur avait 



232 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

vainement offert 2,500 livres pour venir 
chez elle. Le rendez-vous était souvent fort 
loin : un nommé Henri Moutier, de Saint- 
Arnoult, avait dû aller jusque dans le parc de 
Versailles, conduisant sa charrette attelée de 
cinq chevaux et chargée de six poinçons 
vides destinés à rapporter le trésor. En géné- 
ral les appels se faisaient aux environs de 
Dourdan, à minuit, dans quelque lieu écarté. 
C'était dans un champ de fèves, derrière la 
chapelle Saint-Laurent ; c'était encore dans 
la « cave de Bistelle » ou bien dans une cave 
de Rochefort ou de BuUion, ou dans un ca- 
binet de Tauberge du sieur Masseau, à Ram- 
bouillet, chez qui le diable avait élu domicile. 
Il ne fallait pas un mince courage pour as- 
sister aux évocations, car il s'y passait des 
choses effrayantes. A la clarté de six chan- 
delles, et après avoir brûlé des parfums dont 
on était presque asphyxié. Potin faisait des 
cercles avec une baguette, puis il s'écriait 
par trois fois d'un ton de maître : a Astaroth, 
« je te fais commandement de la part du 
(T grand Dieu vivant et de la main de gloire 
« que lu aies à paraître devant moiî » Et 



ET DU PERCHE 233 



alors le diable se montrait sous la fiinirc d'un 
ours, ou bien sous celle d'un homme vêtu 
de noir ou de blanc avec une mitre d'or, d'ar- 
gent et de pierreries sur la tête, quelquefois 
seul, quelquefois accompagné d*unc cinquan- 
taine de diablotins. Astaroth était exigeant : 
il fallait faire un pacte de renonciation au 
baptême, se piquer le doigt avec une épingle 
et signer avec son sang. Le diable signait de 
son côté avec de l'encre sur un tapis brillant 
comme du feu. Alors il indiquait un jour pour 
livrer le trésor, se faisait payer son voyage, 
faisait sonner son argent dans des barils à 
harengs et disparaissait. Quelquefois Asta- 
roth était méchant, mordait, égratignait et 
battait les assistants. 

Il fallait aussi une patience éprouvée et 
une bourse déjà bien garnie pour tenter pa- 
reille aventure. Il était indispensable de se 
procurer un exemplaire du livre « des quatre 
princes, » paraphé du diable ; il fallait payer, 
en attendant minuit, le souper de la compa- 
gnie, payer les chandelles et les parfums, 
payer, après minuit, les quittances et les en- 
gagements, de Dourdan à Rochcfort, de Ro- 



2 54 FOLK-LORE DE LA PEAUCE 

chefort à Rambouillet ou à Chartres, ou ail- 
leurs, suivant le lieu indiqué pour la livrai- 
son du trésor. Le diable apportait une statue 
d'or, les assistants, ne pouvant la partager, 
demandaient de l'argent monnayé, et c'était à 
recommencer. Le plus difficile, dans cer- 
taines occasions, c'était de trouver un prêtre 
en habits sacerdotaux, qui voulût bien se 
charger des péchés de trente ans et saisir le 
diable avec une étole ou un cordon bénit, 
pour lui faire rendre des engagements ou des 
papiers de succession perdus. On n'avait pas 
d'autre ressource alors que d'aller chez le 
curé de Bullion, le sieur d'Enfert, qui ne 
refusait pas son service, mais qui le faisait 
singulièrement attendre. 

Or, il arriva qu'au commencement de juin 
1744, Martin Lorr}% meunier à Sonchamp, 
fut un peu moins patient que les autres. Il 
s'agissait pour lui d'un trésor de vingt mil- 
lions, caché dans un vieux château ; Astaroth 
le traînait de rendez-vous en rendez-vous, et 
rappel définitif n'arrivait pas. Lorr}^ en était 
déjà pour plus de mille livres de voyages du 
diable, de parfums, de régals à Potin et con- 



ET DU PERCHE 235 



sorts chez Trouvé, Barré, Guérot, cabarcticrs 
de Dourdan, et chez tous les aubergistes de 
la contrée. Il causa un peu et reçut des con- 
fidences inquiétantes : Moutier, de Saint- 
Arnoult, avait aussi déboursé mille livres; 
son voisin, Louis Goudron, le vigneron, avait 
payé tant de voyages qu'il en était réduit à 
coucher sur la paille, et Masseau, Tauber- 
giste, à se faire homme de peine; Jaudon, 
l'arpenteurde Rambouillet, avait donné douze 
cents livres et de plus sa fille en mariage à 
un des sorciers, pour le mettre dans ses inté- 
rêts ; Laroche de Saint- Arnoult avouait cent 
cinquante livres ; Lair de Bullion en avait 
déboursé six cents. — Personne n'avait rien 
reçu. 

L'abbé Buchèrc, curé de Sonchamp, reçut 
quelques doléances de son paroissien, il écri- 
vit à M. Védye, lieutenant-général de Dour- 
dan, et l'aftaire prit une autre tournure. Les 
lieutenants-généraux ne croient pas aux sor- 
ciers. Une enquête fut faite. Lorr}^ servit 
d'espion, et la cabale fut découverte. Les 
sorciers de Dourdan n'étaient que des escrocs 
ou des fous. Potin avait passé sa vie à jeter 



236 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

des sorts et à prétendre guérir de la colique, 
hommes et bêtes, avec des herbes ; il avait 
déjà fait un bon séjour à Bicêtre. Clespe, jar- 
dinier, lui ser\'ait de compère, plusieurs 
autres Dourdannais partageaient la recette 
comme complices. D'autres, d'abord dupes, 
étaient entrés dans la compagnie, et l'un d'eux 
s'était chargé de faire Astaroth. Un pcrc An- 
tonin, sous-prieur de l'abbaye de Clairefon- 
taine, pauvre tête séduite par le cardinalat 
avait sacrifié pour cela son pécule de 700 livres 
et était devenu séducteur pour le regagner. 
Quant au sire d'Enfert, c'était un vieux fou 
qui recevait chez lui une foule de bergers et 
de vauriens, et était le scandale de sa paroisse 
et la désolation de ses supérieurs. — Les pré- 
tendus livres mystérieux, montrés aux braves 
gens, n'étaient simplement que desalmanachs, 
et un grimoire à demi-brûlé fut repêché dans 
la rivière par des laveuses. Quand la chose 
fut ébruitée, il se trouva dans la contrée plus 
de trois cents témoins à charge. Les sommes 
reçues par les sorciers atteignaient un chiffre 
considérable, et l'on murmurait les noms de 
plus de vingt bourgeois des meilleures familles 



ET DU PERCHE 237 



de Chartres qui attendaient encore des 
trésors. 

Grande fut rémotion de la population de 
Dourdan quand, sur un mandat d'amener de 
M. le lieutenant-général, les sorciers, escor- 
tés par la maréchaussée, firent leur entrée 
dans la grosse tour, et quand on vit pendant 
de longues journées, à la barre de l'auditoire, 
ces personnages redoutés répondre de leurs 
méfaits, tout comme des voleurs. C'est par 
des huées que Potin, Clespe et compagnie 
furent salués, le 22 août 1744, quand ils 
montèrent en charrette, pour faire le voyage 
de Bicêtre, avec le brigadier, porteur des 
lettres de cachet paraphées du roi. Ce qui 
n'empêcha pas, plus d'une bonne âme, de se 
signer en les voyant partir, et de saluer bien 
bas quand vint à passer, nombre d'années 
après, quelqu'un d'entre eux, sorti, à la prière 
d'une grande dame, de « Thôpital général 
de la bonne ville de Paris ». 



2^8 FOI.K-I.ORE DF: LA BEAUCE 



'«^ r 



Nogent-Ie-Rotrou maléficié. 

Au milieu du XIX« siècle, une épidémie 
de choléra sévissant à Nogent-le-Rotrou, la 
municipalité, par mesure d'hygiène, ordonna 
d'arroser, chaque matin, le devant des mai- 
sons. (La source des Lambert, à cette époque, 
n'alimentait pas encore la ville.) Les paysans 
percherons se firent rares le jour du marché : 
ils prirent cette mesure d'hvgiène pour un 
maléfice qui n'avait d'autre but que celui de 
vicier l'air et de répandre le choléra. Les no- 
«^entais, de leur côté, s'enfermaient chez eux 
aussitôt après l'arrosage, persuadés que les 
miasmes seraient absorbés par les campa- 
gnards en arrivant à la ville ; après quoi, ils 
pouvaient sortir sans crainte 



ET DU PERCHE 259 



* 



Le loup-garou beauceron. 

Il y avait autrefois (on ne précise pas le 
siècle), dans une ferme de la Beauce, (les 
noms varient) un vacher qui découchait 
toutes les nuits. Maîtres et domestiques 
avaient remarqué ses absences nocturnes, 
mais ils n'en parlaient qu'entre eux. A cette 
époque, un loup-garou parcourait la plaine ; 
il venait, chaque nuit, rôder autour de la 
ferme et agacer les chiens, en passant son 
museau par la chatière percée dans les grandes 
portes. 

Intrigué des sorties régulières de son valet, 
le fermier voulut voir où il allait. Il se 
cacha à la sortie de la ferme, décidé à le 
suivre. Le vacher sortit peu après, gagna 
un hangar situé à cent mètres environ et re- 
tira de sous sa blouse un paquet enveloppé. 
C'était une large ceinture qu'il se mit autour 
du corps. Aussitôt il devint loup-garou et 
partit au galop à travers la campagne. 



240 ri)LK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

Le fermier rentra, non sans frayeur, en 
son logis ; néanmoins il reprit courage, et, 
s'armant d'un gros bâton ferré, il alla se pla- 
cer à proximité de la chatière. A peine était- 
il à son poste que les chiens aboyèrent avec 
rage : la tcte du loup-garou était à demi 
passée dans la chatière. 

Le fermier frappa un coup de sa matraque ; 
le sang jaillit. Une voix dit aussitôt : « Tant 
mieux, je suis quitte; j'en avais encorepour 
trois ans. » 

Le lendemain, le fermier vit une cicatrice 
sur le front de son vacher qui, depuis lors, 
ne sortit plus la nuit. 



^ 



CHAPITRE V. 



Le Monde Fantastique. 



§1- 



Les Fées. 




^iL reste encore, dans nos contrées, 
quelques adeptes de la sorcellerie, 
on peut dire que la féerie n'existe 
plus qu'à l'état de souvenir. Les 
fées ont tenu une grande place dans l'imagi- 
nation de nos ancêtres beaucerons et perche- 
rons. On en retrouve des traces dans les ap- 
pellations données à certains mégalithes 
{Cf. 11^ Tartie. — Chap. /. — § ///. Culte 
des Pierres : Pierres-des-Fées ; ^al des Dames 
de Bainville), et à de vastes souterrains. (§ V : 
Croih-auX'Fées, Groites-des-Vierges). On les 

i6 



242 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

appelait Fêes^ Vierges^ Daines ou Demoiselles, 
Les fées ne se montrant plus de nos jours, 
c'est auprès des vieilles gens que nous avons 
pu connaître leurs exploits d'antan. D'après 
eux, si les fées ne se voient plus, elles con- 
tinuent, comme par le passé, à s'occuper des 
enfants. Un enfant a sa bonne ou sa mauvaise 
fée qui influera sur sa destinée future. Ré- 
duites ainsi à jouer ce rôle invisible, les fées 
nous ont paru se confondre, dans l'idée de 
ces vieillards, avec la providence ou le ha- 
sard, ou avec la destinée même. 

Les fées étaient considérées comme im- 
mortelles ; elles possédaient un pouvoir sur- 
naturel offrant une ressemblance assez frap- 
pante avec celui des sorciers. Quoique im- 
mortelles, elles étaient, comme les hommes, 
sujettes aux maladies et aux passions hu- 
maines. Quelques fées épousèrent des 
hommes ; elles eurent des enfants ; mais alors, 
elles cessaient d'être immortelles. 

Un grand nombre de fées prenaient plaisir 
à voler les enfants des hommes; elles les 
remplaçaient la nuit, par des êtres petits,ma- 
linî^res, contrefaits et idiots. 



ET DU PERCHE 243 



Les fées avaient pour demeures des tertres 
naturels, des rochers, des étangs, des fon- 
taines, des grottes. On en voyait, môme sur 
les nuages, pendant les orages. On assure 
que certains dolmens ont été apportés par des 
fées, dans leur dei'antière (tablier), afin de 
masquer aux hommes l'entrée de leur 
demeure. 

Rarement les fées sortaient pendant le jour; 
mais, la nuit, tout le monde pouvait les voir 
aller et venir, danser en rond ou laver aux 
fontaines. L'herbe ne repoussait plus dans 
l'endroit où elles s'étaient abandonnées aux 
tourbillons de leurs farandoles échevclées. 



* 



Les ondines des fontaines lavaient leur 
linge : un linge blanc, d'un blanc inimagi- 
nable ; elles retendaient sur le gazon le plus 
proche. Lorsque des chrétiens (on donne com- 
munément ce nom aux hommes) essayaient 
d'y toucher, le linge devenait invisible. Toutes 
ces fées étaient grandes, sveltes, d'une beauté 
éblouissante. 



244 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

D'autres, au contraire, maigres, tannées, 
débraillées ressemblaient à des squelettes ; 
celles-ci lavaient, avec une sorte de rage, 
quelque chose de livide, de forme indistincte 
qui, sous les coups du battoir, semblait gémir 
et pleurer : c'étaient, disait-on, des âmes 
d'enfants morts sans baptême. 

Plusieurs fontaines de la Beauce ont ser\'i 
de demeures aux fées. Nous citerons notam- 
ment celle de Barboton, près Bonneval. Sui- 
vant la tradition, la Dame marchait sur Y eau 
comme Notre-Scigneiir ; elle se posait sur les 
roseaux sans que les roseaux fléchissent. Vê- 
tue d'une robe et dun voile de gaze blanche, 
au printemps, elle occupait toutes ses nuits à 
cueillir des fleurs ; au temps de l'Avent, elle 
priait et se lamentait. 






Une autre fontaine, aujourd'hui disparue, 
rappelle le souvenir des mauvaises fées : elle 
était située dans les environs d'Auneau, et 
alimentait la mare du bois de Sainville. Cette 
source était très capricieuse; parfois, après 



ET DU PERCHE 245 



de longues pluies, elle laissait la mare à sec, 
tandis qu'elle la faisait déborder après une 
sécheresse persistante. On disait alors que la 
source prédisait les années d'abondance 
et de disette. Une naïve légende s'y rat- 
tache. 

Par une brûlante journée d'été, saint 
Maur traversait la plaine nue et aride de la 
Beauce; se rendant à Auneau, il passait, 
mourant de soif, auprès de ladite fontaine. 
Agenouillées au bord de la mare, quatre 
jeunes filles lavaient le linge de la famille. 
Saint Maur demanda et obtint la permission 
de se désaltérer. Pendant que le voyageur 
était penché sur l'onde, le diable, qui le pour- 
suivait sans cesse, tenta malicieusement l'une 
des jeunes filles ; avec son battoir, elle poussa' 
le malheureux pèlerin qui plongea dans la 
mare peu profonde en cet endroit. Il se releva 
sans mot dire et continua sa route. Mais le 
soir, les jeunes filles ne rentrèrent pas chez 
elles : le diable les avait emportées . 

Depuis lors, entre minuit et le chant du 
coq, les jeunes filles revinrent, comme des 
fantômes, échevelées, les yeux hagards, 



246 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

frapper à coups redoublés sur le linge. Un 
bruit sinistre, des cris étouffés, des craque- 
ments d'os brisés se faisaient entendre autour 
de cette étrange scène que certains paysans 
prétendent avoir vue. 

La petite source a disparu, mais la légende 
subsiste toujours et se raconte à la veillée, 
comme une leçon de respect aux saints et de 
châtiment pour leurs insulteurs. 

Les méchantes fées étaient rares ; il ne fal- 
lait pas les contrarier, sinon elles se vengeaient 
sur la personne, sur sa famille ou sur ses 
biens : elles volaient les enfants ou les vouaiaii 
au luauvais destin ; eWcs son fflaieiit dts maladies; 
elles rendaient stériles prairies, moissons ou 
vendanges. 

En général, les fées aimaient à rendre ser- 
vice aux hommes et ne demandaient aucune 
récompense. Grâce â elles, des bobines en- 
tières de lin furent filées en une nuit; des 
animaux, des personnes furent guéris. Elles 
avaient une préférence marquée pour les gens 
d'humble condition. On en a vu garder les 
moutons dans la phine, soigner le bétail dans 
la ferme, lilles allaient même, la nuit, parles 



ET DU PERCHE 247 



cheminées, auprès des enfants au berceau ; 
elles les levaient, les changeaient, les réchauf- 
faient, les recouchaient bien endormis, après 
quoi, elles repartaient comme elles étaient 
venues. 

Tels sont les souvenirs que nous avons pu 
recueillir sur les fées de nos contrées , au 
iemps où elles se montraient aux hommes, La tra- 
dition populaire est pauvre sur ce point ; elle 
a laissé s'évanouir,avec les vapeurs des étangs, 
ces légendes et ces contes merveilleux qui 
dataient du moyen âge, époque des poétiques 
fictions, où les fées, êtres divins, se plaisaient 
à errer au milieu de notre chétive humanité. 





§ n. — Les Lutins, 

ES lutins, comme les fées, ne se 

montrent plus maintenant ; mais 

les vieillards en parlent encore et 

se souviennent des tours qu'ils 

jouèrent à maintes personnes. 

Les lutins ou farfadets n'étaient ni des 
hommes, ni des animaux : c'étaient des êtres 
à part, (des esprits, peut-être), malicieux et 
enjoués, serviables et vindicatifs. Ils habi- 
taient, le jour, dans les lieux déserts, dans 
les bois, dans les masures abandonnées. Dès 
le crépuscule, ils quittaient leurs demeures 
et venaient dans les villages se livrer à toutes 
sortes d'espiègleries. 

Quoique capricieux et fantasques, ils ai- 
maient à rendre service ; ils soignaient les 
chevaux, les pansaient, les étrillaient et se 
plaisaient à tresser leurs crins. C'est à ce 
dernier signe que les charretiers s'aperce- 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 249 

vaient, au matin, de la visite nocturne des 
lutins. Chevaux et vaches, pris en affection 
par eux, devenaient pleins de santé et de 
vigueur. 

Certains farfadets se complaisaient dans les 
soins du ménage. Lorsque la ménagère ou la 
servante leur semblaient travailleuses, ils ve- 
naient la nuit soigner les enfants, cirer les 
souliers, laver la vaisselle, balayer Taire, etc. 

Ces bons offices qu'ils rendaient à certaines 
personnes ne les empêchaient pas de s'aban- 
donner à leur nature espiègle. Ils cachaient 
l'aiguille de la couturière, la truelle du ma- 
çon, la faux du moissonneur, le rabot du 
menuisier ; ils emmêlaient le fil du tisse- 
rand, faisaient des nœuds dans le ligneul du 
cordonnier. 

Si Ton contrecarrait les lutins dans leurs 
caprices, ils devenaient malfaisants. La nuit, 
ils remuaient les casseroles, les meubles, les 
lits ; ils allaient jusqu'à faire des cabrioles sur 
la poitrine des gens endormis. Une fois 
irrités, les farfadets devenaient terribles : 
hommes, femmes, enfants étaient maltraités 
avec une violence inouïe. 



250 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE 



Pour se soustraire aux mauvais traitements 
dos lutins, il était sage de porter sur soi un 
peu d'eau bénite. Les bras placés en croix 
les éloignaient également. Enfin, si l'on 
tenait ouvert un couteau sur la poitrine, ils 
se blessaient et disparaissaient : on était pour 
toujours débarrassé de ces êtres invisibles. 






Une bonne vieille nous a raconté que les 
farfadets prenaient quelquefois l'apparence 
de tourbillons de vent ; ils dispersaient ainsi, 
à travers la plaine, foins ou céréales, au gré 
de leurs caprices. Elle fut, elle-même, un 
soir, victime de leurs espiègleries. Elle quit- 
tait un champ de luzerne que les farfadets 
avaient éparpillée. Mécontente, à juste titre, 
elle maugréait contre ces mauvais génies, 
lorsque, tout à coup, elle sentit soulever son 
bonnet. Se retournant, elle vit sa coiffure 
s'élever dans les airs et aller s'accrocher à 
rcxtrémité supérieure de l'aile d'un moulin 
à vent. Elle entendit en même temps rire 
les farfadets. 



ET DU PERCHE 25 I 



•■le * 



Un journalier prétend avoir été autrefois 
tourmenté par les lutins. Ils le jetèrent dans 
la mare ; ils lui cassèrent sa faux pendant 
qu'il coupait une luzerne très tendre et peu 
drue, etc. etc. ; mais ses habitudes bien con - 
nues d'intempérance rendaient ses dires sus- 
pects. Ses voisins, qui, cependant, croyaient 
aux lutins, ne rendaient pas ces derniers 
responsables des mésaventures arrivées au 
journalier. 

La tour de Montlandon fut jadis, suivant 
les légendes, hantée par une légion de mau- 
vais esprits. Revenants, sorciers, fées mal- 
faisantes s'y donnaient rendez- vous. Les 
lutins, vous le pensez bien, étaient de la 
partie. Mais voici qu'une fois « les lutins, 
au dire du Solitaire du Perche, sortent en 
troupe de dessous les pierres et des trous de 
la tour maudite. Ils vont s'établir, en plein 
minuit, dans des hôtels renommés du fau- 
bourg, pour y faire le ménage à leur fantai- 
sie, brassent tout, remuent tout, brouillent 



252 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

tout, sans réveiller personne. Le matin, la 
grosse domestique se trouve coifFcc d'une 
paire de bas, la bourgeoise a pour manches 
les jambes de la culotte de son mari, chaque 
voyageur a perdu sa botte ou son soulier 
du pied gauche. On cherche, peine inutile. 
Pourtant, bientôt la chose s'explique. On 
passe à la salle à manger pour déjeuner : la 
table est servie; les chaussures égarées y 
figuraient, les satanés lutins les avaient fait 
sauter dans la poêle pour en faire une sauce 
piquante ! . . . 

Cher lecteur! puisse votre bonne fortune 
vous garder des lutins de la tour de Mont- 
landon ! . . . » 



a? 



^^is^is^^ 




§ III. — Les Follets. 

(ANS le Perche, sur les bords de la 
Conie, près des marais de Se- 
nonches, les vieux paysans af- 
firment que, pendant les chaleurs, 
le soir, voltigent des feux-follets , appelés, sui- 
vant les localités, simplement follets, fallots ou 
flambas. Cette dernière appellation est un di- 
minutif de flambart, qui vient de flamme 
que les beaucerons et les percherons nomment 
flambe. Ces feux-follets choisissent, disent- 
ils, les endroits dangereux pour voltiger de- 
vant vous afin de vous égarer et vous faire 
tomber dans les précipices. La preuve, ajou- 
tent-ils, c'est qu'ils vous quittent dès qu'ils 
n'ont plus le pouvoir de vous nuire. 

Ces feux-follets ne sont autres que les 
lueurs phosphorescentes produites par les 
feux des marais, les charognes abandonnées ; 
leur apparition s'explique donc d'une ma- 



254 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

nière toute naturelle, de même que leur dis- 
parition qui se fait toujours dans les lieux 
bas, dans les sources ou les fondrières. Mais 
pour les esprits crédules, ce sont de malins 
esprits, des âmes qui ont fait un pacte avec 
le diable. 

Le follet est aussi naïf que méchant, 
puisque, pour s'en débarrasser, il suffit de 
lui jeter un mouchoir ; aussitôt il vous quitte 
et s'amuse à jouer avec ce mouchoir que 
vous retrouverez intact le lendemain matin, 
à l'endroit même où vous l'avez jeté. Si vous 
lui jetez un couteau ou tout autre objet tran- 
chant, vous le trouvez ensanglanté le lende- 
main : en jouant, le flamba s'est blessé ! 

De vieux paysans convaincus citent volon- 
tiers les noms de ces amis du diable qui, le soir, 
se transportent près de l'endroit où l'un de 
leurs ennemis doit passer, se couchent sur le 
dos, prononcent quelques paroles cabalis- 
tiques, et exhalent leur ùmc sous la forme 
d'un flamba qui essaye d'égarer celui à qui 
ils veulent nuire. Si, voyant un flamba, vous 
trouvez un corps et le tournez face contre 
terre, au point du jour, vous verrez le flamba 



ET DU PERCHE 255 

voltiger tout autour et chercher l'issue par 
où il en est sorti. Si, avant le jour, il n'est 

pas parvenu à y rentrer, il s'envole et devient 
la propriété du diable, tandis que le corps 
cessera de vivre. 

Le feu follet pénètre aussi quelquefois dans 
les écuries ; il suit le râtelier avec une lan- 
terne, s'attache à la crinière des chevaux, la 
mêle si bien que ne pouvant la démêler, on 
est obligé de la couper (i). 



« 



Il existe une grande analogie entre les 
follets et les lutins. A part leur clarté, les fol- 
lets offrent les mêmes caractères que les far- 
fadets et les fées : c'est une classe d'êtres 
surhumains, invisibles parfois, ni anges, ni 
démons, tantôt bons, tantôt malfaisants, mais 
toujours capricieux et badins. 

Fées et lutins ont disparu, mais les follets 

(i) Les Anglais ont également cette croyance ; leur 
feu-follet s'appelle Jack Û'IanterUy c'est-à-dire Jack 
porte-lanterne. 



256 FOLK-LORE DE LA BEAL'CE 

existent encore dans la pensée obscure de la 
classe ignorante. Nous avons entendu ra- 
conter, sur leur compte, maints méfaits. 



* 



En revenant de son travail, le soir, le 
père P., d'Ouarville, prétend et affirme avoir 
été souvent poursuivi par les feux-follets. Ils 
couraient devant lui, derrière lui, à ses côtés, 
sautant à droite, gambadant à gauche, afin 
de l'éblouir et le faire tomber dans les car- 
rières qui bordent la route . Ils étaient plus 
nombreux les jours de pluie. Ils plongeaient 
dans les flaques d*eau et réapparaissaient en 
flammes vertes, bleues, jaunes, rouges, tou- 
jours sautillant afin de l'aveugler. Lorsqu'il 
avait juré plusieurs fois après eux, les feux- 
follets disparaissaient : ils ne peuvent en- 
tendre le nom de Dieu, même en juron. 






La nicre Mélie est sourde : « c'est de la 
faute aux follets ». Elle rentrait au village 



ET DU PERCHE 257 



(toujours le soir) , portant sur son dos un 
fagot d'herbe, pour sa vache. Les follets 
voltigeaientj sans cesse, autour d'elles. L'un 
d'eux, très brillant, vint plonger dans une 
flaque d'eau, presque à ses pieds. Quoique 
chargée, elle sauta, à pieds joints, dans la 
flaque d'eau, pour y noyer le follet. Elle 
l'aperçut aussitôt, quelques pas plus loin, 
et l'entendit pousser un ricanement strident. 
Au mcnie instant, ses oreilles bourdon- 
nùrent, « comme si toutes les cloches de 
Chartres avaient été auprès d'elle ». Elle 
les entend toujours sonner. Voilà pourquoi 
la mère Mélie est sourde ! 



* 



Un pauvre diable, légèrement aviné, fes- 
tonnait un soir sur le chemin, bien droit 
pourtant, qui devait le ramener à sa chau- 
mière. Un flamba sort d'une fondrière, sau- 
tille devant ses yeux papillotants, Téblouit, 
l'égaré, lui fait traverser chaumes et guérets, 
le mène, le ramène, enfin le conduit en face 
d'une route « unie comme un miroir ». Le 

17 



258 FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

malheureux avance d'un pas : Pouf I le voilà 
barbotant dans le fossé, plein d'eau, situé 
derrière son jardin. Il crut aussi entendre, 
en se relevant, l'éclat de rire du flamba qui 
était arrivé à ses fins. 





CHAPITRE VI. 



Coutumes. — Traditions. — Superstitions 

diverses. 



§ I. — Coutumes religieuses. 




i certaines pratiques superstitieuses 
nous ont été léguées par le paga« 
nisme, d'autres procèdent de la 
religion chrétienne. L'Eglise, en 
admettant les pactes avec les démons, en re- 
connaissant les possessions, en pratiquant 
les exorcismes, fit éclore , chez les esprits 
simples, la croyance au diable et aux sorciers. 
D'autre part, la foi ne fut malheureuse- 
ment, pendant plusieurs siècles, trop souvent 
invoquée que pour couvrir la spéculation. 



léo FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

En ce temps-là, certains monastères firent 
un honteux trafic de reliques incertaines ou 
absolument fausses. Nous ne parlerons que 
pour mémoire de la ceinture de sainte Mar- 
guerite, du prépuce de Jésus-Christ, que les 
bonnes gens appelaient le saint précipuce^ du 
lait de la sainte Vierge, d'une des larmes 
versées par le Christ sur la mort de Lazare. 
Ce trafic rapportait des milliers de livres de 
rente à ces moines qui rappelaient les prêtres 
de Cybèle, débitant leurs amulettes dans les 
carrefours. La saine morale et la beauté de 
la doctrine chrétienne disparaissaient sous ce 
composé de superstitions grossières. 

Les théologiens ont d'ailleurs flétri ces 
croyances et ces pratiques superstitieuses. 
Mais ils ont trouvé une vive résistance dans 
la naïveté et la crédulité populaires. Ils n'ont 
pu, par exemple, détruire ces croyainces : 
qu'en récitant certaines oraisons, en portant 
certains signes extérieurs, on ne mourra point 
en péché mortel, on ne sera point blessé dans 
les combats, on obtiendra de Dieu tout ce 
qu'on lui demandera, on délivrera une âme 
du purgatoire, on verra la Sainte Vierge 



ET DU PERCHE 26 I 

avant de mourir, on ne demeurera en pur- 
gatoire qu'un certain temps, etc. 

* * 

Dans cet ordre d'idées, il est facile, de re- 
connaître la superstition de la prière ridicule 
que Ton appelle la Patenôtre blanche^ dont les 
zélateurs, qui sont en assez grand nombre à 
la campagne, promettent infailliblement le 
paradis à ceux qui la disent tous les jours : 

« Petite Patenôtre blanche que Dieu fit, 
que Dieu dit, que Dieu mit en paradis. Au 
soir m'allant coucher, je trouvis trois anges 
à mon lit couchés, un aux pieds, deux aux 
chevets, la bonne Vierge Marie au milieu, qui 
me dit, que je m'y couchis,que rien ne doutis ; 
le bon Dieu est mon père, la bonne Vierge 
est ma mère, les trois apôtres sont mes frères, 
les trois vierges sont mes sœurs. La chemise 
où Dieu fut né, mon corps en est enveloppé, 
la croix sainte Marguerite, à ma poitrine est 
écrite. Madame va sur les champs à Dieu 
pleurant, rencontritM. saint Jean. — M. saint 
Jean d'où venez ? — Je viens d'AvE Salus. — 
Vous n'avez point vu le bon Dieu ? — Si est, 



2é2 FOLK-LORH DE LA BEALCi; 

il est dans l'arbre de la croix, les pieds pen- 
dants, les mains clouants, un petit chapeau 
d'épine blanche sur la tête. Qui la dira trois 
fois au soir, trois fois au matin, gagnera le 
paradis à la fin. » 

Il convient de rattacher à ce genre de 
prières grotesques, les incantations des gué- 
risseux et les invocations des personnes at- 
teintes de fièvres, maux d'yeux, érésipèles, 
etc. Ces inspirations baroques se ressemblent 
étrangement. Il nous suffira d'en citer 
quelques-unes pour les connaître presque 
toutes. 

Pour guérir les maladies de la vue : 

a) « Saint Jean, sainte Vierge et tous les 
saints du Paradis, guérissez l'œil de X..,(nom 
et prénoms du malade). Maille, que tu sois 
ongle, migraine ou araignée, je t'ordonne de 
quitter cet œil au nom de Notre-Scigneur 
Jésus-Christ. » 

l'aire le signe de la croix avant, pendant 
et après la conjuration, souffler dans l'œil du 
malade et lui ordonner de dire trois Pater 
et trois Ave, 

h). K( Je ne ferai que ce qu'il plaît à Dieu. 



ET DU PERCHE 263 



Au nom de Dieu et de la Sainte Vierge, si 
c'est une tache, que Dieu la détache; si c'est 
le dragon, que Dieu le confonde ; si c'est 
une fleur, que Dieu l'anéantisse ; si c'est 
l'ongle, que Dieu le décombre î » 

Répéter cette oraison le matin, avant le 
lever du soleil, jusqu'à complète guérison. 
Y joindre cinq Pater et cinq Ave^ en mémoire 
des cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus- 
Christ. 

c). — (( Fleur, si tu es blanche, que tu 
déblanches; si tu es rouge, que tu dérouges, 
si tu es bleue, que tu sortes de ces yeux, 
au nom de sainte Claire et de la sainte 
Trinité. » 

Dire cinq Pater et cinq Ave, en l'honneur 
des trois personnes de la sainte Trinité et 
de sainte Claire. 

Pour guérir le mal de dents : 

a Sainte Appoline, assise sur une pierre 
de marbre, Notre-Seigneur, passant par là, 
lui dit : Appoline, que fais-tu là ? » 

— Je suis ici par mon chef, par mon 
saint, pour mal de dents. 

— Appoline, retourne-toi, si 'c'est une 



264 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

goutte de sang, elle tombera ; si c'est un ver, 
il mourra. 

Cinq Pater et cinq Ave, en l'honneur de 
Notre-Seigneur. » 



* * 



J.-B. Thiers flétrit toutes ces pratiques 
absurdes, ainsi que les suivantes qui se com- 
mettaient à l'occasion de la messe de 
minuit : 

Faire boire les chevaux et les bestiaux, au 
retour de la messe de minuit, avant d'entrer 
dans la chambre où Ton couche et avant de 
parler à personne, afin de les guérir ou de 
les préserver du mal. 

Garder du pain bénit de la messe de mi- 
nuit et le porter sur soi, pour n'être point 
mordu des chiens enragés. 

« En certains lieux, les bergers et les ber- 
gères s'empressaient à qui irait le pre- 
mier ou la première à l'offerte de la messe 
de minuit dans la croyance que celui qui irait 
le premier ou que celle qui irait la première 
aurait, cette année-là, les plus beaux agneaux 
de la paroisse. 



HT DU PERCHE 265 

En d'autres lieux, chez les laboureurs, le 
premier qui revenait de la messe de minuit 
prenait une pelletée de cendres, et la mettait 
à part. 

Le premier qui revenait ensuite delà messe 
du point du jour et le premier qui revenait 
de la messe du jour en faisaient de même ; 
puis ils mêlaient ces trois pelletées de cendre 
avec le blé qui devait être semé aux semailles 
prochaines, et ils s'imaginaient que cela em- 
pêchait la brouèrCy c'est-à-dire la nielle, « Vi- 
vraie » qui rend les blés noirs, aussi bien que 
le pain qui en provient. 

Il y en a aussi qui, pour le même effet et 
dans la même vue, fermaient la porte du lo- 
gis sur eux, au retour de la messe de minuit, 
ramassaient les cendres du Tréfouer de la 
Bûche de Noël et les mêlaient avec les grains 
qui devaient servir, l'année suivante, pour 
ensemencer les terres. » 

Mettre aux arbres fruitiers une ceinture de 
paille, pendant la nuit de Noël, les préserve 
de la gelée. 

Si la lune éclaire pendant la messe de mi- 
nuit, les bergeries et les récoltes ne pros- 



266 rOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 

pèrent pas. Tout réussit au contraire, s'il 
fait obscur. 

Tous les trésors enfouis sont ouverts pen- 
dant que le prêtre récite la généalogie de 
Notre-Seigneur. 

Si Ton peut dire trois Ave Maria entre les 
deux élévations, on n'aura pas de mauvais 
songes. 

En enterrant trois épingles ou trois ai- 
guilles durant l'élévation, on est guéri du mal 
de gorge. 

Toutes ces superstitions n'ont plus cours 
dans nos campagnes, et c'est à titre de sou- 
venirs que nous les avons rappelées ici. 




# 









§ n. — Coutumes, — Croyances. — Dictons, 

lo Sur î'Hotnme. 

Teinta — A la campagne, la beauté du vi- 
sage réside surtout dans les belles couleurs, 
(Cf, III<^ partie, chap, V, § I^'), 

On dit d'une personne haute en couleur : 

— Air est rougeaude comme une pomme 
d'api. Air est belle comme un astre. 

Cheveux, — Les femmes (qui ont les che- 
veux) rouges font tourner le lait. 

— Ses cheveux frisent comme des dents 
de herse. 

Dents, — On dit que les dents tombent si 
l'on fait des mensonges. 

Ne:^. — Mieux vaut laisser son enfant 
morveux que lui arracher le nez. 

— Visible comme le nez au milieu du 
visage. 

— Il est resté la goule sous le nez. (Ebahi). 



268 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Oreilles. — Quand les oreilles vous sonnenty 
on parle de vous : oreille droite moquette. 
(On se moque) ; oreille gauche, bonne cause. 
(On dit du bien). 

Yeux, — 11 a les yeux en vrille. 

— Il crie comme un aveugle qui a perdu 
son bâton. 

Une personne dont les yeux louchent 
s'appelle calorgue. 

Langue. — Il a le sublet bien pendu. 

— La femme qui lui a coupé le filet a ben 
gagné ses cinq sous. 

Mains. — Il a un poil dans le creux de la main. 

— Mains froides, cœur chaud. 

— Il a la main croche comme un Normand. 

Ongles. — Si une mère coupe les ongles 
d'un petit enfant, avant de l'avoir mené à 
Téglisc, il mourra dans l'année. 

Les taches blanches, aux ongles, sont au- 
tant de mensonges (d'autres disent : autant de 
péchés mortels) faits par la personne qui les a. 

— Les jaloux, seuls, ont des taches aux 
ongles. 



ET DU PERCHE 269 



Pieds, — Pieds froids, cœur chaud. 

Divers. — Il a un ventre comme un capucin. 

D'une personne maigre : AU' est comme 
les biques, all'a la graisse en dedans. 

D'une personne maladroite : AU' est 
gauche comme un prêtre normand. 

D'une personne paresseuse : AU' est fai- 
gnantc (fainéante) comme un curé . 

20 Sur les animaux 

Abeille (i), — (Mouche à miel). Si les abeilles 
essaiment beaucoup, l'année sera bonne. 

Après la Saint-Laurent, les abeilles n'es- 
saiment plus. 

Deuil : (Cf. IW partie, chap. VI, § II: 
La mort,) 

La ruche s'appelle un panier. 

Pour rassembler les essaims, on frappe 
sur des chaudrons ou des casseroles. 

Alouette. — On assure que les alouettes, 

(i) Les noms vulgaires, ou patois, sont mis entre 
parenthèses. 



270 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

en s'clevant dans les airs, croient qu'elles 
vont monter jusqu'au ciel ; c'est pourquoi 
elles disent : Je n faiifrai plus, je n' faut' rai 
plus. En redescendant, elles chantent de dé- 
pit : pfautrai cor\ ffautrai cor (encore). 

Ane. — (Bourri). — Sanglé comme un âne 
de dix écus. 
Traître et méchant comme un âne rouge. 

Anguille, — Il se faufile comme une an- 
guille. 

Araignée. — (Erignéè)* — Araignée du matin, 

Chagrin ; 

Araignée du midi, 
Souci ; 

Araignée du soir, 
Espoir. 

Si Ton voit une araignée filer en descen- 
dant du plafond, c'est signe qu'il vous arri- 
vera de l'argent. 

On dit que certaines grosses araignées, 
en passant sur les lèvres d'une personne, lui 
donnent un cancer. 

Belette, — (B'iett').-^ Il se fourre partout, il 
est comme une b'iett'. 



ET DU PERCHE 27 1 

On dit que les belettes viennent mange- 
les œufs dans les poulaillers. 

Bœuf, — (Bœu). — Taureau ÇToriau ou Ba- 
naiid. — Le torîau banal est le taureau d'une 
ferme, qui sert d'étalon. — Un jeune taureau 
s'appelle un iorin. — Une jeune vache, 
taure ou hedon. 

Bœufs, taureaux et vaches portent souvent 
le nom de la couleur de leur robe : noire, 
rouge, caille, br ingelée, etc. 

— Quand une vache est en chasse, on la 
mène au banaud (B). 

Le veau, sauf vou't, respé, s'appelle viau. 

Les trayons se disent trillons. 

Les vaches muglent. 

Une vache qui a mangé de l'herbe mouil- 
lée est empansée. 

On dit que l'œil des vaches grossit les 
choses ; elles voient les hommes gros comme 
des maisons. 

— Méchant comme une vache enragée. 

— Wcsi étalé (allongé) comme unviau. 



272 FOLK-LORE DE LÀ BEAUCE 



Caille, — Plus il y a de cailles, moins le 
grain est cher. 

— Plus la caille répète de fois son chant, 
plus le grain est cher, de là ce dicton : 

Plus la caille carcaille, 
Plus chère est la semaille. 

Les cailles disent : 

Sèm' ton blé I 
Paie tes dettes î 

Canard, — (jCana). — Les jeunes canards 
se nomment caneis. 

— Lorsque les canards s'éplumichetifj ou 
lorsqu'ils plongent à plusieurs reprises dans 
l'eau, c'est signe de pluie. 

Carpe, — Bailler comme une carpe. 

— Il est frais comme une carpe qui est de- 
puis quinze jours sur la paille. 

Ccrf-vohut. — C'est le nom vulgaire de la 
Lucane, 

Cet insecte noir ailé jouit, en Beaucc, no- 
tamment dans le canton de Voves, d'une pro- 



ET DU PERCHE 273 



priété mystérieuse : sa tête est un talisman 
qui fait obtenir au conscrit un bon numéro, 
(Cf. III^ partie, chap. IV, § IV ^ Les Conscrits,') 
Dans le canton de Champ rond-au-Perche, 
le même insecte est considéré comme un ta- 
lisman contre les charmes des physiciens qui 
vous charment la vue. En portant sur soi la 
tête de cet insecte, on n'est pas leur dupe. 

Chardonneret, — {Cherdronnet^ échardonnety 
ccherdronnerety échardronnerei) — Un nid de 
chardonnerets, dans le jardin, porte bonheur. 
S'il y a une jeune fille dans la maison, elle 
se mariera dans Tannée. 

Chat. — Manger dans Técuelle aux chats, 
ou seulement dans une assiette léchée par un 
chat, enlève les ourillons (oreillons). 

— Avoir l'air d'un chat écorché, se dit 
d'un enfant chétif. 

— Ils sont comme chien et chat, ils ne 
peuvent se sentir. 

Si l'on donne du pain bénit à un chat, il 
devient enrasfé. 

Si l'on coupe les moustaches d'un chat, il 
ne sent pkis les souris. 

i8 



274 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Un chat adulte, emporté très loin, même 
à vingt lieues, revient à la maison, le lende- 
main. 

La chatte qui met bas chatonne. Pour se 
débarrasser des chats, on les noie en leur 
attachant une pierre au cou. 

Dans le Perche, on coupe le bout de la 
queue des jeunes chats, pour « tuer le ver » 
qui s'y trouve et les ferait mourir. 

Chat'htmnt, • — (Chahouan). — C'est un 
oiseau de mauvais augure (Cf. III^ partie , 
ch, F/, § I" ; La Mort), 

Le chat-huant dit à la chouette : 

Viendrai- je ? Viendrai- je ? 

La chouette répond : 

Mais ouai ! Mais ouai ! 

On dit : malin comme une chouette. 

Nos vieux paysans ont remarqué que le 
hibou, qui était autrefois absolument noc- 
turne, sort maintenant, très fréquemment, en 
plein jour, sans paraître incommodé par les 
ravons du soleil. 

Chauve-souris. — (^Ch.iussC'SOuris, sour- 
souris, chaude-souris.) 



ET DU PERCHE 275 



Autrefois on les clouait aux portes des 
granges, comme les chats-huants. 

On dit qu'elles sont aveugles. 

— Le heurt d'une chauve-souris, dans la 
figure d'une personne, fait devenir cette per- 
sonne aveugle. 

* 

Chenille. — CVmlley chenille^. Pour se dé- 
barrasser des chenilles, voici un moyen très 
facile et peu banal : en prendre 9, n ou 13, 
(un nombre impair) les porter à un carre- 
four de quatre chemins, les déposer à terre, 
ealeur faisant prendre une direction opposée 
à celle de la maison. 

Chaque année, à l'époque de l'échenillage, 
préfets et maires pourront l'indiquer à leurs 
administrés ; quoique peu connu, le procédé 
est tombé dans le domaine public î I ! 

Cheval, — {CVvau^ fvau). — La jument 
(fmcîit, jeument). Noms des chevaux : pom- 
melé, péchard^ souris, noir, etc. 

Pour les fiiirc avancer : hue, hi, diouc ! 

A droite : huo-huc ! 

A gauche : dia ! 



2/6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Pour modérer l'allure : là, Uu ho, là ! 

Pour qu'ils s'arrêtent : Oh ! 

Pour les faire reculer : rrrû, urrieur, rrr 1 

Lorsque plusieurs chevaux sont attelés à 
la même charrette, ils portent les noms sui- 
vants : le limonier, le cheval de chei'ille, le 
cheval de âevauL 

Les harnais (harnas) s'appellent : doussièrc, 
sourventrière, évaloire, etc. 

— Le cheval voit tout, très gros : un 
homme lui paraît gros comme une maison. 

— L'allure du cheval est plus vive en re- 
venant vers son écurie, on dit qu'il sent 
l'avoine. 

Chèvre, — (Bique), — Le bouc (bou)^ par 
sa forte odeur, empêche les épidémies ; c'est 
lui qui prend le mauvais air. D'une personne 
méchante : c'est une mauvaise chèvre. 

— Les enfants qui ont tété une chèvre 
sont plus lestes que les autres. 

Chien, — Un grand chien : batiaud; un 
jeune chien, chiot. 

— Se regarder en chiens de faïence (en 
ennemis). 



ET DU PERCHE 277 

Les dents du chien s'appellent des naquets. 

— Entre le froid et le chaud, il y a la lon- 
gueur d'un chien. (Allusion au museau tou- 
jours froid du chien.) 

— Nager comme un chien de plomb. 

— Entre chien et loup. (A la brune.) 

Si un chien a, pendant la nuit, un 
aboiement prolongé, on dit qu'il hurle à 
la mort. 

De même qu'aux chats, on coupe la queue 
des chiens pour tuer le ver. 

Coccinelle. — (Béte à bon Dieu). — La cocci- 
nelle porte chance. (Cf. IlI^partiCy chap. III ^ 
§ // et chap. IV, § IV.) 

Colimaçon. — (Lima à coque). — Marcher 
comme un lima. (Aller lentement.) Pour 
faire sortir les cornes d'un lima. (Cf. II I^ 
partie, chap. III, § II.) 

Coq, Poule. — (Co'). — Le coq chausse les 
poules. 

L'œuf laissé dans le nid de la poule, pour 
qu elle revienne y pondre, se nomme nichet. 



278 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Langage des coqs : 

— Ah ! que F hiver est long ! 

— Qui qui V passeront ! 

— Ceux qui pourront ! 

— Un bon co' n'est jamais gras. 

— Embarrassée comme une poule mouillée. 

Le jour de Saint-Jean-Porte-Latine,. on veil- 
lait autrefois les poules couveuses. A minuit, 
on les enlevait du nid, parce que : 

• 

Saint-Jean rencontrant poules couvant. 

Leur tortille Je cou en passant 

Ou meurent dans l'année bêtes ou gens. 

— Si Ton jette les coques d'œufs dans le 
feu, cela fait souffrir un saint. 

Une poule éclosc en mars pondra davan- 
tage. 

On met un morceau de fer à cheval dans le 
nid des poules pour les préserver du tonnerre. 

Les poulets, nés d'œufs que l'on a mis à 
couver le jour de Saint-Jean, sont plus gros 
que les autres. 

Si l'on veut que les poules pondent beau- 
coup et de bonne heure, il faut leur donner 



ET DU PERCHE 279 



des crêpes à manger le jour de la Chandeleur. 

Quand les poules se roulent dans la pous- 
sière, c'est signe de pluie. 

Une poule qui chante le coq présage un 
malheur. 

Les tout petits œufs de jeunes poulettes, 
sont, dit-on, pondus par les coqs. Si on les 
faisait couver, il en sortirait des serpents. 

— Se passer plusieurs fois sur les yeux un 
œuf frais pondu, cclaircit la vue. 

— Si l'on donne du pain bénit aux poules, 
elles deviennent enragées. 

Corbeau, Corneille, — (jCorViau, cornille.) 
Le corbeau doit à son plumage noir de passer 
pour un oiseau de malheur. 

— N'y a point d'cornille qui n'trouve ses 
cornillons biaux. 

Coucou. — Si, la première fois de l'année 
qu'on entend chanter le coucou, on a de 
l'argent dans sa poche, on en aura jusqu'au 
printemps prochain. 

Si le coucou vient de bonne heure, la 
récolte sera bonne ; s'il est en retard, les 
grains mûriront tard également. 



28o FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



D'après une croyance des habitants de 
notre Bcauce, les oiseaux s'accoupleraient le 
19 mars, jour de saint Joseph. Tous,... 
excepté le coucou, bien entendu. 

— Avoir les yeux rouges comme un 
coucou. 

Crapaud, Grenouille, — (Crapiand, guer- 
nouilîe, gueruaielle!) 

Le crapaud passe pour téter les vaches. 

— Lorsqu'un crapaud est blessé, il jette 
du v'iin par tous les pores. 

— Sauter comme un crapaud. 

Les crapauds annoncent la pluie, lorsqu'ils 
se montrent en nombre. 

Quand on entend chanter les grenouilles, 
c'est signe de beau temps. 



» » 



Dindon. — {Co d'Inde y coudrou), — On dit : 
orgueilleux comme un dindon. 

Ecureuil — (Ecureux). — Aimer les noix 
comme un écureuil. 

Faucheux. — On arrache les pattes des 
faucheux et on les met dans sa main ; si elles 



ET DU PERCHE 28 1 



continuent à remuer, c'est signe qu'on aura 
de la chance. 

Fouine. — Fouinassier, qui agit de ruse. 

— Rusé comme une fouine. 

Fourmi. — {Froumt), — La fourmilière 
s'appelle /rowf/fôr^. 

— Il n'est pas plus fort qu'un' froumi. 

Geai. — [Gé). — Il est coléreux comme un gé. 

Dans les mariages de mai 
La pie bai le geai. (B.) 

Les geais ont très mauvaise réputation ; ils 
se querellent souvent entre eux ; ils battent du 
bec leurs femelles; ils disent des sottises aux 
enfants qui dénichent leurs œufs ou leurs 
petits. 

Grillon. — (Grésillon), — On ne tue jamais 
les grillons ; ils portent bonheur à la maison. 

Guêpe. — Fin comme une guêpe. (Rusé.) 

Hérisson. — (Urisson). — On prétend que les 
hérissons vont téter les vaches. 

On accuse aussi le hérisson de donner cer- 
taines maladies aux vaches. 

Hirondelle. — (Hérondelle) . — L'hirondelle 



282 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

porte chance à la maison où elle fait son nid. 
On consulte le vol de Thirondelle pour 
savoir s'il fera beau ou s'il pleuvra. 

— La fiente de l'hirondelle rend aveugle, 
si elle tombe dans les yeux. 

— Il vole comme une hirondelle (se dit 
d'un cheval qui court très vite.) 

* * 

Lapin, — Le lapereau se dit : Japweau, 

— Il court comme un lapin. 

— Le lapin se musse (se cache). 

Lé:iard, — Le lézard vert se nomme veri^ 
creux. 

On prétend que le lézard aime mieux 
l'homme que la femme. 

Lièvre. — [Yèvre, Yeuvre), — Le levraut se 
dit yévraux. 

La hase se nomme ^'^'l'rr^^^. 

La rencontre d'un lièvre le matin est d'un 
mauvais présage. . . sauf pour le chasseur. 

Loup. — Il a vu le petit loup. 
Les loups-garous. Les meneurs de loups 
(Cf, Jpparlie, chap. IV, § IV.) 



ET DU PERCHE 283 



Moineau — (Passe), — 

— Pillard comme un moineau. 

— Ecervelé comme un moineau. 

Mouton^ Bélier, Brebis. — (Bèyier, Bèguier, 
Bourd) (Berbis) (Jgneau, Ignelle). 

Pour appeler les moutons, les bergers leur 
crient : Proue, proue, prrr, quien, quieu, prr, 

* * 

Papillon, — Quand on voit, le soir, de petits 
papillons blancs voler dans la maison, c'est 
signe de mort. 

Ter ce-oreille, — (Pince-oreille, Cure-oreille^, 
— Si un perce-oreille pénétrait dans l'oreille 
d'une personne, il la ferait mourir en man- 
s^cant sa cervelle. 

Pie, — (MargOyCaracaca). - Si les pies font 
leur nid dans le jardin d'une ferme où il y a 
une jeune fille, elle se mariera dans l'année. 

Quand les pies font leur nid dans le haut 
des arbres, l'année sera pluvieuse. Lors- 
qu'elles le mettent au milieu de l'arbre, l'an- 
née sera sèche. 

Si, en partant en voyage, on voit une pie : 



284 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

malheur. Si l'on en voit deux : bonheur ; 
trois : mariage ; quatre : baptême. 

Pivert. — (^Pivarf). — Quand le pivert 
chante, c'est signe de pluie. 

Porc. — En Beauce, quand un porc pèse 
six-vingt, sept-vingt, on dit : il est raisonnable, 
le v'ià bon à tuer. (C/*. même chapitre, ^ // : 
Fête à Boudin.) 

Le groin se dit guérotiin. 

On dit en plaisantant : uoi* nohV, not' 
m essieu . 

On V appelle pourciau ou goret. 

— Sale comme un goret. 

Pou. — On dit d'un enfant qui se gratte. 
a Tu les changes de parc . » (Tes poux). 

L'œuf du pou se nomme lende. 

Rêver de poux, c'est signe d'argent. 

Puce. — Rêver de puces : chicane de 
iemmes. 

— Fort comme une puce. 

— Donner son cœur à Dieu et son eu* 
aux puces. (Aller se coucher.) 



ET DU PERCHE 285 



* 
* * 



Rat, — Il arrive que des rats émigrent, en 
grand nombre, d'une ferme dans la ferme 
voisine. On dit que ce sont des rats envoyés 
par un ennemi (sorte de sorcier) qui en veut 
au fermier. 

Reptiles, — Les reptiles, quels qu'ils soient, 
sont très redoutés ; le paysan craint leur v'iin 
et les tue tous, sauf le lézard. Il les accuse 
aussi de téter les vaches. 

L'aspic a un A sur la tête, la vipère a un 
V, la couleuvre a un C. 

— Méchant comme un aspic. 

Sangsue. — (Saussure), — Il est collant 
comme une sangsure. 

Souris. — Il grouille comme une pochetée 
de souris. 

— Les souris enterrent (entreront) dans la 
7nai, (Se dit d'un ménage où l'homme est 
plus petit que la femme). 

Taupe, — Aller dans le royaume des 
taupes (mourir). 



286 lOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Tique, — Rond ou plein comme une tique. 
— Saoul comme une tique. 

30 Sur les Arbres et les Plantes 

Avdine, — (^Aoine), — Si Ton fait des crêpes 
à la Saint-Antoine, on aura beaucoup d'avoine. 
La folle avoine est appelée avron. 

Blé, — On voit sur un grain de blé la fi- 
gure de Jcsus-Christ. 

Buis, — {Buis), — On met du buis bénit dans 
les greniers à fourrage,afin de chasser les vers. 

On en met dans tous les locaux, pour les 
préserver de la foudre. 

Le jour des Rameaux, on en porte une 
branche dans les champs ensemencés, pour 
faire profiter le grain et le préserver de la 
grélc. (Anciennement, c'était pour déjouer 
les maléfices). 

Châlaîgncr. — Le fruit s'appelle châlagne 
ou châlicrue. 

Les enfants disent que les chàtignes crues 
donnent des poux. 



ET DU PERCHE 287 



Chêne. — (C/. Culte des Arbres, 11^ partie, 
chap. /, § VL) 

— Haut comme un chêne. 

Pour préserver les vaches de la cocotte, on 
leur mettait des colliers de chêne.. 

Coudriers, — (C/". Sourciers, 11^ partie, 
chap. IV, § II). 

Euphorbe. — Si le suc de Tcuphorbe tou- 
che les yeux, on devient aveugle. 

Fraisier. — (C/. Engelures : Remèdes popu- 
laires, IP partie, chap. III, $ VL) 

Gui. — Le gui d'épines blanches guérit la 
fièvre, la colique, la jaunisse. 

Joubarbe. — La joubarbe était employée 
autrefois comme aphrodisiaque. 



» * 



Marguerite. — On consulte la marguerite 
pour savoir si Ton est aimé ; Ton dit, en ef- 
feuillant ses pétales : Elle m aime, un peu, 
beaucoup, passionnément, pas du tout. 

Le dernier pétale donne la réponse. 

Noyer. — (Calot lier). — Les fruits s'ap- 
pellent des calots. 



288 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

La feuille de noyer chasse les puces. 
(C/. Ampoules, Rhumatismes, aux Remèdes 
populaires, IP partie, chap. III, j VI), 

I 

Oseille. — (Ousille). — Sûre comme de l'o- 
scillc. 

On dit à quelqu'un qui passe vite et sans 
adresser une parole : 

— Tu passes ben fier, t'as don'raangé de 
la soupe à l'ousille. 

Persil, — Le persil fait tarir le lait, 

— Il doit être semé par un enfant ou par 
un insensé, si Ton veut qu'il lève. 

Pissenlit. — Qn le consulte, lorsqu'il est 
en graine, pour savoir si l'on est aimé : si, en 
soufflant dessus, toutes les graines s'envolent, 
on est beaucoup aimé ; s'il en reste quelques- 
unes, on l'est un peu moins ; s'il en reste 
beaucoup, on l'est très peu. 

On interroge, de la même manière, le 
pissenlit pour savoir l'heure qu'il est, ou le 
nombre d'années que Ton a encore à vivre. 

— Jaune comme un pissenlit. 

Plaulain. — (Cf. Coupures : Remettes popu* 
laires.) 



ET DU PERCHE 289 



Pois. — (Cf. Verrues : Remèdes populaires.^ 

Sureau. — On plantait autrefois du sureau 
auprès des habitations pour garantir le bétail 
des malcfices. 

40 Sur les Météores. 

Arc-en-ciel. — On croit que c'est l'arc-en- 
ciel qui tire de Tcau. S'il a l'une de ses 
extrémités dans un étang et l'autre à l'ouest 
(vers l'Océan): l'arc-en-ciel ^lompe de l'eau, 
c'est de la pluie pendant plusieurs jours. 
(Cf. Pronostics., IV^ partie, chap, V, § i). 

— Arc-en-ciel, le matin, met la pluie en 
chemin. 

— Arc-en-ciel, le soir, donne bon espoir. 

Aurores boréales. — Lorsqu'un immense 
nuage rougeâtre s'étend vers le nord, (telle 
la lueur sinistre d'un vaste incendie) un 
grand nombre de paysans disent qu'une 
guerre est proche. Ils rappellent alors qu'au 
commencement de Tannée 1870, semblable 
fait se produisit. D'autres paysans supers- 
titieux ajoutent que ce sinistre présage 
marque le courroux céleste ; ils bornent là 
leur interprétation de ce phénomène. Bien 

19 



290 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

rares sont cependant aujourd'hui ces arriérés 
qui persistent dans ces croyances ; Ton ne 
croit plus guère au surnaturel, au moins en 
ce qui concerne ces phénomènes d'ordre 
physique ; et les pluies de sang, de soufre 
ou de crapauds sont maintenant ramenées 
à des explications plus vraisemblables : des 
trombes qui laissent choir, à un moment 
donné, des amas de particules minérales de 
coloration rougcâtre, de pollen, ou d'ani- 
maux, qu'elles ont aspirés dans les forêts 
ou dans les étangs. 

Comètes, — On croyait autrefois que les 
comètes, comme les aurores boréales, an- 
nonçaient la guerre, ou encore la fin du 

monde . 

Eclipses, — {Esclipe, écUsse,) — Les esclipes 
n'annoncent rien de bon. 

Etoiles. — (C/. Pronostics.) — On dit qu'une 
étoile filante est une âme qui sort du purga- 
toire pour aller au paradis. 

Si Ton fait une courte prière, quand passe 
une étoile filante, on délivre une âme du 
purgatoire. 



ET DU PERCHE 29 1 

Si l'on exprime un vœu, il sera exaucé. 
Grêle, — Quand il grêle, il faut jeter de 
Tcau bénite sur la vigne. 

* * 

Lime. — Les vieillards prononcent leune ; 
le croissant, crésseni ; le décours, décoû (P.)- 

On voit, dans la lune, un meunier chargé 
d'un sac de blé ou bien un homme qui porte 
un fagot de bois : c'est un voleur condamné 
à errer ainsi à travers l'espace jusqu'au juge- 
ment dernier. 

La lune a une grosse influence sur le vent 
et la pluie. (C/. Pronostics,) 

« Avant d'entreprendre un voyage, avant 
de commencer un travail,disaient les anciens, 
consulte l'âge de la lune ». Nos paysans ont 
conservé cette croyance, en l'influence de la 
lune sur les actes de la vie humaine ; mais 
les avis sont partagés sur certains points. Ce- 
pendant le décours est généralement consi- 
déré comme favorable au soutirage du cidre 
et du vin, à la mise en bouteilles, aux se- 
mailles, etc. Pour couper les bois, faucher 
les foins, tondre les moutons, le décours est 



292 KOLK-I.ORK DE LA BEAUCE 

encore le moment propice. Toutefois, si ron 
se coupe les ongles, en décours, on a des 
envies. 

— La lune maucre les nuas^es. 

On dit que la lune ment : lorsqu'elle a la 
forme d'un D, elle croît ; lorsqu'elle a la 
forme d'un C, elle décroît. 

Neige, — Qjaand la neige tombe, on dit : 
Il ban'olledc la neige. 

Si on a fret (froid) au talon, c'est signe de 
neige. 

Lorsque la neige est longtemps à fondre 
sur la terre, on dit qu'elle en attend d'autre. 

Orage. — L'orage est légitimement redouté 
des paysans, en raison des dégâts qu'il en- 
traîne : inondation, grêle, incendie. Pour se 
garantir du tonnerre, on a recours aux pré- 
servatifs suivants : 

On allume dans la maison un cierge, bénit 
le jour de la Chandeleur. 

On jette de l'eau bénite aux quatre coins 
de la chambre. 

Le jour des Rameaux, on a placé, dans 
cette même intention, une branche de buis 



ET DU PERCHE 293 



bénit dans tous les locaux renfermant bêtes, 
gens et récoltes. 

Les tisons, provenant des feux, de Saint- 
Jean, ont la même vertu que le buis bénit. 

A Prunay-le-Gillon, on dit : 

— Il toûne, j'aurons de l'ieau si V vent s'y 
adoiine. 



* 
* ♦ 



Pluie . — {Fuie, plie) . — Lorsqu'il tombe 
une pluie très légère, on dit : il bérouasse (P.) 
{Cf. Pronostics). 

Une pluie très forte : il cbet de Ticau à 
portées. 

Si une femme a sa poche retournée ou son 
tablier à l'envers, elle fera pleuvoir. 

Si le soleil brille pendant qu'il pleut : 

— C'est le diable qui bat sa femme et 
marie sa fille. 

Soleil. — Les vieillards disent le soulé. 
(Cf. Pronostics.) 

— Quand on parle du soleil, on en voit 
les rayons . 

Vent. — Lorsque le vent est sud-ouest, on 



294 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

dit qu'il est en qalcrnc ; les anciens disent en 
mlarcrne. 

o O 

— Le vent a le eu en galerne, j'aurons de 
l'iau demain. 

— La direction du vent qui souffle pen- 
dant la messe des Rameaux restera la 
même pour une grande partie de l'année. 

— Tel le vent se couche à la Saint- 
Denis, tel il se couchera les trois quarts de 
Tannée. 

On envoie les enfants chercher la corde à 
virer le vent. 

* * 
5" À hiiious rompus. 

Sur la lablcj il ne faut jamais mettre la 
cuiller et la fourchette en croix^ ni placer un 
couteau sur le dos, cela porte malheur. 

Les ménagères ne cuisent plus guère leur 
pain elles-mêmes : autrefois, cuire entre les 
deux Noëls, c'est-à-dire entre la Nativité et la 
Circoncision, portait malheur. 

Le pain, cuit pendant les Rogations, ne se 
conserve pas et moisit (P.). 



ET DU PERCHE 295 



Il faut faire des crêpes le jour de la Chan- 
deleur, afin d'avoir de l'argent toute l'année. 
La première crêpe est donnée aux poules, 
afin de les faire pondre davantage. 

Si l'on a perdu un objet quelconque, on dit : 

Bon saint Antoine de perte, 
Faites-moi trouver ce que je cherche. 

L'on croit et l'on dit encore dans certains 
hameaux qu'il ne faut jamais couper la corde 
d'un pendu, avant l'arrivée de la police ou de 
témoins. 

On ne doit pas faire de lessive pendant les 
Rogations, parce que la procession se fait sur 
le linge. Il ne faut pas la couler un vendredi, 
on serait mordu par un chien enragé et il 
n'y aurait pas de guérison. Le même châti- 
ment est réservé aux femmes qui la dccoii- 
Ireraieul pendant la messe. Les femmes 
prennent bien garde, de ne pas placer en 
mlenl (sens dessus dessous) les chemises 
dans la cuve, car, si elles commettaient cette 
faute, elles mourraient dans l'année. 



296 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 






On ne doit jamais mettre une chemise 
blanche le vendredi ; si l'on tombait malade 
pendant qu'on la porte, on mourrait dans 
Tannée. 

A Combres (E.-et-L.), on puise de Teau 
le matin de la Saint-Jean, avant le lever du 
soleil, et à la rivière ; on la consers'e jusqu'à 
la maturité des pommes ; les cidres faits 
avec cette eaujsont meilleurs et se con- 
scrscnt mieux. 

L'çau de puits, tirée le même matin, chasse 
les vers du fromage. L'eau bénite a la même 
propriété (B.). 

Retourner, sens dessus dessous, son verre, 
lorsqu'on offre à boire, laisse croire que l'on 
veut encore sept verres de cidre (P.)* 

Les Percherons s'embrassent trois fois. 

Si un jeune homme, en versant à boire, 
se trouve placé sous la poutre, au moment 
où il vide la bouteille dans son verre, il aura 
la fille de la maison (B.). 

Lorsque, dans une partie de cartes, Tad- 



ET DU PERCHE 297 

versaire n'a pas marqué un point, on dit : Il 
a passé sous la table ; ou : il a baisé le c. . . à 
la vieille (B.). 

Le batteur en grange dit qu'il faut avaler 
sept boisseaux de poussière avant de 
mourir. 

La cuisinière se contente de trois bois- 
seaux de cendre. 

Quand on a ses bas troués, on recevra une 
lettre le lendemain. 

On dit d'une personne qui a des bas mal 
tirés : A\V a ses bas en vis de persoué (pres- 
soir). 

Quand une femme perd sa jarretière, son 
mari lui est infidèle. 

Si elle met son bonnet de travers, ou si 
elle descend du lit, le dos le premier, elle 
sera de mauvaise humeur toute la journée. 

On n'entame jamais un pain sans tracer, 
avec le couteau, une croix sur le côté plat. 

Si l'on dépose un pain sur une table, il 
faut le placer sur le côté plat, sinon le diable 
danse dessus. 



298 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



* 

Il est d'usage de se souhaiter la bonne an- 
née, lorsqu'on se rencontre au village. La 
formule est presque invariablement celle-ci : 
(f Je te (ou vous) la souhaite bonne et heu- 
reuse. » — A ( toi ou) vous pareillement. » 

En famille, les plus jeunes vont au domi- 
cile des aînés et leur disent, en les embras- 
sant : <( Je vous souhaite une bonne année, 
une bonne santé, accompagnée de plusieurs 
autres. » Ils ajoutent souvent : a Et le paradis 
à la fin de vos jours. » La personne embras- 
sée répond : « A toi pareillement )> ; ou « A 
toi itou. » 

On dit en plaisantant : « Je vous souhaite 
une bonne année de pain tendre, que la mie 
vous étouffe, que la criVc (croûte) vous 
étrangle ! » 



* * 



Quand on mange son pain bénit en s'en 
allant de la messe, on sera gai toute la se- 
maine (P.). 

On dit que le pain bénit de la première 



ET DU PERCHE 299 



communion se conserve jusqu'au jour où le 
jeune garçon — ou la jeune fille — commet 
un nouveau péché mortel (P.). 

On croyait autrefois que les bestiaux se 
mettaient à genoux dans les étables pendant 
la messe de minuit ; mais malheur au curieux 
qui aurait voulu vérifier le fait, il aurait eu 
sûrement à s'en repentir. 

Le jour de Pâques, on doit manger des 
œufs pondus le vendredi saint, pour ne pas 
avoir de fièvres dans Tannée. 

Si Ton mangeait des œufs le vendredi saint, 
on trouverait des crapauds dedans ; d'autres 
disent des serpents (P.). 





^ m. Les s II nw! fis. 

VANT la Révolution, chaque pa- 
roisse, chaque individu avait un 
■^ sobriquet, le plus souvent déso- 
^ bliiîeant : on disait une crrade. 
Les paroisses, transformées en communes, 
ont reçu, pour un grand nombre, des appel- 
lations différentes ; les mœurs se sont épu- 
rées : peu à peu. provinces et paroisses ont 
vu disparaître l'épithcte désagréable donnée 
à leurs habitants. 

Inutile de faire revivre ces anciens sur- 
noms qui furent la cause de tant de querelles 
et de rixes. On citait, comme orgueilleux, les 
gens de B, ; comme niais, ceux de C. ; comme 
voleurs, ceux de D. ; comme fous, ceux de 
G, L'intempérance des habitants de H. était 
proverbiale. On prétait aux cloches un lan- 
gage rappelant les défauts ou les vices de 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 3OI 

leurs paroissiens : celles de /. criaient : Crhe 
de faim; celles de K. disaient : Pintes, cho- 

pines. Gens d' , toujours soif ! ; celles 

de L. appelaient ainsi les fidèles : Bande de 
Gueux ! ; celles de M. hurlaient : Fous d' M. . . 

* * 

Des légendes, quelquefois facétieuses, sou- 
vent grossières, confirmaient la raison d'être 
de ces surnoms. En voici une, sur les gens de 
M . , en Beauce, auxquels on prétait tous les 
traits de sottise qui courent le monde : « Un 
matin, le curé de M. trouve, auprès de son 
église, une ordure, déposée là pnr quelque 
passant indisposé. Navré de cette découverte, 
le curé va se plaindre au marguillier princi- 
pal. Celui-ci rassemble le conseil de fabrique 
qui décide de dépl^r Téglise, pour qu'elle 
ne reste pas plus longtemps en contact avec 
la souillure de l'odorant présent. La cloche 
appelle les paroissiens qui se rassemblent 
auprès de l'église. Ils partagent le courroux 
du curé et l'ingénieuse idée des marguilliers. 
Il faut agir sur-le-champ. Chacun va chercher 
îiureSy prolonges, traits, cordes, petites et 



}02 FOIJ(-LORE DE LA BEAUCE 

grosses. Le tout, réuni, fait le tour de l'église, 
mais les gens ne peuvent se placer tous pour 
tirer. De vieilles femmes apportent de la 
laine à tricoter que Ton tresse aussitôt de la 
grosseur d'une corde ordinaire. Enfin tout le 
monde est placé ; le signal est donné : on 
tire; on avance; l'église vient; on tire en- 
core ; on a gagné du terrain. Un marguillier 
se détache et va voir la distance parcourue : 
l'ordure est à trente pieds de l'église. Le 
résultat connu double les forces; on tire 
toujours. Tout à coup, la corde casse ! et les 
pauvres gens de M. sont précipités dans la 
mare, peu profonde heureusement. 

Un habitant de N., village voisin, de pas- 
sage à M., avait déplacé l'ordure; et le terrain 
gagné par les fous de M, était dû à l'allon- 
gement de la laine qui l'allongea, s'allongea 
si bien, qu'elle cassa. » 

* 
* * 

L'habitude des surnoms, quoique moins 
commune, s'est perpétuée chez les individus. 
Ils sont tirés, soit du caractère particulier, 
soit d'un défaut physique ou moral. Ces 



ET DU PERCHE 303 

surnoms se transmettent de père en fils dans 
les familles dont le vrai nom est souvent in- 
connu, môme des voisins. Voici quelques 
sobriquets beaucerons : Taudion, Canon, 
Bouton, Quétine, Va-large, Cahute, Cabouin, 
Tiquct, Poil-aux-yeux, Poulot, Fricot, Baril- 
Ion, Clocu, Grand-gosier, Tout-de-bout, 
Belle-taille, Beausoleil, Gasloup, Le forçat, 
Vaillard, Le Sabrée, La Limace. 




'^ n . — La (^hiiiiiw — Les Prcsaacs. — 

L's Sofîgcs, 




IX ne saurait croire combien est 
grande l'influence que prêtent 
nos paysans au temps et aux 
nombres. Ilya, selon eux, des jours 
heureux et d'autres malheureux. Le mercredi 
n'a qu'une médiocre réputation ; mais le ven- 
dredi est le jour néfaste par excellence ; on 
doit éviter, ce jour-là, d'entreprendre un 
vovaoe, de commencer un lono; travail, de 
changer do liniic sous peine de malheur 
probable. Si le vendredi tombe le 15, on 
doit veiller sur tous ses actes, les consé- 
quences en son: terribles et le malheur certain. 
Cette superstition du vendredi et du 13 
v:.i:e vie c:\-r.eu: s:ec*es : .e ver.creoi rappelle 
!a Passion c: ie : ;. le traître Judas, qui était 
bien Tun des douro .-.rJ^trcs, n:a:< cui devin 



20 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE 305 

Le nombre 1 3 est toujours un nombre fatal. 
Si treize personnes se trouvent réunies à la 
même table, celle qui tourne le dos à la glace 
mourra dans l'année. On doit éviter de mettre 
treize têtes de bétail dans la même étable. 

Il y a, pour chaque mois de Tannée, des 
jours fastes ou néfastes ; mais les avis sont 
partagés et diffèrent suivant les localités. 
Les mois, eux-mêmes, sont plus ou moins 
bons ou mauvais. Mars et avril ont une 
réputation détestable ; ils sont traîtres, sour- 
nois à l'égard de notre pauvre humanité. 

Les heures, non plus, ne sont pas indiffé- 
rentes à nos actions. Les heures impaires 
voient plus de deuil, d'accidents que les heures 
paires. Celles de la nuit sont préférées par le 
diable. Un enfant né entre onze heures et 
minuit n'aura jamais de chance. 

Les poulets, nés le vendredi saint, croissent 
rapidement. 

Une personne qui meurt ce jour-là va au 
paradis directement, parce que les portes de 
l'enfer sont fermées. 

Tuer un animal quelconque le vendredi 

saint porte malheur. 

20 



306 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Il ne faut pas labourer la terre le vendredi 
saint : la terre saigne. 

Dicton sur les jours heureux ou malheu- 
reux : 

Lundi : ennui. 
Mardi : cadeaux. 
Mercredi : contrariétés. 
Jeudi : peines et pleurs. 
Vendredi : plaisirs. 
Samedi : réjouissances. 
Dimanche : amitié. 

Entrer dans une maison et y trouver une 
femme en train de se peigner est un mauvais 
présage (P.). 

Si, en sortant de chez elle, le matin, une 
femme rencontre un homme, la journée sera 
bonne . 

Il arrivera malheur, si Ton rencontre sur 
son chemin un prêtre. 

Si Ton marche, le matin, à jeun, dans une 
ordure, la journée sera bonne. 

On ne doit jamais dire : « bonne chance » 



ET DU PERCHE 307 



à un chasseur ; cela le fait rentrer bredouille. 

Afin de chasser la guigne que porterait le 
souhait malencontreux, et pour éviter à la 
personne, qui Ta formulé, toute idée de ré- 
cidive, certains chasseurs répondent aussitôt 
par une cambronnade. 

Si, au départ, un chasseur rencontre un 
prêtre, il rentrera bredouille. 

Si des étincelles s'échappent tout à coup 
du foyer, c'est signe que Ton recevra bientôt 
de l'argent. . 

Lorsque la lampe pétille, on aura une 
lettre le lendemain. 

La vue de certains animaux passe aux yeux 
des paysans pour être un présage de chance 
ou de malheur : araignées, chouettes, 
pies, etc. (Fiofr même chapitre, § II). 

* 

D'après la croyance générale, les rêves 
doivent être interprétés à l'inverse de ce 
qu'on a vu ou entendu en dormant : rêver 
mort, fait supposer qu'on assistera à des 
noces ; rêver d'une naissance dans la famille 
fait craindre la mort d'un proche parent. 



308 FOLK-LORE DE LA BËAUCE 

VAsirologue de la Beaucc a « beaucoup vu, 
beaucoup entendu i ; il doit être compétent 
en la matière, nous nous adresserons à lui 
pour connaître l'interprétation donnée aux 
rêves par les populations beauceronnes et 
percheronnes : 

Si Ton rêve d'une personne éloignée, on 
la verra prochainement. 

Rêver de puces, présage dispute de femmes. 

Rêver de chien : paix, tranquillité. 

Rêver de loups : malheur, disette. 

Rêver à l'eau claire est bon signe. 

Rêver à l'eau trouble ne présage rien de bon. 

Rêver aux cierges allumés : signe de deuil. 

Si l'on rêve aux curés, il arrivera malheur: 
c'est le plus mauvais songe que l'on puisse 
avoir. 

L'explication des songes relatifs au soleil, 
à la lune et aux étoiles est assez complexe : 

Songer qu'on voit le lever du soleil est le 
présage d'une bonne nouvelle et surtout 
d'une lettre impatiemment attendue. 

Si l'on voit le soleil se coucher, sans qu'il- 



KT DU PERCHE 309 

y ait le plus petit nuage à riiorizon, cela an- 
nonce également des choses heureuses ; 
mais si le soleil est un peu obscur, par l'in- 
terposition de quelques nuages, il faut se 
préparer à recevoir une nouvelle fâcheuse ou 
désagréable. 

Songer que Ton voit le soleil se détacher 
de la voûte du ciel annonce la mort subite 
d'un parent ou d'un ami. 

Si l'on rêve que le soleil s'éclipse tout à 
coup et qu'une nuit profonde succède au 
jour, c'est le présage d'un affaiblissement 
rapide de la vue et un symptôme de com- 
plète cécité. 

Songer qu'on voit la lune, dans son deu- 
xième quartier, annonce des peines de cœur. 

Voir en songe la lune pleine, signifie, si 
c'est une fille qui fait ce rêve, qu'elle sera 
bientôt mariée ; si c'est une femme, qu'elle 
sera incessamment enceinte et mettra au 
monde deux jumeaux. 

Si l'on rêve qu'on voit la lune s'obscurcir 
tout à coup et se voiler sous des nuages té- 
nébreux, c'est le pronostic de divisions et de 
querelles dans l'intérieur de la famille. 



310 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Songer qu'on aperçoit dans la lune des 
créatures humaines, qu^on les entend parler 
et qu'on échange des paroles avec elles^ an- 
nonce une prochaine et grave perturbation 
dans les facultés intellectuelles. 

Apercevoir en songe, dans le disque de 
l'astre des nuits, une profonde dépression en 
forme d'immense caverne, annonce une perte 
considérable d'argent, par suite de la faite de 
débiteurs qui chercheront un refage en An- 
gleterre, en Belgique ou aux Etats-Unis. 

Songer qu'on voit scintiller les étoiles 
dans un ciel pur et serein annonce l'heureux 
arrangement d'une affaire qui causa beau- 
coup d'embarras et de chagrin. 

Si l'on voit en songe le ciel sillonné par 
des étoiles filantes, c'est l'avertissement d'une 
prochaine rupture avec un ancien ami . 

Songer qu'on ne compte que treize étoiles 
à la voûte du ciel, annonce un des plus grands 
malheurs, une des plus grandes catastrophes 
qui puisse accabler un homme. Avis à celui 
qui a ce songe, heureusement très rare : qu'il 
s'arme d'une entière résignation. 

Si l'on voit en songe les étoiles se préci- 



ET DU PERCHE 3II 

pitcr, se heurter les unes contre les autres 
dans le ciel, cela pronostique la dissolution 
d'une société commerciale et une foule de 
procès qui rendront ennemis irréconciliables 
les anciens membres de cette société. 

Le souci de la richesse donne lieu aux 
interprétations suivantes : 

Rcver de poux, c'est signe d'argent ; plus 
on en voit, plus on sera riche. 

L'ànc présage des revers de fortune. 

La grenouille présage la pauvreté. 

Les rats annoncent la disette. 

Si l'on remue beaucoup d'argent, on aura 
prochainement une forte dette à acquitter, sans 
pouvoir se procurer la somme nécessaire. 

Si c'est un ami qui ramasse de l'argent, on 
deviendra riche. 



A 



5 V.— Coutumes. — Fêtes,— Divertissements. 



La Fêle des T{cis 




<r 



'est la fête de famille par excel- 
lence ; il est peu de maisons, riches 
ï ou pauvres, qui ne la célèbrent en 
rompant le gâteau traditionnel. Le 
liteau était autrefois remplacé par la fotiée 
ou fouace^ pétrie par la ménagère, et cuite au 
four banal, exprès pour le jour des Rois. 

Cette coutume, très ancienne, rappelle 
vraisemblablement les Saturnales, chez les Ro- 
mains . Le christianisme consacra, par des céré- 
monies religieuses, ces fêtes populaires du pa- 
ganisme. Dans chaque cathédrale,les chanoines 
choisissaient, parmi eux, un roi à qui Ton 
offrait des présents et qui présidait ensuite un 
grand festin. C'est par esprit d'imitation que les 
fidèles, rentrés chez cux,tiraient un roi au sort. 
a La félc des Rois a conservé, dans nos 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE ET DU PERCHE }I3 

contrées, le caractère religieux et naïf du bon 
vieux temps, dit, en parlant de cette coutume, 
un de nos compatriotes, M. Georges Rocher.' 
Au commencement du souper, toute la famille 
réunie nomme un président qui est presque 
toujours la personne la plus âgée et la plus 
respectée d'entre les convives. Au moment 
de partager le gâteau traditionnel, un enfant, 
le plus jeune garçon de la famille, monte sur 
la table, le président coupe alors une pre- 
mière tranche de gâteau et dit : oc — Téhé (la 
fève). — Domine^ répond l'enfant. — Pour 
qui, reprend le président. — Pour le Bon 
Dieu, répond le gamin ^. Et elle est mise de 
côté pour être donnée au premier pauvre qui 
viendra la demander, ce qui ne tarde jamais. 
En effet, il y a toujours quelques malheureux 
qui attendent, à la porte, le moment d'entrer 
en scène : lorsqu'il est venu, l'un d'eux, le chef 
de la famille — si c'est une famille pauvre — 
ou bien le plus âgé, chante sur un air dolent : 

Honneur à la compagnie 

De cette maison 1 
Nous souhaitons année jolie. 



314 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Et biens en saison ; 
Nous sommes, d'un pays étrange. 

Venus en ce lieu 
Pour demander à qui mange 

La part du bon Dieu. 

Alors tous s'écrient : « La part du bon 
Dieu, s'il vous plaît î » Et ils reprennent en 
chœur : 

Les rois ! les rois ! Dieu vous conserve î 
A l'entrée àc votre soapa^ 

S'il y a quelque part de galette, 
Je vous prie de nous la donner ; 
Puis, nous accorderons nos voix. 

Bergers, bergères, 
Puis, nous accorderons nos voix 

Pour chanter les rois. » 

Dans certaines familles, on réservait jadis 
trois parts : une pour le bon Dieu, une pour 
la bonne Vierge, une pour les Pauvres. En 
outre, s'il y avait un fils à l'armée, on con- 
servait également la sienne. Si cette part ne 
moisissait pas, l'enfant se portait bien ; dans 
le cas contraire, il était malade, ou exposé à 
quelque danger. 

Le choix de sa reine par le roi, les cris : 



ET DU PERCHE 315 



« Le roi boit / », en un mot, toutes les cou- 
tumes relatives à cette fête sont les mêmes 
que dans les autres contrées de la France. 



* 



Les Brandons. 

Un brandon est une espèce de torche, faite 
avec de la paille tortillée, des épines ou même 
des branchages, à l'extrémité d'une gaule. 

La fête des brandons a lieu le premier et le 
second dimanche de Carême. Elle a presque 
entièrement disparu de nos jours. Voici 
comment elle se passait autrefois : 

Vers le déclin du jour, de vives lumières 
surgissaient, de tous côtés, dans la plaine : 
c'étaient les jeunes gens des villages, portant 
chacun un brandon allumé. Courses, rondes, 
cris, chants, coups de fusils se succédaient. 
Ils chantaient : 

Brandons, brûlez, 
Par ces vignes, par ces blés, 

Brandons, brûlez. 
Pour les filles à marier. 



3l6 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

De temps en temps, les jeunes gens s'ar- 
rêtaient, et, tous à la fois, frappaient en- 
semble le même point de terre avec leur 
brandon, en criant : « Gcrhcs à boisseaux. » 

Les gaules étaient ensuite réunies à 
l'entrée du village ; on en faisait un grand 
feu autour duquel dansaient garçons et 
filles. 

En portant des brandons dans les champs, 
les paysans croyaient les préserver des mu- 
lots, de rinclémence du temps, en éloigner 
l'ivraie et la nielle. 

A la fête des brandons se rattache l'é- 
trange coutume suivante : 

« Avant 1789, le 24 décembre de chaque 
année, le peuple de Dreux, au nombre de 
1,500 ou 2,000 personnes, toutes à jeun, s'as- 
semblait sur la place publique, portant à la 
main un gros bâton de chêne, séché à la cha- 
leur du four. A cinq heures, on allumait ces 
brandons qu'on appelait Flambarts; on se 
mettait en marche en criant NoëL La proces- 
sion achevée ; on se dirigeait vers le cimetière. 
Là, chacun se mettait à genoux sur le tom- 
beau de ses parents, enfonçait dans la terre 



ET DU PERCHÉ 5Ï7 



le reste de son flambait qui achevait de s'y 
consumer ; puis on se retirait après avoir fait 
une prière. » 

Feu de Saint-Jean, 

La Fête du Feu de Saint-Jean et celle de 
Noël datent des époques primitives de l'hu- 
manité, remontent à nos ancêtres sauvages 
qui divinisaient les forces de la nature. Elles 
nous rappellent les fêtes qui s'accomplis- 
saient en l'honneur du plus grand des dieux : 
le dieu solaire, symbole de vie, de chaleur 
et de fécondité. Au solstice d'été, on célé- 
brait la force, la gloire, le triomphe du So- 
leil à son apogée ; au solstice d'hiver, on 
fêtait sa renaissance, préparant le réveil de la 
nature* 

La signification symbolique de ces fêtes 
du paganisme s'est perdue ou plutôt s'est 
transformée en traversant les siècles. Fidèle- 
ment pratiquées, au commencement de notre 
ère, ces coutumes furent adoptées par le chris- 
tianisme naissant qui les sanctifia. Cepen- 
dant, bien que devenues chrétiennes, elles 



3l8 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

conservèrent encore des traces indélébiles de 
leur origine païenne : le tison sacré du 
feu de Saint-Jean et la bûche de Noël sont 
l'image de la chaleur du soleil, et les vertus 
préservatrices qu'on leur prête rappellent le 
culte dont cet astre fut jadis l'objet. 

La Noël chrétienne, qu'agrémentent tou- 
jours les joies du réveillon,la féerie des arbres 
verts illuminés, les surprises glissées en ca- 
chette dans le foyer familial, a conservé, par 
son mystère de l'Enfant-Dieu, tout son pres- 
tige et tout son charme ; tandis que le feu de 
Saint-Jean a presque complètement disparu. 
Voici en quoi consistait cette coutume, en 
nos contrées. 

Le 23 juin, à la nuit tombante, — soit 
sur la place du village, soit auprès de la croix 
du cimetière, — on allumait d'immenses 
feux de joie, composés de tas d'herbes, .de 
broussailles et de fagots d'épines : on les 
appelait Feux de Saint-Jean, Au milieu du 
foyer,se trouvait une énorme branche d'arbre, 
au haut de laquelle était suspendue une cou- 
ronne de fleurs naturelles. On dansait autour 
de ces feux de joie, après toutefois que le curé 



ET DU PERCHE 319 



du lieu fût venu en grande pompe les bénir. 

Au commencement du XIX« siècle, un 
détachement de la garde nationale prenait 
les armes, à l'occasion de cette solennité. 

Des superstitions sont attachées à ces feux 
qu'on appelait dans le Perche des marolles. 
Pendant que le feu pétillait, les gens s'appro- 
chaient du brasier et passaient leur tête dans 
les flocons de fumée ; ce qui, croyaient-ils, 
les préservait d'une foule de maux. 

Quand le feu était éteint, chacun se préci- 
pitait sur les débris du bûcher, que l'on em-. 
portait chez soi comme préservatifs de la 
foudre. Ces tisons de Saint-Jean étaient con- 
sidérés comme de précieux talismans qui, 
pendant toute l'année, mettraient le logis à 
l'abri de l'incendie. Moins crédules et plus 
prudents, nos cultivateurs d'aujourd'hui leur 
préfèrent une Police d'assurance. A Lucé, 
près Chartres, on attribuait, en outre, à ces 
tisons la propriété d'éloigner les puces. 

Si la couronne avait pu échapper aux 
flammes, on s'emparait des fleurs enfumées, 
dont la vertu était au moins aussi puissante 
que celle des tisons. 



320 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Dans le Perche, certains fermiers allu- 
maient dans la cour de la ferme de petites 
maroUes^dzns la ftimée desquelles,ils faisaient 
passer toutes leurs têtes de bétail, afin de les 
préserver des maléfices ou des maladies. 

A part les ridicules superstitions qui s'y 
rattachent, la disparition de ces vieilles tra- 
ditions de nos pères est regrettable. Avec 
leurs chants^ elles apportaient une joie naïve 
et bruyante qui, dans le calme de la nuit, se 
répercutait de village en village. Par leurs 
mille feux divers, elles ofl!raient, dans nos 
plaines unies et dénudées de la Beauce, un 
spectacle dont le charme le disputait au pit- 
toresque. Les années ont passé, nombreuses, 
depuis qu'il nous a été donné d'assister à ces 
réjouissances champêtres ; en évoquant leur 
souvenir, nous sentons se réveiller en nous 
l'émotion d'autrefois. 

Mardi Gras» 

On a tellement promené, brûlé, martyrisé, 
enterré Mardi Gras qu'il est bien mort au- 
jourd'hui. Rares maintenant sont les villages 



KT DU PKRCHH 32 î 

OÙ les jeunes gens se déguisent (courent les 
gouincSy suivant l'expression beauceronne): 
C'est à peine si quelques familles font encore 
des crêpes ce jour-là. 

Le bonhomme de paille traditionnel, le 
chant : Mardi Gras n l'en va pas. (Cf. III'^ par- 
tie, chap. III, § F), la parodie de l'enterre- 
ment, tout cela a disparu. 






Taqucs. 

Pour ce qui a trait à la recherche des œufs 
{le pâqucret) par les enfants de choeur, nous 
renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit 
dans la ///« partie, chap. III, § F. 

A Combres (Eure-et-Loir), il est d'usage, 
le jour de Pâques, que les jeunes gens sautent 
la rivière (ruisseau de i"^ 50 environ de lar- 
geur). Autrefois les jeunes mariés devaient, 
tous les deux, effectuer cet exercice. Mainte- 
nant, ils donnent la pièce aux jeunes gens du 
pays qui sautent à leur place. Les habitants 
actuels se souviennent à peine de cette ati-- ^ 
cienne coutume. 

21 



322 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Chassant (Eure-et-Loir) a conservé deux 
vieux usages, le jour de Pâques : la Course aux 
œufs et le Jeu de Voie. 

Il y a, dans la Course aux œufs^ un planteur et 
un coureur. Six douzaines d'œufs sont ap- 
portées sur la place par les jeunes gens. Pen- 
dant que le coureur effectue un trajet déter- 
miné et contrôlé, le planteur doit prendre, 
un à un, les œufs et les planter autour de la 
place, en laissant entre eux une distance de 
i"^ 30. Le gagnant devient possesseur des 
œufs que Ton mange au cabaret, le soir, en 
une agape fraternelle. 

Le Jeu de Voie a lieu dans les prés, après la 
Course aux œufs ; jeunes gens et jeunes filles 
y prennent part. L'oie est suspendue en Tair, 
les jeunes gens se font bander les yeux et 
essayent de l'abattre à coups de bâton. On 
paie o fr. 50 pour en manger, le soir, à Tau- 
berge du village. 

Grosses Gerbes, 

Après la moisson, en Beauce, a lieu la fête de 
h Grosse Gerbe, appelée aussi la Passée d*aoùi. 



ET DU PERCHE 323 



Fermiers, moissonneurs et domestiques de 
la ferme sont tous réunis, dans la vaste cui- 
sine, en un repas de famille. Le civet de lapin 
est de tradition, à la Passée d'août. 

Dans Loir-et-Cher, il est d'usage, après la 
moisson, que chaque cultivateur fasse une 
grosse gerbe et l'apporte à l'église : derniers 
vestiges de la dîme. Il la place sous le pé- 
ristyle et ensuite sonne la cloche. La vente 
de ces gerbes se fait à la criée et le produit 
en est destiné au budget de la fabrique. Cette 
coutume, très commune autrefois en Eure- 
et-Loir, a disparu complètement. 

* * 
La Fête à Boudin, 

Si son origine manque plutôt de distinc- 
tion, la Fête à boudin n'en brille pas moins 
par la gaîté. Dans le principe, cette réunion 
de parents et d'amis n'avait d'autre but que 
de hâter la consommation de tous ces hors- 
d'œuvre, difficiles à conser\'er, et appelés la 
boudinaille. 

Aujourd'hui la Fête à boudin n'existe plus 



324 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

que de nom ; c'est à peine si le boudin parait 
sur la table : pigeons, poulets, dindons le 
remplacent avantageusement pour nos es- 
tomacs délicats. C'est seulement au départ, 
lorsque la maîtresse de maison distribue à 
chacun des convives un échantillon de l'art de 
la charcuterie, que ceux-ci se rappellent 
l'origine de la coutume qui vient de les réunir. 
On prenait autrefois les choses à la lettre. 
Le repas de la Fête à houdinÇou encore : la Fête 
à cochoji), ne comprenait que des plats pro- 
venant du nobr. C'était un engloutissement de 
toutes les victuailles fournies par Tintérieur 
de la béte : boudins, carpinettes (sortes de 
saucisses plates), andouilles, /^r^wre, hachis de 
têtCy etc. Et, bien lestés, ces fils de Gargantua, 
en quittant la table, emportaient dans les 
basques de leur habit à queue de morue, 
mie mine de boudin et une couple de saucisses. 

* 
* * 

Lu Joule uux Ccqs, 

L:\foutcdcs Coqs fit les délices de nos pères. 
Elle tint une large place parmi leurs fêtes 
traditionnelles, leurs réjouissances locales. 



ET DU PERCHE 325 "^ 



Les joutes étaient très goûtées dans l'an- 
tiquité ; mais les combattants variaient sui- 
vant les pays : les Romains avaient les gla- 
diateurs ; les Gaulois, les ours ; les Indiens, 
les éléphants; les Espagnols , les taureaux. 
En Grèce, les coqs étaient déjà les héros des 
fêtes spéciales de combat. 

D'après les investigations de M. Ad. Le- 
cocq, sur ce sujet, il résulte que ce genre de 
sport n'a été sérieusement pratiqué que 
dans plusieurs communes des cantons de 
Brou et de Voves (Eure-et-Loir). 

Bien que M. Lecocq se défende d'avoir, 
grâce à son nom patronymique, un droit 
incontestable à traiter le sujet ex professa^ 
nous prouverons sa compétence en la ma- 
tière par le récit suivant que nous lui em- 
pruntons : 

« En Beauce, il était généralement d'u- 
sage que la cour d'une ferme servît de 
théâtre pour le combat. Le lieu choisi était 
garni de dix ou douze claies de parc à mou- 
tons, disposées soit en parallélogramme, 
soit en forme octogonale, qui étaient main- 
tenues solidement et fixées verticalement 



326 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

au sol par des crosses en bois. Les proprié- 
taires des deux champions avaient seuls le 
droit de s'introduire dans l'intérieur de cette 
enceinte, afin de pouvoir exciter leurs coqs 
à combattre vaillamment. Lorsqu'ils les 
voyaient suffisamment irrités, ils s'esquivaient 
hors de cet enclos réservé, et se joignaient à 
la foule tumultueuse des spectateurs garnis- 
sant le pourtour du lieu où se passait la lutte. 
Lorsqu'il y avait joute dans un village, il 
était curieux de voir arriver, de deux lieues 
à la ronde, toute la jeunesse bruyante et ta- 
pageuse de la contrée. Heureuse la paroisse 
qui pouvait se faire accompagner, dans la 
marche, par un tambour destiné à lui pré- 
parer une entrée triomphale dans le village, 
théâtre du combat. C'était un spectacle in- 
téressant que la vue de cette tourbe tapageuse 
se pressant autour d'un ou deux jeunes gens, 
mais rarement trois, qui tenaient chacun 
sous l'un de ses bras, un combattant, peut- 
être le héros de la journée, destiné soit à 
faire la gloire du village qui le patronnait, 
soit à provoquer des quolibets insultants 
pour les habitants ; quelquefois, cependant. 



ET DU PERCHE 327 



le vaillant champion était renfermé dans un 
sac, afin qu'il fût moins effrayé par la bruyante 
cohue du cortège et les acclamations inces- 
santes des villageois. 

Au sortir de l'église, le dimanche, une 
petite heure après la fin de l'office, lorsque 
chacun avait pris son repas de midi, les ha- 
bitants se dirigeaient vers le lieu indiqué pour 
la joute. Les jeunes gens de Tendroit met- 
taient la dernière main aux préparatifs néces- 
saires. Les possesseurs des combattants fai- 
saient avaler à chaque champion quelques 
bouchées de pain trempées d'eau-de-vie, ou 
bien plusieurs gorgées de vin chaud aroma- 
tisé. Enfin chacun avait, à cet effet, ses pe- 
tits secrets particuliers, pour provoquer l'ar- 
deur de son coq, qui devenait plus hérissé et 
plus valeureux . Les plus madrés avaient soin 
de gratter et de tailler les éperons de leur 
sujet, pour les rendre plus aigus et par con- 
séquent plus dangereux. 

Alors, on comptait le nombre des villages 
qui avaient répondu à l'invitation, ainsi que 
le nombre des jouteurs; puis on tirait au sort 
l'ordre dans lequel chacun devait lutter. 



32S FCli-LOLi. -£ UL ÎZArCE 



Cciîi: cVror*:. p^r les numéros i eî 2, puis 
3 et -î e: 21 us: lîerjite. suivasîce qu'il y avait 
de co'jples. Sc!cn Tusage êiabli, le vainqueur 
de la prercicre couple se reposai! jusqu^à ce 
eue chacun des champions présenté eût 5gu- 
ré dans "arcne. e: les malheureux vaincus 
devenaient la rjro:>rlcté du maître de leur 
adversaire. Ensuite ia lune recommençait 
plus ardente et plus f évreuse et aussi plus 
opiniâtrement disputée entre les vainqueurs 
seulement, par couple également tirée au 
sort et à tour de rôle; le propriétaire de 
riieureux champion du premier combat 
n'était pas obligé d'accepter ce défi, mais 
trop souvent l'amour-propre s'en mêlait et 
les provocations le décidaient à faire rentrer 
son coq dans la lice ; souvent aussi la chance 
lui devenait contraire et il se voyait dépos- 
sédé de son précieux sujet. 

On choisissait toujours pour juges du com- 
bat deux personnes d'un âge mûr, prises dans 
les villages d'où sortaient les combattants. 
Ils décidaient sur les chances des adversaires 
sur la loyauté des paris, et ils avaient le droit 
d'adjuger sans appel le coq vaincu au pro- 



ET DU PERCHE 329 



priétaire du vainqueur. Quelquefois le ra- 
chat avait lieu au prix d'un écu de six livres, 
prix habituel et généralement adopté et 
d'autres fois il s'élevait à une pistole (lo fr.). 
C'était ainsi que l'ancien propriétaire obte- 
nait de pouvoir réintégrer son coq favori dans 
sa basse-cour, tout en conserv^ant l'espérance 
qu'un combat, plus heureux pour lui, lui fe- 
rait une autre fois retrouver la somme qu'il 
avait déboursée. 

A l'époque où nous plaçons ce récit, la 
couple de poulets se vendait ordinairement 
1^25 ou 1^50 et ce prix paraissait exorbitant 
ù l'habitant de nos campagnes. 

On a pendant longtemps conservé le sou- 
venir du nom de l'heureux propriétaire qui 
avait revendu, au fils du fermier de Crossay, 
son coq vaincu auquel il tenait beaucoup, au 
prix d'un louis d'or (24 fr.). Mais il est utile 
d'ajouter que la beauté de l'oiseau, et surtout 
son éducation pour le combat, en faisait 
souvent varier le prix. 

Au moment où la joute s'engageait, les 
curieux prenaient fait et cause pour le coq 
de leur village. Des paris avaient alors lieu, 



5^0 FOLK-LORE DE U\ EEAUCE 

mais ces paris étaient bien modestes, puis- 
qu'une ou deux pintes de \in faisaient sou- 
vent les frais de la gageure. Les jeunes gens 
de Péz\- avaient gardé bonne mémoire d'avoir 
parié, en commun, contre ceux de Voves, 
2 j pintes de vin et de les avoir gagnées. 

Mais revenons à notre sujet et achevons 
notre récit historique d'une Jouif aux Coqs. 
Le combat est terminé. Voici que mainte- 
nant, à la chute du jour, les jeunes gens se 
rassemblent par groupes, et chacun reprend 
le chemin de son village. L'heureux proprié- 
taire du héros de la journée se détache du 
tableau par sa mine épanouie, il est tout en- 
rubanné et sa décoration a îieu aux frais des 
jeunes gens de la paroisse. D une main, il 
tient le valeureux champion délicatement 
enveloppé, en partie du moins, dans sa blouse, 
et présentant, comme son maître, sa tête 
garnie àe fleurets aux couleurs variées. De 
l'autre main, il porte une branche de laurier 
ornée de rubans. Si le laurier manque, un 
gros rameau de buis cueilli dans le cimetière 
le remplacera, et cette branche, placée sur le 
manteau de la cheminée de l'habitation pa- 



ET Ï)U PERCHE 33 1 



tcrnelle, sera conservée comme un honorable 
trophée. 

De chaque côté du maître du vainqueur 
se placent ses deux amis intimes C'est à eux 
qu'incombe la charge de rapporter les 
pauvres coqs vaincus ; mais ceux-ci soift dé- 
pourvus de rubans, liés par les pattes et portés 
la tête en bas : Malheur aux vaincus ! Cette 
devise a toujours été vraie, chez toutes les 
nations et pour tous les individus. 

On voit alors les hommes parvenus à Tâge 
de maturité, ainsi que les femmes et les jeunes 
filles qui n'ont pu assister à la joute, s'avan- 
cer à leur rencontre jusque dans les ousches du 
village ; là, chacun veut embrasser l'heureux 
propriétaire du vainqueur et le féliciter de 
son brillant succès. Les vieillards et les in- 
firmes, restés seuls à la maison, sont debout 
et aux aguets sur le seuil de leur chaumière. 
Leurs vivats énergiques et prolongés an- 
noncent qu'ils prennent une part active au 
succès obtenu. 

Le coq est harassé, blessé, presque mutilé ; 
mais il guérira et recommencera un nouveau 
combat. 



332 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

Cependant notre héros éçlopé n'en est 
pas quitte encore ; si, pour lui, le dinianche 
gras a été une journée de combat et de gloire, 
il lui faudra, le lendemain, se voir transporté 
et porté de maison en maison, de ferme en 
fern^e, dans toute l'étendue de la paroisse. 
Dans chaque habitation, on le félicitera sur 
son courage, de même que son heureux pos- 
sesseur recevra des compliments pour l'avoir 
si habilement formé à la joute. Le cortège 
nombreux qui l'escorte se compose de tous 
les jeunes gens et il n'y a pas jusqu'à la petite 
marmaille qui ne veuille être delà fête. Tous 
sont enrubannés, parés d'oripeaux et même 
de bouquets artificiels provenant de pèle- 
rinages. 

Dans toutes les maisons, le coq porté par 
son maître est présenté à chacun des habi- 
tants. Un chant de circonstance modulé sur 
un rythme monotone se fait entendre pen- 
dant ces stations. Ce chant n'a pas un grand 
mérite poétique, mais il exprime assez naï- 
vement le motif de la visite, ainsi que le but 
de cette promenade grotesque Je crois de- 
voir transcrire les couplets suivants qui mé- 



ET DU PERCHE 535 

ritent d'être conservés comme type des chants 
populaires de l'ancienne Beauce. 

De la joute aux coqs, 
Voilà le plus gros 
Et le plus vaillant 
D'tous les combattants, 
Coquerico (i). 

A quiconque voudra. 
Il leur montrera 
Que leurs coqs capons 
Ne sont qu'des chapons, 
Coquerico '• 

Nous montrons l'vainqueur ; 
Pour lui faire honneur 
Nous v'nons vous demander 
De quoi l'rassasier. 
Coquerico ! 

Deux membres du cortège portent une 
corbeille dans laquelle sont déposées les of- 
frandes, qui se composent de rares pièces de 
monnaie, de fruits, d'œufs et quelquefois de 
volailles. Comme cette promenade avait lieu 

(i) Refrain répète pour tous les assistants sur tous 
les tons et un nombre illimité de fois. 



334 FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

le lundi-gras, le lendemain, jour de mardi- 
gras, le Roi de la Joute aux Coqs se faisait un 
plaisir d'inviter tous les jeunes gens de la 
paroisse à un banquet des plus modestes, et 
dont le menu était en rapport avec la position 
de la fortune de sa famille. Dans ce repas, 
les offrandes de la veille formaient la plus 
large part du festin. Au dessert, force quoli- 
bets étaient lancés contre les jeunes gens des 
villages dont les coqs avaient été rapportés 
comme trophées et gages de la victoire ga- 
gnée le dimanche précédent, puis l'on se 
quittait joyeusement en se promettant bien 
de célébrer d'autres victoires, à l'occasion 
prochaine. » 

Ainsi que le suggère notre distingué com- 
patriote, ces haines de ^^llage à village, 
ces querelles fréquentes, ces rixes san- 
glantes qui se reproduisaient à chaque fête 
patronale, avaient pour origine les joutes 
des coqs, 

La Révolution de 1793 a éteint, en Beauce, 
cet u^ge barbare . 



ET DU PERCHE 335 



* 
* * 



Viatique. 

Jusqu'au milieu du siècle dernier, lorsque 
le prêtre était appelé (le jour ou la nuit) au- 
près d'un moribond, il faisait, tout en mar- 
chant, tinter une clochette à coups cadencés. 
C'était un signal d'appel fait aux parents et 
amis du malade pour accompagner, avec des 
lumières, le prêtre dans l'exercice de son 
ministère. 

* 

Processions ambulatoires (i). 

Les processions se firent chez tous les 
peuples, avec des buts différents, suivant les 
temps et les croyances . Il y eut les proces- 
sions dites commémoratives, de pèlerinages, 
d'actions de grâces, etc. 

(l) Du vieux mot français ambuîer, qui a fourni 
les dérives : ambulant , ambulatoire , du latin, 
ambulare. 



33C> roiK-Loni- de la healce 

Les processions qui se font aujourd'hui 
dans rinlérieur des églises se faisaient, sous 
le dernier Km pire , sur le territoire de la 
coniiiume, jusqu'à certains carrefours où s'é- 
levait une croix. 

A la procession des Rogations, le clergé, 
croix en tête, suivi d'un grand nombre de 
fidèles, faisait le tour du territoire communal 
en bénissant les champs ensemencés afin 
qu'ils produisissent une bonne récolte. 

Anciennement, certaines processions of- 
fraient un parcours total de trente, qua- 
rante kilomètres et plus. Une procession 
fit le trajet de Chartres à Orléans. 

Lorsqu'une épidémie ravageait une contrée, 
le clergé de la ville organisait, pour apaiser 
la colère de Dieu, une procession ambula- 
toire. D'autres étaient organisées comme 
pèlerinages aux églises dont les saints étaient 
réputés. Le cortège comprenait des milliers 
de personnes. Suivant la distance, variait 
l'heure du départ. On partait quelquefois le 
matin, dès l'aube, pour ne rentrer qu'à la 
nuit. Quelques processions ont même duré 
plusieurs jours. Des pèlerins emportaient 



ET DU PERCHE 337 

leur nourriture ; d'autres achetaient de quoi 
se nourrir en cours de route, soit dans 
les villages traversés, soit aux commer- 
çants avisés et improvisés qui suivaient le 
cortège, dans des voitures chargées de pro- 
visions. 

Des scènes scandaleuses se produisirent 
forcément dans ces masses humaines, dans 
ce pêle-mêle de pèlerins où il n'y avait pas 
que des croyants : les processions à longues 
distances furent supprimées. 

La Procession des Btrgers. 

Jusqu'à la fin du XVII I« siècle, les fêtes 
de Noël furent très populaires dans nos cam- 
pagnes. Tous les Beaucerons allaient à la 
Messe de Minuit ; et, quoique très croyants et 
même pratiquants, ils n'étaient point enne- 
mis ni de la bonne chère, ni de la vieille 
gaîté gauloise. La messe de minuit était pré- 
cédée de la Procession des Bergers et suivie du 
Réveillon . 
. La coutume du réveillon s'est perpétuée 

22 



33^ FOLK-LORE DE LA BEAUCE 

jusqu'à nos jours ; mais la procession des 
bergers, profondément naïve à son origine, 
dégénéra,à l'époque de la grande Révolution, 
en manifestations marquées de chants obs- 
cènes et de danses scandaleuses : le clergé 
la supprima. 

Voici, d'après M. Ad. Lecocq, en quoi 
consistait cette cérémonie beauceronne. 

« Chaque année, les bergers d'un certain 
nombre de paroisses limitrophes se don- 
naient rendez-vous, dans l'une de ces pa- 
roisses, afin de représenter dans Téglise du 
village pendant la messe de minuit l'ado- 
ration des bergers à Bethléem. Chacun d'eux 
devait, sous peine d'une amende, se trouver 
avec la jeunesse de son village au rendez- 
vous le 24 au soir, à 1 1 heures, à la porte de 
l'église désignée. Chaque berger devait avoir 
sa bergère qui menait en laisse un mouton 
enrubanné et lui-mcme devait accompagner 
de son hautbois les chants d'allégresse qui 
signalaient l'entrée dans l'église. 

Le récit que nous allons faire de la céré- 
monie et de ses apprêts ne peut donner 
qu'une idée bien incomplète de cette mise 



ET DU PERCHE 339 



en scène pastorale. Dans chacun des villages 
beaucerons, le dernier coup de V Angélus du 
soir de la veille de Noël avait à peine re- 
tenti que tous les jeunes gens et toutes les 
jeunea filles, ainsi que les bergères, conduisant 
le mouton traditionnel et les bergers, tenant 
en main leur hautbois ou musette, se ren- 
daient à la porte de l'église de leur paroisse. 
Là, un premier chant de Noël était exécuté. 
Chaque village avait ses chants de Noël de 
prédilection, lesquels étaient le plus souvent 
frondeurs. Rendus dans le langage naïf ou 
patois du cru, ils étaient pleins de malices, 
d'équivoques ou d'allusions à certains faits 
locaux . 

Si, dans le courant de l'année, se compo- 
sait un nouveau chant de Noël, on le desti- 
nait à être exécuté dans l'église où devait 
avoir lieu la réunion générale, à la Procession 
des Bergers, Au jour solennel, le cortège se 
dirigeait vers la demeure du curé et se ren- 
dait ensuite dans toutes les fermes et habita- 
tions marquantes de la paroisse, pour faire 
entendre d'une manière bruyante et le plus 
souvent cacophonique, de vieux Noëls sécu- 



340 FOLK'LORE DE LA BEAUCE 

laîres. Cette procession grotesque était es- 
cortée par des gamins et éclairée par des lan- 
ternes faites de papier huilé et découpé qu'on 
appelait, dans quelques endroits, coîineties. Au 
centre de ces appareils apparaissait une chan- 
delle fixée à un bâton, le tout ressemblait 
beaucoup à nos modernes lanternes véni- 
tiennes. Si rhabitant, à la porte duquel on 
s'arrêtait, était généreux, il offrait aux mu- 
siciens et aux chanteurs des rafraîchissements 
ainsi que quelques pièces de monnaie de 
billon destinées à l'achat des herbes né- 
cessaires à la nourriture des moutons, 
lesquels étaient supposés devoir se rendre à 
Bethléem. 

Vers dix heures, la clojl c du village, mise 
en branle, annonçait la messe de Minuit qui 
ne devait être célébrée que pour les vieillards 
et les chefs de maison, seuls assistants puisque 
le départ des bergers, qui avait lieu dans le 
même moment, entraînait à sa suite toute la 
jeunesse vers l'endroit de la réunion où se 
trouvait la grande crèche. 

A deux cents pas de ce burlesque cortège 
marchait un jeune garçon qui portait^ élevée 



ET DU PERCHE 34 1 



au bout d'une longue perche, une lanterne 
allumée et garnie de verres. Dans l'obscu- 
rité, cette lanterne figurait l'étoile apparue 
aux bergers et aux mages pour les guider 
vers l'étable de Bethléem, lors de la nais- 
sance du Sauveur. 

Rien ne devait être plus saisissant que de 
.voir à travers ces immenses plaines de la 
Beauce, ordinairement si calmes et si dé- 
sertes pendant les nuits, scintiller cette mul- 
titude de lumières, répercutées en des mil- 
liers de points étincelants par la glace et les 
frimas qui, à cette saison de l'année, ta- 
pissent le sol et les plantes diverses. Ce sont 
les colinettes et les brandons éclairant le 
cortège qui ont produit cet effet magique. 
Tous les chemins, tracés par de profondes 
ornières, sont bientôt envahis par une foule 
compacte et bruyante faisant retentir les 
plaines, des Noëls, des cantiques et des chan- 
sons diverses. 

C'était dans l'une des paroisses où s'élevait 
un porche ou chapiteau, à l'entrée de l'é- 
glise, que s'établissait la grande crèche. 
On vit, dans certains villages, le bœuf et 



v|2 FOLK-LOKE DK LA BEAUCE 

l'âne traditionnels installés, vivants, sous le 
porche auquel on accolait une petite cons- 
truction, en appendice. Si le porche faisait 
défaut, c'était dans l'église même et en face 
de l'autel de la Vierge que l'on disposait la 
crèche. 

A onze heures sonnant à l'horloge du vil- 
lage, où avait lieu le rendez- vous, tous les 
bergers, groupés en cercle avec leurs ber- 
gères autour de la crèche, exécutaient, sou- 
dainement et à l'unisson, plusieurs des an- 
ciens Nocls, les plus renommés de la con- 
trée. Un instant après et comme à l'impro- 
viste les paroisses qui avaient appris ou com- 
posé un Noël nouveau se mettaient en de- 
voir de le faire entendre ; on eût dit qu'entre 
tous les chanteurs s'engageait une sorte de 
lutte musicale et poétique. » 

Tout d'abord les Noëls se succédaient 
autour de la crèche, répétés par les gens qui, 
n'ayant pu trouver place dans l'église, se 
tenaient sur le parvis et dans le cimetière 
environnant l'église. Puis les chants se con- 
fondaient ; les moutons, le bœuf et l'âne 
mêlaient à ce concert leurs cris discordants ; 



ET DU PERCHË 



345 



la cloche faisait entendre son plus joyeux 
carillon. Alors, pour compléter cette caco- 
phonie indescriptible, musettes et hautbois 
attaquaient les vieux airs de menuets et de 
gavottes; c'était le commencement des 
dahîcs qui s'exécutaient dans le cimetière, 
sans respect pour la cendre des morts. 

L'office terminé, jeunes et vieux, bergers 
et bergères, reprenaient le chemin de leur 
villai^c respectif pour aller fêter le Réveillon. 



* 



Voici quelques airs les plus en vogue dans 
la Beauce et dans le Perche jusqu'en 1789 : 



LAISSEZ PAITRE VOS BETES. 



ajg^^^^^iN^^ 



Lais-sez paî-ire vos bé-tes, Pas- 



^ 



^ 



tou-reaux, par monts et par vaux ; Lais- 



344 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



4 



^m^^^^ 



sez paî-tre vos bê-tes Et ve-nez chanter 



* 



&f 



m 



-pfvr 



t=r= 



■ÉE 



m 



-0^ 



Nau . J'ai ouï chan -ter 



le ros-si- 



i 



25 



■■V^ 



'^ 



gnol Qui chan - - tait un chant 



ffefe^ 



ï@^^ 



g 



H 



X 



3^ZIl! 




si nouveau, Si haut, si beau, si raisonneau . 






BOUTONS XOUT HABIT. 




2^^ 



^ ITHT] 



Bou-tons nout' ha -bit le plus 




biau , que j'ons quand il est fê- 



ET DU PERCHE 



345 



:$: 



^m 



X 



f 



te, Pour a -do — rer l'en-fant nou- 



$3 



-- — — _ — xid" — in — , t.zX'-^^- 



^-J 



viau ; Çà se-rait mal-hon-nê - te si j'ai- 



^fe^^^j^i 



lions en sa-li-go vi-si-ter nou-tc maî-te. 






Nous VOICI DANS LA VILLE. 



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Nous voi-d dans la vil - le Où 



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na-quit au-tre - fois Le roi le plus ha- 



bi-lc Et le plus saint des rois. E- 



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rOLK-LORE DE LA BEAUCE 



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Ic-vons la pen - séc A Dieu qui a con- 



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du- it Nos pas cet-te jour - née, Voi- 

n:it2=i=*=:ih: 



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ci vc - - nir la 



nuit. 



* 
* * 



En rentrant à la maison, nos chanteurs, 
assoiffés et affamés, trouvaient, tout préparés 
et tout fumants, les mets destinés à fêter le 
Réveillon. Les immenses plats en terre grise 
étaient placés, dans la vaste cheminée, sur 
la cendre chaude, près de la bûche tradi- 
tionnelle. Cette bûche était appelée, suivant 
les localités : trefoué, irifoué ou trifouyeau. On 
l'avait, au préalable, aspergée de quelques 
gouttes d'eau bénite. Ses charbons, comme 
ceux du feu de Saint-Jean^ étaient placés sous le 
lit afin de préserver la maison du feu du ciel. 



ET DU PERCHE 347 



Le Réveillon était une nouvelle Fête à bou- 
din : les entrailles du nobV et sa chair succu- 
lente, transformées en boudins, saucisses, an- 
douilles, etc., composaient le menu du fes- 
tin. On l'arrosait copieusement, dans le 
Perche, avec le cidre du cru, dans la Beaucc, 
avec une petite piquette récoltée sur les co- 
teaux les plus proches. 



* 
* * 



Les Car it tons. 

Au XVII*' et surtout au XVI II« siècle, les 
carillons étaient très en vogue. Chaque 
paroisse essayait de se signaler et de sur- 
passer la paroisse voisine dans la compo- 
sition de ses morceaux de musique destinés 
au carillon. Les airs de carillons se jouaient sur 
un nombre de cloches variant de quatre 
à quinze. 

Quatre cloches suffisaient pour exécuter le 



348 



FOLK-LORE DE LA BEAUCE 



Carillon de Vendôme. 



Andante. 




Or - lé - ans , Beau - gen - c\' . No-tre 



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Da - - me de Clé rv , Ven - dô - 



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me , Ven- d6 me, 



Sur cet air, les habitants de Pontgouin 
(E.-ct-L.), qui aimaient le carillon au point 
d en abuser et d'entrer en lutte avec leur curé, 
avaient adopté les paroles suivantes : 

Saint-Eliph, Vaupillon, 
Montireau, Fontaine Simon, 
La Loupe, La Loupe. 

Chartres a eu aussi son carillon célèbre 
dont le motif musical était une réminiscence 
chant breton : 



ET DU PERCHE 



349 



* 



CARILLON CHARTRAIN. 
Allegro. 



fïggl^^l^^ 



Il faut met-tre nos biaux habits, Pour 

^7\ 



cé-lé-brer la Saint-Lou-is Sur l'air de ce beau 

: A= 



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ca-ril-lon, Il faut dan - ser en rond, Il 



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-si- ^ 
faut dan - ser en rond . 



Fin du Tome I. 



PRINCIPAUX OUVRAGES CITÉS OU CONSULTÉS 

POUR LES RÉFÉRENCES. 



Affiches char traînes (Les). 

Almanachs des départements d'Eure-et-Loir, de 
Loir-et-Cher, du Loiret et de Seine-et-Oise. 

Annuaires statistiques des départements d'Eure- 
et-Loir, de Loir-et-Cher, du Loiret et de Seine- 
et-Oise. 

Ayrauh d Angers. — Proce^i faits aux cadaver 
{sic), aux bestes brutes^ choses inanimées et aux cou- 
tumàx (sic), (Angers, Hernault, 1591, in-40). 

Bart (Léonart), sieur des Roullais. — Les ^yinti- 
quités du comte du Perche, transcrites et augmen- 
tées en 1825 par L, N. C. Delestang, ancien sous- 
préfet de Mortagne ^Daupeley frères, 1849, in-i6). 

Beaussart (Melchior). — La Bande d'Orgères, 
brochures (Chartres, 1 870). 

De Boisvillette. — Statistique archéologique 
d'Eure-et-Loir (Chartres. — Pétrot-Gamier, 1864, 
in-8°). 

Carnoy. — Littérature orale de la Picardie (Pâris- 
Maisonneuve). 

Chevard (V ). — Histoire de Chartres et de l'an- 
cien Pays chartrain (Chartres, Durand-Le Telliçr. 
an X, 2 voL in-S»), 



352 PRINCIPAUX OUVRAGES 

Coudray-Maunier. — Histoire de la Bande d'Or- 
feres, (1883). 

Courtin (maître René). — Histoire du Perche 
(161 1), transcrite en 1763 par P. Lcr.ueur. 

Delescornay. — Mémoires de la ville de Dourdan 
(1624, in-12). 

Devoille (A.). — La cloche de Louvilk (Blériot 
et Gautier, Paris, in- 12). 

Doyen. — Histoire de la vilk de Chartres y du 
pays chartrain et de la Beauce (Chartres, imp. 
Deshayes, 1786, 2 vol. in-80). 

Dureau de la Malle, membre de l'Institut. — 
Description du bocage Tercheron^ etc. (in-8", Î823). 

U Evangile des Quenouilles (Paris, Janet, 1855). 

Frémin ville. - Mémoire sur les monuments drui- 
diques du pays chartrain. 

Fret (abbé Joseph). — Antiquités et chrmiques 
percljerohnes. (Mortagne. imp. de Glaçon, 1838- 
1840, 3 vol. in-80). 

Glanes Beauceronnes (Chartres, Pétrot-Gamier, 
1869). 

Guilbert (Aristide). — Histoire des villes de France, 
(Paris, 1845, ^' 2). 

Leclair. — Histoire des brigands j chauffeurs et 
assassins d* Or gères, (Chartres, brumaire an VIII, 
in-12). 

Lecocq (Ad). — Chroniques et légendes beau- 
ceronnes (Chartres^ Pétrot-Garnier, 1867, in*8"). 



CITɧ OU CONSULTÉS 353 



Lccpcq (Açl.)- — -^^ Sorciers de la Beauce^ 
(Chartres, Pétrot-Garnier, 1861, m-B^). 

Lccocq (Ad.). — Lçs LoHf>s dans la Beauçe. 

L^f^vre. -TT 'Ho^ke sur V abbaye de Sainf-Sanctin. 

Leroux de Lincy. — Le Livre des Prçverhs fran- 
çais {2^^ édit. 1859, '^ vol. in-i6. Delahays (bi- 
blio.th. gaulois^). 

Lenglet^DuCresnay. - Traité historique et dogtna- 
tiqu^sur les apparitions , les visions (■ 1 7 5 1 , 3 vol . in- 1 2 ) . 

Luzel (F.-M.). — Co»tes^ populaires de la Basse^ 
Ihdï^m (Paris, Maisanneuve). 

Manuscrits divers de la InhlipM'que de Chartres. 

Mçlusinç. rsT Recueil de MytMo^ie. Lièiérature 
populaire^ etc., publié par H. Gaidoz et E. Rol- 
land (1878 e; 1884-1897, in-4P). 

Mémoires de la Société des Antiquaires de France. 

Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, 

Morin (A. S.) — Le Prêtre et le Sorcier (Paris, 
1872, in-i6). 

Morin (Dom Guil . ) . — Histoire générale des pays du 
GastinoiSySenonois... (Paris, Chevalier, 1630, in-4»). 

Musée des Familles (t. II, décembre 1834). 

De Pétigny. — Essai sur la popnlation du dépar- 
tement de Loir-et-Cher au XIX^ siècle. 

De Pétigny. — Histoi;^'e du Vendâmois (in-40). 

Philippon delaMadelaine. -— L'Orléanais [Vd^is, 
Mallet, 1845, in-8»). 

T. I 25 



354 PRINCIPAUX OUVRAGES 

Précis historique du Pays char train (Chartres, 
Lacombe, 1792, in-80). 

T{evuedes traditions populaires, 

Rolland (E.). Rimes et jeux de V enfance (Paris, 
Maisonneuve). 

Rouillard (Sébastian). — Parthénie ou Histoire 
de Chartres (Paris, Rolin-Thierry, 1609, in-80^. 

Savard. — Parthénie ou Histoire de Chartres, 

Sébillot (P.). — Coutumes populaires de la Haute- 
Bretagne, (Paris, Maisonneuve). 

Sébillot (P.). — Littérature orale de V^Auvergne, 
(Paris, Maisonneuve) 

Souchet. — Histoire du diocèse de la ville de 
Chartres (Gamier, 1866-73, 4 vol. in-80). 

Thiers (J.-B.), docteur en théologie, curé de 
Champrond (E.-et-L.). — Traité des Superstitions, 
(Paris, de Nully, 1704, 4 vol. in-12). 

Vallerange. — Curiosités percheronnes et heauce- 
. ronnes (L. Passard, 1861). 

Vaugeois . — Mémoires de la Société des Anti- 
quaires. (Tome III). 

Chartes, Manuscrits et Mémoires divers. 



^ 



TABLE ANALYTIQUE 

DES 
MATIÈRES CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME. 



PREMIÈRE PARTIE. 



Autrefois. — Aujourd'hui. 

La Beauce ET LE Perche. 

Les Beaucerons et les Percherons. 

Types. — Mœurs. — Patois. 

La Beauce préhistorique. — La grande cité des 
Carnutes ; son étendue. — La Beauce du III« au 
X Ville siècle. — Vicissitudes et esclavage des 
paysans. — Cahiers de doléances de 1789. 17 

Etendue de la Beauce au XVIII» siècle. — 
Formation des départements — Unifica- 
tion des races 25 

Psychologie du Beauceron ; ses qualités, 
ses défauts. — Les assemblées. — La louée 
des domestiques de ferme. — Costumes. — 
Mœurs 27 



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«^««^«. ta« 



El^scpption du PçrcJ^e. — ^^ sup^ig^^^é 
sur la Beauce. — Les aoûterons. — Psycho- 
logie du Percheron ; ses qualités, ses dé- 
fauts. — Les assemblées. — Costumes. — 
Mœurs ^S 

Patois Beauceron et Percheron. . . 44 



DEUXIÈME PARTIE. 



A Travers la vie Beauceronne et 
Percheronne. 

(Vieux Usages^, — Vieilles Supersiitionsi). 

CHAPITRE I. 

La médecine Religieuse : Souvenirs 
Druidiques. 

S I. £)g /^ Su^er^tifi^ ejf. gét^éxak : Elle re- 
ï.VPfl\<^ à \a pius h^me ^^^^qv.Hé. 
^s Beaucçrqps et Içs Perçiiero^ç.s^ 
sont restés, en fait de ^^pçrs^- 
tion, les dignes fils desCarnute^. 51 

S II. ÇvMe des Fotitams : ilites en Thon- 
aeur des uymphe3 et des di^u»/— 
Le christianisme consacre le§ fo^i- 



TXBLB ANALYTIQUE 357 

taities à là prière: — SdurcèS sabrées 
répcitées fîvoi-ables iux fiétretlx et 
aux enfants: En pays Chartrain ; 
en pays Drouais ; en Orléanais ; 
en pays Dunois ; dans le Perche Du- 
nois ; dans le Perche Nogentais : 
Mariettes : dans le Vendômois. — 
Sources aveuglées. — Sources pro- 
fanées. — Sources hantées. — Tra- 
ditions et légendes qui s'y rat- 
tachent. 56 

; III. Culte des ^îkne's : On donne atix mo- 
numents mégalithiques le nom de 
pierres celtiques ou druidiques. — 
Leur origine încëhaînë: — Rite clan- 
destin delà Pierre-de-Chantecoq. — 
Noms étranges des nombreux mé- 
galithes épars dans la Beauce et 
dans le Perche ; — Traditions et 
légendes qui S'y rappbrtent: — 
Pierres de Gargantua. Pierfes tour- 
nantes. — Elles cachent des trésors. 
— Leur disparition successive. . 77 

§ IV. CUHè des Arbres : Caractère sacré de 
la forêt Camuté. — Géants cohtem- 
porains de 1 âge celtiqae : Les chênes 
de La Loupe- de bdu^lflier^; de 



c 



^58 TABLE ANALYTIQUE 



Manouyau, de Saint-Denis-des- 
Puits ; le houx de rOrme. . . 95 

Villes anciennes. — Camps Romains, — 
Voies Romaines : Vestiges d'agglo- 
mérations de Pépoque gallo-ro- 
maine : La Maune, Sampuy, Al- 
laines, AUonnes, etc. — Les camps 
dits de César, de Plancus, de Sougé. 
— Réseau de voies commerciales et 
stratégiques. — Vastes souterrains 
appelés Croth-aux-Fées, Grottes 
des Vierges, des Sybilles. ... 99 



CHAPITRE IL 
La Médecine Religieuse (suite) : Saints 

PROTECTEURS ET GUÉRISSEURS.' 

f, I . Les Voyageuses : On invoque le pou- 
voir des saints. — Saints apo- 
cryphes. — Rôle et vertus particu- 
lières des voyageuses. . . . 109 

5 II. Le Berceau de saint Biaise: Vogue 
dont jouit ce saint du XI« au XVin« 
siècle. — Il guérissait l'aliénation 
mentale, les maladies des enfants 
et celles des bestiaux 113 



TABLE ANALYTIQUE 359 

S III. kA Chartres: Cathédrale: la Vierge 
Noire, le Puits des Saints-Forts, 
la Vierge du Pilier, nombreux 
saints. — Eglise Saint-Brice. — 
Chapelle Saint- Julien. — Les fers 
de saint Léonard dans la chapelle 
de l'Hôtel-Dieu. ..... 117 

§ IV . Dans la Beauce et dans le Perche : No- 
menclature alphabétique des difté- 
rentes localités dans lesquelles les 
saints sont l'objet de pèlerinages 
ou de voyages. — Coutumes bi- 
zarres. — Religion et superstition. 127 



CHAPITRE III. 
La Médecine empirique : Rebouteurs; Panseux 

DE SECRETS ; ReMÈDES POPULAIRES. 

§ I. Rebouteurs. — Renoueurs. — Rhahil- 
îeurs : Affinité entre le toucheur, 
le sorcier et le saint. — Célébrité 
de la famille Goupil . — Les ber- 
gers, les maréchaux-ferrants, les 
tisserands étaient rebouteurs. . . 159 

^11. Toucheur s : Marcous : Marcous et rois 



»* 



360 TABLE ANALYTIQUE 

de France; -^ Régime imposé aux 
scrofuleux par les Mareous . . . 165 

'l III . Toticheurs : Guérisseux ; Panseux de se- 
crets : Les secrets se transmettent 
de père en fils chez les guérisseux. 
— Paroles magiques ; signes caba- 
listiques. — l'ormules diverses. — 
Manière d'opérer pour guérir les 
entorses, les brûlures, le mal de 
dents, le mal d'écharpe. — Le char- 
bon. — Les médecins aux urines : 
jugeux d'eaux. — Les guérisseux 
barrent le mal 168 

IV, Somnawhuîes : Ix-s dormeuses ont 

une clicinèk' aussi nombreuse 
que confiante et naïve. — Leur 
manière d'opérer. — Le coitipèfe. 
■^ Les somnambules dé Vllquiéf, 
de Bronville, d'Oysonville gué- 
rissaient bêtes et gens. ... . 176 

V. Visionnaires'. Martin de Gallardon. — 

L'inconnu mystérieux. — Nom- 
breuses apparitions. — Martin ques- 
tionné par le Préfet, par le Ministre 
de la police, par les Médecins, par 
le Roi. — Ses prophéties . . . 180 



'', VI. k'emcàes polmlair'ès. — Médecine cham- 
pêtre : Nomenclature alpnabétique 
des riidiik avec les rfehièdés em- 
ployés. — Remèdes de B8hnes 
feiiihles. -^ Pratiques supersti- 
tieuses ...;..;. 188 

CHÀPlîftË tV. 
La Sorcellerie et la DiabLerie. 

'^ I . Dé là Sorcellerie eh ore'nérâî : Ofi en 
pane moins, indis oh y petite en- 
core. — Sorcellerie et diablerie 
vont de pair. — Le sdbbat. ^- 
Frayeiir inspirée par les àorciers. 197 

j IL Le Pouvoir des Sorciers : Les différentes 
espèces de sorciers : caillebotiers, 
courtiliers, grèleurs, noueurs d'ai- 
guillettes, envoùteurs. — Les sour- 
ciers découvraient les sources et les 
trésors cachés. . ; . 



III. Conjuration dès Sorts : Les bons sor- 
ciers conjuraient \ts sbrts jetés par 
les itiauvâis soi-cièf-s; -^ Talismans 
bu drtiiilëttès. — Forrhulêi tiia- 
giquël. ~ Ftïèrëi et néùviihcs. — 



204 



362 TABLE ANALYTICUE 

Les sorciers envoûteurs . La messe 

du Saint-Esprit 212 

§ IV. Les Loups-GarousiTransformâtion des 
sorciers en loups. — Les meneurs 
de loups. — Courir le garou. — 
Moyens employés pour faire cesser 
l'enchantement d'un loup-garou. 217 

§ V . Histoires de Sorciers, de ^Démons et de 
LoupS'Garous : Le sorcier de Fave- 
rolles. — Les granges de Russay, 
d'Ymonville et de Fresnay-l'E- 
véque. — Le sorcier de La Loupe. 

— Le diable à Gaubert. — La 
Grotte du Mont-Chenu. — Le tré- 
sor de l'étang de la Fonte. — Les 
sorciers de Dourdan. — Nogent- 
le-Rotrou maléficié. — Le loup- 
garou beauceron 221 

CHAPITRE V. 
Le Monde fantastique. 

§ L Les Fées : Un enfant a sa bonne ou 
sa mauvaise fée. — On les croyait 
immortelles, mais sujettes aux ma- 
ladies et aux passions humaines. 

— Leurs demeures préférées. — 



TABLE ANALYTIQUE 363 

Les ondines des fontaines. — Les 
mauvaises fées des fontaines de 
Barboton et de Sainville. . .241 

§ IL Les Lutins : On les appelait aussi Far- 
fadets. — Etres capricieux, ni 
hommes, ni animaux. — Ils étaient 
parfois malfaisants. — Leurs espiè- 
gleries. ~ La tour de Montlandon . 248 

;^ III. Les Follets : On les appelait encore 
Fallots ou Flambas. — Ils volti- 
geaient devant les gens et les con- 
duisaient vers des précipices. — 
Moyens employés pour s'en débar- 
rasser. — Le follet dans les écuries. — 
Méfaits attribués aux feux-follets. 253 

CHAPITRE VI. 
Coutumes. — Traditions — Superstitio.« s 

DIVERSES. 

5 I . Coutumes religieuses : Honteux trafic 
de reliques incertaines ou fausses. 
— Oraisons superstitieuses. — La 
Patenôtre blanche. — Incantations 
pour guérir les maladies de la vue, 
le mal de dents. — Superstitions 
relatives à la messe de minuit. . 259 



364 tÀBLJE ÀkÂLYtli^bÈ 

' II. CDutumeS: — Croyances. — T^ètous : 

• jo Sur rhômme: — ^ 2«> Sûr les 

animaux. — 30 Siir les àl-brcs et 

les plantes. — 40 Sur les météores. 

— 5" A bâtons rompus. . . 267 

' III. I^55Mniow5;Un sobriquet se disait une 
grade. — Sobriquets donnés aux ha- 
bitants des provinces, des pàîôisses. 

— Légende sur les gens de M.. — 
Qjacîques surnoms donnés aux gens. 300 

[] IV. La Chance. — L^s Trésugts. — Les 
Sonores : Influence prêtée au temps 
tt aux nombres: — Le vendredi 
et le 1 3 . — Dicton sur les jours 
heureux et malHearettx. — Inter- 
prétation des songes relatifs au so- 
leil, à la lune, aux étoiles. . 304 

'' V. Coutumes. — Fêles. — Divertisse- 
ment s : La Fête des Rois. — Les 
Brandons. — Feu de Saint-Jjan. — 
Mardi-Gras. — Pâques: ~ Grb^ses 
gerbes. — La Fête à boudiii: — 
La joute aux coqs. -^ Viatique. — 
Processions amoùlatoirès. — La 
Procession des Bergers : àilcîèns 
Nol'Is bcîtùcerons . — Les Cjh-îllo'ns . 312 



f- 




#11^^^ 




~li_iii>i_^ ^> — -"^ ~ 



TARLE DES. MATIERES 

py PRÇMIpR YPLyME. 



AVANT-PROPOS. 



PREMIÈRE PARTIE. 



Autrefois. — Aujourd'hui. 
La Beauce et le Perche. 
Les Beaucerons et les Percherons. 
Types. — Mœurs. — Patois. . 17 

DEUXIÈME PARTIE. 



A Travers la Y^^ Beauceronne 
et Percheronne. 

{Vieux Usages, — Vieilles Superstitions.) 

Chap. 1. — La Médecine Religieuse : Sou- 
venirs druidiques. ... 51 

Chap. II. — La Médecine Religieuse (suite) : 

Saints protecteurs et guéris- 
seurs. 109 



366 TABLE DES MATIÈRES 

Chap. III. — La Médecine Empirique : Re- 

bouteurs, Panseux de secrets, 
Remèdes populaires. . . 159 

Chap. IV. — La Sorcellerie et la Diablerie. 197 

Chap. V. — Le Monde fantastique. . . 241 

Chap. VI. — Coutumes — Traditions. — 

Superstitions diverses . . . 259 



Principaux ouvrages cités ou consultés pour les 
référemes ..351 

Table Analyticlue des matières contenues 
dans le premier volume 355 




Vannes. — Imp. Lafolye Frères.